29/05/2014
La poésie du jeudi avec Félix Arvers
En songeant à ce que je pourrais vous proposer pour cette nouvelle poésie du jeudi, je me suis mise à songer à mes premiers émois poétiques, à l'époque où j'étais une jeune collégienne fringante (mouahahaha). Me sont immédiatement venus à l'esprit deux noms - je vous tais l'un des deux pour en user probablement une prochaine fois. L'autre est Félix Arvers. Je ne connais de lui qu'un seul texte, un joli sonnet sans titre tout ce qu'il y a de plus romantique. Ma professeure de français me l'avait proposée en fin de 3e, pour m'exercer au commentaire de texte, pour "voir si ça me plairait de poursuivre là-dedans". Force est de constater que cela m'a effectivement plu, puisque je n'ai (presque) plus jamais cessé d'en faire depuis.
Je place donc ce jeudi sous le signe de la nostalgie de mes débuts de décortiqueuse littéraire. J'espère que ce souvenir me portera chance pour la suite !
*
Mon âme a son secret, ma vie a son mystère,
Un amour éternel en un moment conçu :
Le mal est sans espoir, aussi j’ai dû le taire,
Et celle qui l’a fait n’en a jamais rien su.
Hélas ! j’aurai passé près d’elle inaperçu,
Toujours à ses côtés, et pourtant solitaire.
Et j’aurai jusqu’au bout fait mon temps sur la terre,
N’osant rien demander et n’ayant rien reçu.
Pour elle, quoique Dieu l’ait faite douce et tendre,
Elle suit son chemin, distraite et sans entendre
Ce murmure d’amour élevé sur ses pas.
À l’austère devoir, pieusement fidèle,
Elle dira, lisant ces vers tout remplis d’elle
"Quelle est donc cette femme ?" et ne comprendra pas.
Blue Lovers de Chagall - 1914
08:00 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (20)
15/05/2014
La poésie du jeudi avec Jean-Yves Masson
Décidément, la poésie est vivante ! Dieu sait que j'adore la poésie des décennies voire des siècles passés mais aussi et surtout, car elle nécessite d'être défendue et connue, la poésie contemporaine. Voici donc une nouvelle fois pour ce jeudi poétique un poète tout ce qu'il y a de plus actuel.
Né en 1962, Jean-Yves Masson est professeur de Littérature comparée à la Sorbonne, traducteur d'écrivains irlandais, italiens et allemands, directeur de la collection de littérature allemande "Der Doppelgänger" aux éditions Verdier et (car tout cela ne suffit pas, il va sans dire) poète et écrivain.
Les deux textes d'aujourd'hui sont extraits du recueil Onzains de la nuit et du désir publié aux éditions du Cheyne en 1995. Dans sa poésie, la tradition réinventée devient espace de création et de modernité. On y respire l'harmonie des tons et le ballet de figures antiques, mystiques et très humaines. Une merveille, tout simplement.
VII
Même ce qui de moi demeure dans tes rêves,
disait l'ombre, ne reconnaîtrait plus ces chemins.
J'ai passé. Je suis herbe ou rivage et je danse
avec le vent parmi l'espace où je repose,
au fond des mers, je suis ardeur,
et glace au coeur du feu. Amour, implorait-il,
qui saura le secret de nos métamorphoses,
qui dénouera l'énigme que nous sommes,
Oedipe et Sphinx en même temps, et meurtriers
de ce qui nous engendre et nous surprend
un jour sur la route de notre éveil?
XLIII
Je fus. C'était l'hiver en mon pays d'orage,
c'était toujours l'hiver. J'étais voix sur la route,
j'étais cygne blessé, main tendue vers la neige,
vers la voûte du ciel et la vie à venir.
Je fus cri. Mes bras d'ombre étaient déjà la route,
ma chevelure éparse un ruisseau pour mourir,
toute de sang et d'aube il me fallait la terre
et j'accueillais le temps pour l'écouter dormir.
Je fus, je reviendrai. Tout cri est réversible,
toute pierre retourne en amont du torrent,
et moi, fée, je deviens oracle et je t'attends.
Odilon Redon (1902)
07:51 Publié dans Coups de coeur, Poésie | Lien permanent | Commentaires (22)
08/05/2014
La triste fin du petit Enfant Huître et autres histoires de Tim Burton
La triste fin du petit enfant Huître et autres histoires de Tim Burton, édition bilingue avec une traduction de René Belletto, 10/18, 2012, 123p.
Ce recueil de Tim Burton est à l'image de son cinéma : un ovni ! Tous les textes poétiques qui le composent - ou historiettes rimées - cela dit, n'est-ce pas la même chose ? sont à la fois tendres et macabres. Il s'agit à chaque fois de petits personnages maladroits, à l'existence affublée d'une tare plutôt pathétique. A cause de cela, ils doivent évoluer dans une vie qui n'est pas tellement faite pour eux, grâce à la magie de leur esprit étrange et malgré la cruauté des autres. Exactement comme dans Edward aux mains d'argent ou Beetlejuice, il n'y a jamais de frontière claire entre le rêve et le cauchemar. C'est toujours un peu des deux, comme en enfance.
J'ai beaucoup aimé ce petit voyage poétique sans façons, très doux et plutôt juste. Burton capte à merveille l'essence des esprits solitaires, en marge d'une société normée à travers ses personnages difformes et hallucinés. C'est souvent le différent qui apparait finalement le plus humain. Les dessins, également de Burton, participent à la création de cet univers entre le poème et le conte. J'admire vraiment les artistes qui parviennent à évoquer tout un monde avec quatre vers ou trois traits de croquis. On peut ensuite disserter sur le fait d'être touché ou non par cette simplicité très enfantine - et très sombre, mais le fait est que ce seul monde créé en peu d'éléments est un rare talent.
Il faut par contre dire un mot de la traduction, ou plutôt deux : remarquablement mauvaise. J'ai rarement vu un tel travail de sape. Qu'on ne se méprenne pas, je reconnais la difficulté du travail de traducteur en général et a fortiori quand il s'agit de poésie. Il n'est évidemment pas possible de rendre compte à la fois des rimes, des jeux de sonorités intra-vers, de l'exact vocabulaire, du nombre de syllabes etc. Traduire de la poésie, c'est évidemment devoir faire des choix et souvent recomposer pour garder à la fois l'essentiel du texte et son esprit. Sauf que dans le cas présent, c'est totalement loupé. René Belletto a pris le parti de tenir mordicus aux rimes au point de réécrire souvent une sacrée partie du texte d'origine. Du coup, il n'y a plus aucun rythme dans son texte traduit, les rimes qu'il invente en s'inspirant du texte d'origine sont mauvaises et le tout donne un texte dégueulasse (excusez l'adjectif mais appelons un chat un chat). Fort heureusement, le texte original est suffisamment simple pour être compris aisément, même par quelqu'un comme moi qui n'est pas lecteur en anglais chevronné. A lire exclusivement en VO donc.
Merci beaucoup à Manu qui m'a offert ce recueil lors de notre Rock'n'Swap !
Challenge Le mélange des genres chez Miss Léo
1ere participation catégorie poésie
08:00 Publié dans Challenge, Contes, Poésie | Lien permanent | Commentaires (7)