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16/04/2012

Haïkus des quatre saisons

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Haïkus des quatre saisons illustrés d'estampes d'Hokusaï, ed. Seuil, 2006

La branche en fleur du prunier
accorde son parfum
à qui l'a brisé

Chiyo-Ni 

 

 

Ce livre est un voyage méditatif en terre évanescente. Les haïkus s'ouvrent et battent de l'aile au gré du souffle ; nous sommes tous poètes de la vie à lire ces lignes qui, malgré leur grand âge, n'ont rien perdues de leur clarté poétique, de cette légèreté cristalline si mystérieuse. Le haïku a, me semble-t-il, quelque chose de magique. Nulle autre forme poétique n'a mieux saisi l'instant fugace ou comment parvenir à dire ce qui ne peut se dire.

Au fil des mots, s'ouvrent également les magnifiques estampes d'Hokusaï, peintre majeur de l'ère Edo et appartenant au courant de l'Ukiyo-e (que l'on pourrait traduire par "image du monde flottant", n'est-ce-pas merveilleux?!) qui célèbre des scènes du quotidien.

Tout dans cet ouvrage nous invite au plaisir, à savourer l'instant les yeux fermés, à seulement écouter siffler les mots à travers quelques branches en fleurs.

 

Merci à ma douce Aurore* pour ce délicieux cadeau d'anniversaire¨¨**

 

 

Rien d'autre aujourd'hui
que d'aller dans le printemps
rien de plus


Buson

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poésie,japon,haïku,saisons,printemps,fleurs,nature,zen,hokusaï,estampes,peinturesChallenge Dragon 2012

3/5 pour les livres

 

 

 

 

 

 

 

 

10/02/2012

Vers la sobriété heureuse de Pierre Rabhi

[Les inscriptions pour le swap du printemps, c'est par ici. N'hésitez pas!]

 

 

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Vers la sobriété heureuse de Pierre Rabhi, Actes Sud, 2012, 135p.

 

 

Pierre Rabhi est un précurseur en matière d'agroécologie et de ce qu'on nomme aujourd'hui la décroissance. Tandis que beaucoup ont attendu les retombées économiques et écologiques des Trente glorieuses pour prendre conscience des effets désastreux de la modernité, Pierre Rabhi choisit la sobriété et le retour à la terre dès la fin des années 50.
Avec sa femme Michèle, il investit dans une fermette ardéchoise sans confort moderne et travaille à une vie simple et paisible. Ce fameux confort, il en a aujourd'hui récupéré une bonne partie, ne serait-ce que pour se déplacer afin de donner cours et conférences - néanmoins, son mode de vie au plus près de la simplicité reste une source de réflexion et un exemple tangible d'alternative libératrice et joyeuse face à une "mondialisation anthropophage".

Cet ouvrage est une synthèse de la pensée de l'auteur ; qui la connait déjà ne découvrira rien de nouveau. Il s'agit pour lui de mettre en lumière sa révolte face à la modernité, qu'il considère comme une imposture, son cheminement puis les points d'action qui lui semblent nécessaires pour enclencher un changement durable et surtout humain.

La première partie, réquisitoire contre la modernité, ne m'a pas totalement emballée. Si je suis plutôt en accord avec son exposé d'une modernité désastreuse, qui entretient le paradoxe absurde d'une société des possibles où se creusent aux contraires les lacunes, je suis beaucoup moins convaincue par le portrait idéalisé de l'homme d'avant la modernité. Même s'il s'en défend brièvement, force est de constater quand même qu'il tombe allègrement dans ce mythe du bon sauvage, infiniment juste et respectueux tant qu'il n'y avait pas la technologie - Voilà qui est bien facile pour démontrer les affres de la modernité mais qui relève uniquement d'un fantasme passéiste un peu trop simpliste et surtout faux. Aussi vrai que l'homme a la capacité extraordinaire d'être un connard aujourd'hui, il l'avait aussi il y a quelques centaines d'années. Simplement, à l'époque, il avait un peu moins les moyens de mettre en oeuvre sa connerie à grande échelle, voilà tout. Et puis, comme le disait Sylvain Tesson, il faut se garder de ce type d'opposition facile venant souvent de gens qui ont eu la possibilité de choisir leur existence : lorsqu'on est dans une société d'abondance, il est toujours permis de se retirer, de choisir de vivre autrement tandis que dans une société de pénurie et bien on ne peut que subir. Evitons donc les réflexions un peu foireuses qui ne font que démontrer qu'on est privilégié.

