08/07/2013
L'île au trésor de Robert Louis Stevenson
Allez Moussaillons! A l'abooooordage des lectures estivaaaaaales !
L'île au trésor de Robert Louis Stevenson
lecture numérique
Toute l'aventure commence un soir à l'auberge de l'Amiral Benbow, lorsque débarque un pirate patibulaire et imbibé de rhum : Billy Bones surnommé Capitaine. Il apporte avec lui un coffre aussitôt enfermé dans sa chambre et que l'on ne reverra plus de si tôt. La famille Hawkins, et notamment le jeune Jim, servent le Capitaine sans mot dire pendant de longues semaines jusqu'à ce que ce dernier reçoive la tâche noire, variante pirate de la condamnation à mort, et meurt d'une crise d'apoplexie peu de minutes plus tard. Jim et sa mère s'empressent dès lors de quitter les lieux avant l'arrivée des pirates, non sans emporter le contenu du fameux coffre de Billy Bones - parmi lequel une carte au trésor. Tadaaaaam !
Le temps de réunir un équipage composé du Docteur Livesey, du Chevalier Trelawney et de l'étrange et bien trop sympathique maître-coq Long John Silver - avec sa jambe de bois et son perroquet nommé Flint - le lecteur contemporain l'aura tout de suite percé à jour, aha! -, les voilà tous embarqués à bord de l'Hispaniola vers la quête du trésor pirate !
Le livre numérique a décidément quelque chose de bien agréable : il offre tant de classiques gratuits que c'est pour moi l'occasion de farfouiller à loisir dans des histoires mythiques et surannées que je lis avec plaisir et délectation. J'ai donc vogué pendant quelques jours au rythme de l'Hispaniola sans bouder mon plaisir, attendant que Long John Silver découvre son double-jeu, que Jim mène avec courage moultes aventures qui sauveront la mise à tous et que le trésor soit mis à jour. Tous les clichés sont là, bien sûr, mais comme je l'avais dit du Faucon de Malte dans un autre genre, nous sommes ici à la source des clichés et, l'eau, comme chacun sait, y est toujours meilleure.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que L'île au trésor a toujours une délicieuse saveur - celle des embruns, du rhum, de la poudre à canon et des jurons, Cré nom ! - qui fait mouche à tous les coups. Je crois que c'est l'histoire parfaite à raconter à voix haute aux enfants dans la demi-pénombre pour stimuler leurs rêves aventureux et leur imagination débordante. C'est aussi l'histoire parfaite pour partir en vacances.
Et retomber en enfance brièvement, c'est décidément génial ! Non parce que c'est quand même le pied de se dire que, le temps d'une lecture,
"J'allais moi aussi naviguer ; naviguer sur une goélette, avec un maître d'équipage qui jouerait du sifflet, et des marins à catogans, qui chanteraient ; naviguer vers une île inconnue, à la recherche de trésors enfouis!"
Challenge Petit Bac 2013
Catégorie Lieu
© Pascal Barriault
08:00 Publié dans Aventure, Challenge, Classiques, Littérature anglophone | Lien permanent | Commentaires (8)
01/07/2013
Le chemin des âmes de Joseph Boyden
Le chemin des âmes de Joseph Boyden, ed. Le livre de poche, 2012 [Albin Michel, 2006], 471p.
