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18/02/2013

La poésie en action

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Extrait de La nuit des poètes

 

Il m'a récemment été offert pour des raisons professionnelles d'assister à deux spectacles de poésie.
La nuit des poètes tout d'abord réunissait trois artistes pour un hommage à Louis Aragon. Nous avions un Julien Derouault improbablement chapeauté de vert à l'exercice périlleux de la lecture et de la danse - une danse électrique, saccadée, d'une souplesse animale mise en scène par Marie-Claude Pietragalla -, Yannaël Quennel au piano psychédélique et Malik Berki aux platines électro hip hop. Alternaient ainsi les voix pures du verbe d'Aragon et un melting pot tantôt brillant, tantôt cacophonique de toutes les entités présentes sur scène.

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Extrait de La nuit des poètes

 

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L'Or noir ensuite, spectacle beaucoup plus intimiste conçu et réalisé par Arthur H et Nicolas Repac pour donner voix à la poésie africaine et antillaise francophone. Cette fois, la musique se voulait au service du verbe, dans un retrait qui souligne, qui porte. La voix terriblement grave et harmonieuse d'Arthur H donnait un corps délicieux à la poésie de Césaire et des écrivains de la négritude.

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Extrait de L'Or noir

 

Pourtant malgré les très bonnes idées de ces deux spectacles et de très belles réalisations, je n'ai pas totalement accrochée et bien souvent, mon esprit s'enfuyait.

Après réflexion, je crois que j'ai tout d'abord du mal avec le concept de la littérature lue de manière générale : preuve en est, j'ai tenté plusieurs fois les livres audio sans jamais parvenir à les supporter plus d'une heure et sans jamais réellement parvenir à les écouter - c'est-à-dire à imprimer ce qui m'était conté. L'idée me séduit beaucoup mais, en pratique, cela ne fonctionne pas avec moi. Très rapidement, le livre audio devient un fond sonore dont je décroche. Sans doute cela vient-il du fait que j'ai une mémoire bien plus visuelle qu'auditive et qu'habituée à faire abstraction de bruits persistants au quotidien, j'entends plus que je n'écoute dès lors que le son fait appel à mon cerveau ?

Ensuite, je crois aussi que j'aime l'aspect intime, silencieux et calme que représente pour moi la littérature et l'instant de lecture. Le fait d'être dans mon univers, un environnement et un état d'esprit propice au resserrement, à la concentration - presque à la méditation. La lecture est pour moi une activité par essence solitaire - même si je suis dans les transports en commun, dès lors que je lis, je suis seule. Ici, être entourée de monde, et devoir écouter la poésie, cela m'a paru vraiment fastidieux et, soyons francs, fréquemment ennuyeux. Certes, j'étais dans un contexte professionnel aussi et mes classes n'ont pas été des plus attentives ce qui n'aide pas l'attention. Mais au-delà de ce fait anecdotique, je crois que ces expériences m'ont vraiment fait comprendre que malgré l'aspect séduisant des lectures publiques et des mises en scènes de la littérature, cela va à l'encontre de la manière solitaire et visuelle dont je jouis des mots.

Et vous, amis lecteurs, avez-vous déjà assisté à des lectures ? Quel plaisir y avez-vous pris ? Quel en a été votre sentiment ? Comment concevez-vous la pratique de la lecture ?

 

*

10/01/2013

Debout sur la langue d'Antoine Wauters

 

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Debout sur la langue d'Antoine Wauters, bookleg (plus que recueil) paru aux éditions Maëlstrom, 2008, 37p.

 

Tout part (puisque c'est ainsi que commence le recueil), tout part donc, du corps. Et plus précisément me semble-t-il, de la voix, du son, de l'organe qui nous permet d'expulser la vie comme le souffle et ainsi dire je suis vivant à la force de la langue. Dans ce bookleg (livre d'instants, de performances, dans l'esprit du bootleg musical. Tiens, tiens,  nous parlions de son ?), Antoine Wauters lance de brefs morceaux poétiques en prose, tous d'une même force et d'un même calibre, qui alternent de longues phrases et des phrases plus brèves. C'est en donnant voix au poème que l'on perçoit le sens de cette alternance qui retranscrit brillamment la respiration de l'être, mêlant ainsi sa corporalité et son souffle mystérieux.

Où il est question à chaque instant du vivant, sans fausse mystique et de l'écriture qui reflète et réfléchit. D'une profondeur rouge, terreuse, ancrée, dense. A cet égard, je reprends la remarque éclairée de cette fameuse amie belge (bande de lettreuses riprizent), qui notait la fréquente utilisation de termes dont l'oreille saisit perpétuellement le double sens. Les mots, dès lors, prennent l'allure d'une danse flottante qui oscille entre grâce et pesanteur.