En dehors de ce point de désaccord dans la première partie de l'ouvrage, j'ai lu avec grand intérêt son cheminement point par point vers une société plus juste, plus harmonieuse. Qu'il soit question de placer l'humain au centre des préoccupations, de retrouver une harmonie et une équité homme/femme qui n'est pas cette fameuse parité illusoire qu'on nous vend comme l'aboutissement suprême alors qu'en filigrane elle ne fait que pousser la femme a devenir un connard comme les autres, de vivre dans un respect profond de la terre, de l'environnement dans lequel on vit, et d'éduquer les enfants à se développer, s'épanouir véritablement et non point à être formaté, Pierre Rabhi vise avant tout la joie de vivre. Il s'agit d'habiter chaque chose que l'on fait intensément et avec du sens. Comme il le dit si bien, des siècles d'intellectuels se sont posés la question de la vie après la mort, il est temps de se poser la question de cette vie-ci.
En outre, il donne divers liens de projets agroécologiques et éducatifs en fin d'ouvrage et synthétise avec des petits encarts très clairs son cheminement. Tout cela comme des petits cailloux offerts afin de continuer, si le coeur nous en dit, une réflexion que le livre pourra avoir suscité.

 

 

*

 Extrait :

 

"Paradoxalement, ce choix de la simplicité a comporté des contraintes et des complications de toute nature, parfois à la limite du supportable. Même la simplicité, dans un monde voué au profit sans limite, a un coût. Mais cette quête nous a donné la sensation de cheminer sur une voie juste et libératrice, intimement liée à une nature dont la beauté et le mystère ont instillé dans notre esprit cette étrange sensation d'être véritablement reliés au principe originel et à l'énergie incommensurable qu'il a engendrée Nous en avons été irrigués, et c'est ainsi que nous avons eu, par la force de notre conviction, le courage de faire d'un lieu dénudé et austère une modeste oasis, un petit royaume de patience."

 

 

 

 

 

01/12/2011

Le philosophe et le loup de Mark Rowlands

 

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Le Philosophe et le loup de Mark Rowlands, ed. Belfond, 2010, 283p.

 

Jeune professeur de philosophie à l'université d'Alabama, Mark Rowlands adopte un louveteau sur un coup de tête (j'ai découvert par là qu'il était légal, du moins aux USA, d'adopter un loup, tant qu'il ne l'est qu'à 96% - comme si ça changeait fondamentalement la donne, aha). Il le prénomme Brenin, le roi en gallois.

Sa vie en est radicalement changée. Au quotidien tout d'abord, puisqu'il est tout à fait impossible de laisser Brenin seul à la maison ; son côté destructeur s'en donnerait trop à coeur joie. Il le traine donc partout, y compris en cours (un loup philosophe, n'est-ce-pas la classe?!). Et cette cohabitation sera l'occasion d'un nouvel apprentissage de la vie à travers une réévaluation de l'homme et de son rapport au monde.

Toutes les grandes questions y passent : l'amour, la mort, le bonheur, notre prétendue intelligence de singe... et il semble qu'il s'agisse d'un procès en bonne et due forme du genre humain, à travers le regard d'un misanthrope. Un brin misanthrope, il l'est certes, et ne s'en cache pas. A-t-il tort dans ses propos ? Force est de constater que non la plupart du temps, même si on pourrait souhaiter un ton moins péremptoire. L'homme a parfois grand besoin d'être remis à sa place.
Au fond, l'ouvrage est à prendre comme une réflexion anthropologique où le loup apparaît comme l'emblême d'une véritable liberté à reconquérir pour vivre l'instant présent. Une belle leçon à méditer.

 

*

 

Extrait :

 

"Le loup est la représentation traditionnelle - et injuste - de la face obscure de l'humanité. Choix ironique à bien des égards, ne serait-ce que du point de vue de l'origine du mot, puisque lukos, le terme grec, est très proche de leukos, la lumière, si bien que les deux termes ont souvent été associés. Outre l'éventualité de simples erreurs de traduction, ce rapprochement pourrait aussi résulter d'un lien étymologique plus intime. Apollon était révéré à la fois en tant que dieu du soleil et dieu des loups. Et c'est précisément ce rapport entre le loup et la lumière qui importe ici : pensez le loup comme une clairière dans la forêt. Il fait parfois si sombre au fond des bois qu'on ne distingue plus les arbres, et la clairière représente l'espace propice à la découverte de ce qui est dissimulé. J'aimerais essayer de démontrer que le loup figure la clairière de l'âme humaine. Il dévoile le sens caché des fables que nous contons à notre propre sujet, ce qu'elles révèlent sans l'exprimer.

Nous nous tenons dans l'ombre du loup. La production d'une ombre peut s'envisager de deux façons : du point de vue de l'objet qui occulte la lumière, tel un homme ; où du point de vue de la source lumineuse qui rencontre un obstacle, telle une flamme. Ainsi parle-t-on de l'ombre d'un homme et de celle d'une flamme. Par l'ombre du loup, je n'entends pas celle du corps de l'animal, mais les ombres qui se forment lorsque nous sommes exposés à la "lumière" du loup. Et là, parmi ces ombres, on tombe nez à nez avec ce qu'on préfèrerait justement ne pas savoir sur soi."

 

 

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Mark Rowlands et Brenin