Ce premier roman cousu d'une main d'orfèvre nous offre un morceau d'histoire bouleversant. Au canada, au début du XXe siècle, les tribus amérindiennes sont de plus en plus assimilées par la force des choses. Le gibier vient à manquer et les autochtones se réfugient dans ces réserves que le peuple dit "fondateur" leur octroie ; ils sont éduqués dans des pensionnats religieux où il s'agit de leur faire perdre leur "sauvagerie". Elijah et son ami Xavier sont parmi les derniers à vivre dans les bois, selon le mode de vie ancestral cree, avec Niska, la tante de ce dernier. Devenus fringuants et aventureux, ils décident de s'engager dans l'armée canadienne lors de la première guerre mondiale. Cette guerre, comme chacun sait, sera d'une violence inouïe - non seulement physiquement mais moralement. Les deux jeunes cree sont rapidement repérés comme d'excellents chasseurs et sont donc employés au tir d'élite ou à la traque silencieuse. Traités avec irrespect et condescendance dans leur pays, ils ont soudain nombre de qualités lorsqu'il s'agit d'en user au combat. Elijah s'illustre brillamment et prend plaisir à tuer. Il communique aussi beaucoup mieux avec ses frères d'arme que Xavier qui ne maîtrise pas assez bien l'anglais. Progressivement, leur duo est soumis à la houle des évènements tragiques, d'un quotidien martelé par les obus et les morts, et à l'empoisonnement progressif de cette médecine blanche si puissante : la morphine. Progressivement, Elijah devient un windigo. Rien ne résiste à la guerre des tranchées, pas même l'amitié la plus pure.
Parallèlement à ce récit, s'écrit la voix de Niska, la tante. En 1919, elle vient recueillir à la gare son neveu Xavier au sortir de la guerre. Il est abattu, incomplet et mutique. Il s'agit de le ramener chez lui, chez eux, dans leur terre. Niska engage alors trois jours de canoë pendant lesquels elle va raconter à Xavier son histoire et l'histoire de son peuple finissant. Elle ne sait pas si Xavier écoute, elle ne sait pas s'il va vivre. Mais tandis que tous deux revivent leurs histoires, ils cheminent sur le chemin des âmes - celui là même qu'empruntent les esprits pour rejoindre la lumière.
Parler de ce roman est extrêmement délicat car il me semble être un concerto tellement virtuose. D'une part nous avons le récit crépusculaire de Niska qui livre une culture qui finira avec elle. Seule, elle subsiste dans la forêt, loin de ces réserves blanches où l'alcool ravage toute la fierté d'un peuple jadis libre. Elle a hérité des pouvoirs chamaniques de son père et puise ainsi sa force dans ses racines puissantes. Mais elle n'a pas eu d'enfant et qui sait si Xavier survivra ? Peu à peu, la flamme cree s'éteint.
En dialogue avec ce chant du cygne lumineux, nous écoutons avec effroi les souvenirs de Xavier. De chapitre en chapitre, l'horreur des tranchées grandit et les soldats sont de plus en plus abîmés. Seule le morphine aide à tenir mais c'est aussi elle qui détruit de l'intérieur. Ainsi se répondent la folie des hommes avides de pouvoir au détriment des êtres et le lointain écho des cree.
Jim Harrison dit de ce roman qu'il est à la fois lumineux et sombre ; c'est on ne peut plus juste. Jamais l'auteur ne tombe dans la pathos ou la violence gratuite. Jamais il n'affirme ni ne défend une thèse particulière. Il use de ce merveilleux instrument qu'est la langue poétique pour témoigner et livrer la beauté, la complexité et les fantômes des âmes blessées. Au-delà d'un hommage aux cree et aux soldats de la grande guerre, c'est un très bel hommage à l'humanité.
Un premier roman d'un incroyable talent qui laisse présager une oeuvre d'une grande qualité. Pour la peine, suivra bientôt Les saisons de la solitude !
Challenge amérindiens
4eme lecture
08:44 Publié dans Coups de coeur, Littérature amérindienne, Littérature anglophone | Lien permanent | Commentaires (16)
15/06/2013
Nuit et jour de Virginia Woolf
Nuit et jour de Virginia Woolf, traduction de Françoise Pellan, ed. Pléiade, 2012 [1919], 442p.
"C'était un dimanche d'octobre, en fin d'après-midi, et, comme bien d'autres jeunes filles de son milieu, Katharine Hilbery servait le thé".
