23/02/2015
La der des ders de Didier Daeninckx
La der des ders de Didier Daeninckx, Folio policier, 1999 [1984], 251p.
Après l'atroce Grande Guerre et ses ravages, il a fallu continuer à vivre et rebondir. René Griffon a choisi d'enquêter et de traquer : impossible de reprendre une vie complètement normale après les tranchées. Le voilà donc détective privé, avec l'aide de sa petite-amie Irène comme assistante. Son gagne-pain principal est l'identification des soldats inconnus mais certains jours, un coup de fil se pointe pour proposer une affaire hors norme. Et lorsque le coup de fil émane d'un colonel, ce n'est décemment pas possible de refuser, quels qu'en soient les risques et les enjeux.
"Tout avait commencé au début du mois de janvier. Il faisait un froid de canard et je marchais au grog du matin au soir.
Un mesure d'eau bouillante, trois de bourbon.
A propos de canard, celui que je tenais entre les mains annonçait, à s'en mettre plein les doigts, l'élection de Deschanel à la présidence de la République.
Des gars qui auraient pu tenir le rôle à la perfection, j'en avais vu tomber des milliers, trois ans plutôt, entre Craonne et Verdun ; alors vous pensez si je m'en foutais de Deschanel !
Mais revenons-en à cette histoire."
L'incipit, immédiatement, pose le décor. Didier Daeninckx crée une ambiance façon polars noirs américains où prévaut une atmosphère pleine de fumée, d'alcool et de tripes. Le récit est celui du détective lui-même ; une sorte d'énergumène dont on hésite à déterminer s'il est un homme bien ou un voyou déguisé, passablement brut de décoffrage, écorché vif et qui ne rechigne pas à la picole. Petite valeur ajoutée : René Griffon dénigre ses médailles de guerre dont il dit qu'elles servent à toucher "des royalties sur l'épisode sans gloire d'une vie de troufion au bout du rouleau" et conduit une superbe Packard endiablée. De bout en bout, donc, le lecteur déambule à travers la vision parfaitement subjective de Griffon et c'est un pur délice - pour les amoureux du genre, il va sans dire.
Dès lors, l'affaire que tente de résoudre notre détective est presque anecdotique. Je dis bien, presque. De prime abord, il s'agit d'une banale histoire de chantage bas de gamme et de mœurs affriolantes - Et Dieu sait que le colonel ne veut pas voir les frasques de sa femme finir dans la presse à scandales. Mais tout serait trop simple si on s'arrêtait là. Griffon va gratter au hasard là où ça fait mal. Il semblerait que les parties de jambes en l'air de Madame cachent quelques recoins nauséabonds datant de la guerre. Griffon sert d'appât pour lever le fin mot de l'histoire. Et ainsi, à l'instar de Griffon, c'est la Première Guerre Mondiale qui s'invite comme l'un des protagonistes de cette affaire franchement sordide. Trois ans ont passé mais les souvenirs sont toujours aussi vivaces, les secrets toujours aussi nécessaires et les mauvais plans toujours aussi foireux.
La der des der, vous l'aurez compris, c'est surtout une ambiance, un personnage principal et un contexte historique. Une ville aussi, j'aurais tort de l'oublier ! Paris et la banlieue nord ne sont pas en reste pour compléter un tableau enlevé, alléchant et percutant. Ce n'est pas tant aux divers rebondissements d'une enquête qu'on est tenu mais à cet univers complexe et passionnant. Les amateurs de polars noirs et/ou de la Grande Guerre, et les autres aussi - soyons fous-, sauront y trouver de quoi se mettre sous la dent. Il y en aura pour tout le monde !
Challenge Mélange des genres chez Miss Léo
Catégorie roman policier
09:08 Publié dans Challenge, Histoire, Littérature française et francophone, Polar | Lien permanent | Commentaires (4)
21/02/2015
Swap "Un livre un peintre" avec Mina
Un beau soir de janvier dernier, je découvrais avec plaisir le swap de Lamousmé, "Un livre un peintre". L'intitulé, je pense, se passe de commentaires. Tout comme le fait que, bien évidemment, je sautai sur cette occasion pour replonger dans la magie des échanges littéraires et plus si affinités. J'avoue toutefois que je joue rarement le jeu de la surprise du binôme. J'aime plutôt l'idée de swapper avec quelqu'un qui m'inspire et me surprend souvent ; quelqu'un que j'ai ainsi l'occasion de connaître plus amplement. J'ai donc proposé à Mina de me suivre parmi les arts de tous horizons et nous nous sommes ainsi lancées dans un mois riche en discussions et en réflexions pour concocter notre colis.
Et hop, c'est hier que je recevais le paquet de Mina, sous la bonne garde de Sakura. Quoi de mieux pour commencer les vacances ?!
D'autant qu'au déballage, j'avoue que mes papilles salivaient déjà de tant de gourmandises. Voyez plutôt :
Oui, vous ne rêvez pas ! Des tablettes Dolfin m'attendaient dès l'ouverture ! Avec des parfums aussi originaux que nougat/miel, orange/épices ou earl grey, je vais, à n'en pas douter, dévorer rapidement tout ça ! Et ce ne sont pas les seuls ! Ils étaient accompagnés de petits œufs Galler. Mina a joué la carte belge à fond pour les gourmandises du colis et elle a eu bien raison. C'est ce qu'on appelle une valeur sûre. Miam !
