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03/04/2014

La poésie du jeudi avec Guillaume Apollinaire

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J'aime Apollinaire de plus en plus. Lors de mes premières rencontres avec lui, il ne m'inspirait rien de spécial ou alors je le trouvais bizarre, dissonant (étonnamment, je n'ai jamais eu cette impression avec Rimbaud ; allez comprendre). Et puis, je l'ai recroisé régulièrement ces derniers mois. Au fil des blogs grâce à ce rendez-vous poétique puis au fil des livres que je feuillette. J'en viens à me demande comment je n'ai pas eu le coup de foudre pour lui avant. C'est pourtant un poète extraordinaire, si inventif, si riche ! Heureusement, comme le veut l'adage : mieux vaut tard que jamais ! Aujourd'hui, je célèbre donc mon coup de foudre tardif pour Apollinaire avec une de ses fameuses pièces, Nuit rhénane. Bon jeudi poétique à tous!

 

 

Nuit Rhénane

Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme
Écoutez la chanson lente d'un batelier
Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds

Debout chantez plus haut en dansant une ronde
Que je n'entende plus le chant du batelier
Et mettez près de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile aux nattes repliées

Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent
Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter
La voix chante toujours à en râle-mourir
Ces fées aux cheveux verts qui incantent l'été

Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire

 

 

20/03/2014

La poésie du jeudi avec William Butler Yeats

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A l'occasion de ce nouveau jeudi, j'ai ressorti un recueil de Yeats que je n'avais pas ouvert depuis quelques années, joliment intitulé La Rose et autres poèmes. Après un effeuillage contemplatif, j'ai opté pour un poème d'inspiration antique mais ancré dans la certitude de Yeats qu'une inspiration d'En-Haut serait nécessaire pour revitaliser violemment l'existence. Je vous souhaite une douce journée poétique.

 

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Adrian Wong Shue

 

 

Leda and the Swan

A sudden blow: the great wings beating still
Above the staggering girl, her thighs caressed
By the dark webs, her nape caught in his bill,
He holds her helpless breast upon his breast.

How can those terrified vague fingers push
The feathered glory from her loosening thighs?
And how can body, laid in that white rush,
But feel the strange heart beating where it lies?

A shudder in the loins engenders there
The broken wall, the burning roof and tower
And Agamemnon dead.

                               Being so caught up,
So mastered by the brute blood of the air,
Did she put on his knowledge with his power
Before the indifferent beak could let her drop?

 

*

 

Léda et le Cygne

 

Brutal assaut : les grandes ailes encore frémissantes
Sur la vierge qui chancelle, les cuisses caressées
Par les sombres palmes, le cou saisi par son bec,
Il tient sur sa poitrine sa poitrine sans défense.

Comment ces doigts terrifiés et perdus pourraient-ils
Repousser de ses cuisses qui s'écartent cette gloire emplumée ?
Et comment pourrait le corps, couché dans ce flot de blancheur,
Ne pas sentir battre, sur sa couche, ce cœur étranger ?

Un frisson au creux des reins y dépose en germe
La chute des murailles, les flammes de la tour
Et la mort d'Agamemnon.

                                         Ainsi prisonnière,
Ainsi maîtrise par ce sang brutal venu des airs,
A-t-elle reçu de lui avec sa puissance son savoir
Avant d'être lâchée par le bec indifférent ?

(Traduction de Jean Briat)

 

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Lord Frederick Leighton

07:18 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (26)

06/03/2014

La poésie du jeudi avec Philippe Jaccottet

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J'avais initialement prévu un autre poème pour ce nouveau jeudi et puis, fortuitement, je suis tombée sur Au petit jour de Philippe Jaccottet au détour d'un commentaire stylistique. Paf ! Coup de coeur ! Et là, je me suis dit "ok, tu diffères l'autre poème (que j'aime beaucoup aussi, hein, ça n'empêche pas) et tu partages celui-ci sans attendre, c'est obligé". A l'écoute de ma petite voix intérieure pleine de bon sens, voici donc ce poème en partage. Tellement merveilleux, n'est-ce pas ?

 

 

 

I



La nuit n'est pas ce que l'on croit, revers du feu chute du jour et négation de la lumière, mais subterfuge fait pour nous ouvrir les yeux sur ce qui reste irrévélé tant qu'on l'éclaire.

Les zélés serviteurs du visible éloignés, sous le feuillage des ténèbres est établie la demeure de la violette, le dernier refuge de celui qui vieillit sans patrie...



II



Comme l'huile qui dort dans la lampe et bientôt tout entière se change en lueur et respire sous la lune emportée par le vol des oiseaux, tu murmures et tu brûles. (Mais comment dire cette chose qui est trop pure pour la voix?)
Tu es le feu naissant sur les froides rivières, l'alouette jaillie du champ...
Je vois en toi s'ouvrir et s'entêter la beauté de la terre.



III



Je te parle, mon petit jour.
Mais tout cela ne serait-il qu'un vol de paroles dans l'air?
Nomade est la lumière.
Celle qu'on embrassa devient celle qui fut embrassée, et se perd.
Qu'une dernière fois dans la voix qui l'implore elle se lève donc et rayonne, l'aurore.

07:38 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (12)