Ainsi s'ouvre le deuxième roman de Virginia Woolf sur une touche anecdoctique savoureuse et plongeant in medias res le lecteur dans une scène de la bourgeoisie londonienne - procédés qui préfigurent le fameux incipit de Mrs Dalloway sur le même ton, "Mrs Dalloway said she would buy the flowers herself". Nous y voilà donc encore, ou devrais-je dire "déjà" pour respecter la chronologie d'écriture, dans cet univers typiquement woolfien : Un Londres huppé mais crépusculaire où une galerie de personnages reflète les mille éclats de l'humanité et incarne le fil tendu d'une société entre une ère victorienne rigide et un XXeme siècle bouleversant.
Ici, se croisent quatre jeunes gens, deux hommes et deux femmes dans toute une série de salons, de parcs, de rues et de dîners. On peut même noter quelques réunions intellectuelles où l'on discute de poésie ou de Droit, non sans rappeler les réunions de Bloomsbury qu'organisait la fratrie Stephen. Katharine Hilbery ouvre et ferme le roman et, de fait, sa figure irradie de pages en pages qu'elle soit effectivement présente ou pas. Trentenaire et fille unique d'une illustre famille, elle est l'incarnation de celle qui saisit les autres mais qui ne se saisit pas elle-même. Son erreur est d'être née dans un temps et une famille où la tradition, les conventions sont une prison. Une voie lui semble toute tracée mais à laquelle elle ne souscrit pas. Tandis qu'on l'attend dans le rôle de secrétaire d'une biographie de son grand-père ou dans celui d'épouse chaleureuse et dévouée, Katharine veut la liberté avant tout et rêve de mathématiques. Il ne lui sied guère de s'engager pour une cause, ni de s'engager du tout. Elle est sans nulle doute égoïste, et elle n'écoute que rarement les personnes qui lui parlent. Elle ne connaît pas l'amour. Katharine évolue sur un fil, dans la peur perpétuelle de chuter et de se perdre tout à fait à force d'être pressée de tous côtés.
Pressée notamment par deux hommes : William Rodney, un littérateur engoncé de convenances, souvent prétentieux et risible, au physique peu attrayant mais non dépourvu d'élégance. A force d'effusions poétiques enflammées - qui ont la vertu d'ennuyer Katharine plus que de l'émouvoir -, cette dernière finit par accepter sa demande en mariage. Une acceptation raisonnable.
Quant à Ralph Dehnam, il est un clerc de notaire sans le sou mais érudit, ambitieux et passionné. Il va, lui aussi, tomber sous le charme de Katharine dès la première entrevue sans toutefois se l'avouer (évidemment). Sa relation avec sa muse rêvée se fera sur le mode de la distance et de nombreuses contrariétés.
Enfin, notre quatrième personnage et seconde femme est Mary Datchet. C'est en son honneur que Points a mis une suffragette en couverture de son édition du roman. Femme libre et volontaire, elle habite seule et gagne sa vie comme secrétaire d'une association de lutte pour le vote des femmes. Et bien sûr, afin de boucler la boucle des Feux de l'amour de cet ouvrage, elle éprouve rapidement des sentiments pour son ami Ralph Dehnam.
Vous l'aurez compris, ce roman se joue sur le terrain des sentiments - quels qu'ils soient -, de l'amour et du mariage. Bien que tout cela peut sembler d'une futilité déconcertante, le registre sur lequel joue Virginia Woolf évite de nombreux écueils. Je ne vous mentirai pas : il y a bien sûr des scènes, parfois un peu longuettes, entre A et B qui aime C mais qui pense à D qui lui-même meurt d'amour pour A. Néanmoins, elles sont un prétexte, ou plutôt le point de départ de ce style d'écriture - ici sous une facture encore classique et très ordonnée -, que l'auteur développera dans La Chambre de Jacob jusqu'à l'aiguiser tout à fait à partir de Mrs Dalloway : le monologue intérieur. Plus qu'ils ne dialoguent, les personnages s'interrogent, ressentent, traversent les heures, les lieux et les émotions. Et Virginia Woolf s'intéressent surtout à saisir ces instants fugaces et silencieux qui se renouvellent perpétuellement en l'être. Même si, dans ce deuxième roman, elle éprouve encore une certaine frilosité à envoyer tout à fait valser l'ordonnance de la narration (ce qui donne d'ailleurs un ton assez suranné au récit, étonnant pour qui a d'abord lu des romans de la maturité de l'auteur), on saisit très clairement où se situe son véritable intérêt. Et elle le fait déjà merveilleusement bien. Le lecteur est plongé au coeur de cette chimie intérieure qu'est la formation de l'amour ou comment un être peut passer par mille pensées, mille colorations d'esprit, mille questionnements profonds ou futiles avant de s'amuser d'une évidence aussi flagrante que le sentiment amoureux. Comment il n'est pas possible de parler de certitude dès lors qu'on parle d'humain. Comment tout est toujours fragile, incertain, multiple, en mouvement.