Une fascinante découverte, vraiment, dont je concluerai le billet en vous citant quelques extraits qui parleront bien mieux que moi :

 

Le corps est plongé dans la glaise, qui, tout au fond, est du feu, de l'eau filant rouge, souveraine. C'est là, dans cette alliance montée au ventre, qu'ensemble, main dans la main, fondent l'espace et le temps. Là que le corps redevient l'oreille du monde et, battant sourd le sang en accouche les voix.

 

Pas un verbe. Pas une action mais un lieu, un espace liturgique. Ecrire. Dériver vers un temple, un sanctuaire où en paix avec le ciel, la terre, se frôlent qui je suis et qui je ne suis plus. Où le corps se rejoint, libre, nu, animal et joueur, ventre membrane à sons.

 

 

*

 

 

challenge petit bac 2013.jpgEt ni vu ni connu, je t'embrouille, ce billet s'inscrit dans
le challenge Petit Bac 2013 d'Enna dans la catégorie "Parties du corps"

06/09/2012

Just Kids de Patti Smith

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Just Kids de Patti Smith, ed. Folio, 2012, 374p.

 

C'est d'abord l'histoire de deux gosses largués dans New York, sans le sou mais avec la foi. Patti Smith débarque à Brooklyn en juillet 1967 avec pour seul bagage un amour mystique pour Rimbaud et de quoi écrire. Elle n'a pas d'argent et aucun plan en poche : C'est donc la galère qu'elle cotoie les premières semaines de son trip. Au hasard d'un rendez-vous raté, elle croise un berger psychédélique, boucles au vent et peau de mouton : Robert Mappelthorpe. Dès lors, ils ne se quitteront plus.
D'apparts miteux passionnément investis par leurs univers, à l'hôtel de Chelsea, jusqu'a un loft élégant une fois le succès venu, c'est une relation étonnante, étroite et profonde qui va les unir jusqu'à ce que le sida emporte Robert en 1989. Tout d'abord charnel, leur amour va se muer progressivement en une lumière pure et inspiratrice. Ils avaient un pacte tacite : rester toujours ensemble jusqu'à gagner suffisamment de force pour s'envoler. C'est ce qu'ils ont fait, avec une liberté intérieure qui n'a fait que décupler le magnétisme et la sincérité profonde de leur union.

C'est aussi leur parcours initiatique sur le chemin tortueux de la création. Si leurs talents respectifs ne fait plus doute aujourd'hui, la décennie des seventies a sacrément commencé dans la boue, obligés qu'ils étaient de compter le moindre centime pour manger. Malgré tout, ils ont chacun développer une intense création avec ce qu'ils avaient sous la main. En ces périodes de pauvreté, leur imagination s'accommodait de matériaux modestes ou incongrus sans rechigner. Le tout était de créer. De ne pas perdre ce travail de l'être qui leur donnait envie de vivre. On découvre d'ailleurs avec plaisir que le médium qui les a rendu célèbres - la musique pour elle, la photo pour lui - n'a pas toujours été une évidence. Ils s'adonnaient plus volontiers, qui à la poésie et au dessin, qui aux collages, aux installations/performances et à la confection de colliers abracadabrants.

Et puis, bien sûr, c'est le journal d'une époque : Le New York éraillé, électrique, profondément libre du rock'n'roll où se croisent Janis Joplin, Jimi Hendrix ou Andy Warhol. Point de clivages entre artistes reconnus et artistes en devenir. Tout le monde se cotoie dans des lieux cultes, des bars où l'on peut consommer en l'échange d'une toile, dans des studios d'enregistrement. Patti Smith enregistrera d'ailleurs Horses en 1975 à l'Electric Lady, non sans saluer Jimi Hendrix au micro avant de débuter Gloria.

Bref, c'est tout ça en même temps et en quelques mots, une quête d'art et d'absolu, avec l'oeil pétillant, un charisme d'enfer et une poésie à couper le souffle.

 

 

*

 

"Robert n'avait guère de patience pour mes accès d'introspection. Il ne semblait jamais mettre en doute son énergie créatrice et, à son exemple, j'ai compris que la seule chose qui comptait, c'était l'oeuvre : le chapelet de mots propulsés par Dieu qui devient poème, l'entrelacs de couleurs et de traits de graphite tracés hâtivement sur la feuille qui glorifie Son geste. Réaliser au sein de l'oeuvre un équilibre parfait entre la foi et l'éxecution. De cet état d'esprit vient une lumière, chargée de vie."

 

 

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