"Il avait la sensation étrange d'être à la fois le phare et l'oiseau ; il était solide et brillant ; et en même temps, il était pris comme le reste dans une tourmente qui l'envoyait s'assommer contre la vitre."
Et puis, dualité que j'aime particulièrement chez Woolf, c'est le caractère éminemment social de son oeuvre. Car certes, il y a une focalisation délicieuse sur les intériorités mais également un aperçu saisissant de l'Angleterre à une période charnière de son Histoire. Dans ce roman, il est surtout question de l'éclatement progressif des conventions victoriennes à travers une jeunesse féminine qui aspire - au droit de vote des femmes, à une chambre à soi, à une possibilité de se réaliser en dehors du mariage - en un mot : à la liberté. Ce n'est pas tant strictement le vote des femmes qu'interroge Woolf mais plus largement la place de la femme dans la société et son propos, comme le reste de son oeuvre le montrera, se prononce sans conteste en faveur d'une évolution nécessaire.
"C'est la vie qui compte, rien d'autre que la vie - le processus de la découverte -, ce processus éternel et incessant, et non la découverte elle-même".
Je pense que ce roman est surtout intéressant pour des connaisseurs de l'oeuvre de Woolf, en ce qu'il éclaire rétrospectivement un certain nombre de préoccupations, tant formelles que fondamentales, qui jalonneront tous ses autres ouvrages. Pour ceux qui découvrent l'auteur avec ce roman (ou son précédent et donc premier paru, La traversée des apparences), il faut bien avoir en tête que sa facture n'est pas représentative de ce que l'écriture de Woolf deviendra à partir du roman suivant. Celui-ci est encore très calibré, la progression diégétique et chronologique est apparente et d'une grande clarté. La prise de parole et les flux de conscience des personnages également (ce qui explique sans doute d'ailleurs les centaines de pages que voilà qui tendront par la suite à se resserrer au maximum pour ne plus garder que la substantifique moelle des êtres.) Dans Mrs Dalloway et, a fortiori, dans Les Vagues, tout cela aura disparu au profit d'une écriture encore plus poétique et éthérée.
Bref (parce que je ne vais pas écrire un roman non plus), un ouvrage intéressant et non dénué de charme, de style et de pertinence mais sans doute un poil trop long et un poil trop conventionnel pour moi qui aime la Woolf libérée du carcan narratif. Je vous conseille néanmoins de le découvrir car il reste un roman de Woolf, c'est-à-dire un roman nécessairement au-dessus de tout ce qui a pu être écrit d'autre (la fille pas fan de Woolf déjà, hein).
Bonne lecture !
Londres, Le Parlement. Trouée de soleil dans le brouillard de Claude Monet, 1904
Lu dans le cadre d'une lecture commune d'une oeuvre de Woolf pour le mois anglais de Lou et Titine
3eme participation du coup !
Challenge Virginia Woolf chez Lou
3eme participation
Challenge Lire avec Geneviève Brisac chez Anis
4eme participation
15:58 Publié dans Challenge, Lecture commune, Littérature anglophone | Lien permanent | Commentaires (26)