Et du côté des surprises, je suis tout aussi gâtée :
Mina a choisi de douces attentions pour m'accompagner au quotidien : Une série de marque-pages et de cartes postales à glisser sur mes étagères, sur mon frigo ou dans mes livres et ainsi égrainer les joies de l'art un peu partout. Assorti à deux des marque-pages, un magnifique plumier Mucha, un artiste que j'aime tout particulièrement. Je suis totalement ravie de cette belle inspiration qu'elle a eue ! J'ai déjà glissé à l'intérieur une partie de ma collection de marque-pages et il a trouvé une bonne place sur mon chevet ! Enfin, un très joli agenda où chaque semaine est illustrée d'une œuvre. Celui-ci ira dans mon sac à main !
Et les coquins de livres dans tout ça ?
Comme toujours, Mina sait me surprendre par des choix originaux et audacieux loin des sentiers battus (et rebattus) ! Un de ses coups de cœur 2014 tout d'abord avec Pietra Viva de Léonor de Recondo. Un livre très primé et très plébiscité que j'avais feuilleté en librairie lorsque je cherchais moi-même des titres pour le swap ! Je suis ravie de le découvrir très prochainement. Une envie de me faire découvrir une collection ensuite. Celle de la maison d'édition Invenit consacrée à des textes littéraires autour d'une œuvre picturale, joliment nommée Ekphrasis (élémentaire, mon cher Watson !). C'est vers un titre d'Arrabal, Dali, prémonition de la guerre civile, que Mina s'est tournée. Il me fera plonger dans un dialogue fantasmé entre Dali et Picasso sur fond de guerre d'Espagne. Voilà qui s'annonce étonnant et ébouriffant. Une inspiration de librairie, enfin, avec Le portrait d'Assouline. Je connais bien sûr son blog mais ne me suis jamais penchée sur ses écrits littéraires. Voilà qui en sera l'occasion, en même temps que de plonger dans l'histoire de la famille Rothschild.
Mille mercis, Mina, pour ce bel échange et les beaux échanges qui l'ont précédé ! Ce swap en ta compagnie était un grand plaisir et j'espère que nous aurons l'occasion de renouveler un jour l'expérience !
Pour voir le colis que je lui ai envoyé, c'est par ici.
07:52 Publié dans Swap | Lien permanent | Commentaires (12)
14/02/2015
Orgueil et préjugés de Jane Austen
Orgueil et préjugés de Jane Austen, Le livre de poche, 2011 [1813], 512p.
Ça y est : je l'ai fait ! J'ai enfin lu l'incontournable, le piquant, que dis-je, le roman le plus célèbre de Jane Austen : j'ai nommé, Pride and prejudice (et quelle délicieuse allitération, n'est-il pas ?). J'ai enfin décidé de ne pas douter qu'un célibataire nanti doit être nécessairement à la recherche d'une femme ; j'ai enfin considéré que les breakfast à l'anglaise étaient savoureux ; et, comme tout un chacun (il serait plus juste de dire chacune), j'ai très sérieusement envisagé de me pâmer devant Darcy. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps ? Mais parce que, très simplement, les pirates m'attirent plus de prime abord que les ambiances anglaises à base de thé et de petits gâteaux. De ce fait, j'ai toujours regardé le P&P dans ma PAL (à moitié déchiqueté d'ailleurs, déniché par hasard à 50cts dans une brocante parce qu'"on sait jamais, c'est quand même un classique") avec un regard suspicieux et hautain. Inutile de dire que je souffrais donc moi-même d'orgueil et de préjugés.
Et puis, paf, dès la première page, l'ironie d'Austen me saute au yeux et me fait sourire instantanément. (A propos, je considère que je peux vous faire grâce d'un résumé en bonne et dure forme de l'histoire, hein.) S'il est bien question de mariage à tout bout de champ, c'est sous couvert d'un filtre que le lecteur averti peut aisément déceler pour mieux se délecter de la subtilité des divers niveaux de lecture. Quelle acuité et quelle modernité de Jane Austen dans l'appréciation de mœurs de son époque ! D'autant que cette fameuse ironie se dessine selon toutes les gammes possibles : On frise la caricature à travers les personnages de Mrs Bennett ou de M. Collins, la comédie sociale dans les scènes collectives ou l'analyse psychologique et caustique - souvent déléguée au merveilleux personnage d'Elizabeth.
Parlons, d'ailleurs d'Elizabeth. Je comprends à présent mieux pourquoi ce personnage a tant marqué des générations de lectrices. A travers elle aussi, Austen affiche une décoiffante modernité. Qu'il soit envisageable qu'une jeune femme célibataire puisse à ce point affirmer sa pensée et faire preuve de liberté et de franchise - dans le respect des mœurs évidemment, Elizabeth est un personnage féminin moderne, pas une rebelle écervelée - et que ce personnage ait été créé par une femme également célibataire, tout cela apparaît particulièrement subversif et d'un féminisme avant l'heure éclairé et rafraîchissant. Je n'aurais typiquement pas eu cette lecture d'Elizabeth très jeune , je pense, n'ayant pas alors le recul nécessaire quant à l'histoire littéraire et à l'Histoire tout court. Il est donc heureux que P&P m'ait attendue si longtemps (et hop, on se dédouane comme on peut de découvrir un classique sur le tard).
Quant à Darcy. Ah, Darcy. Sacré Darcy, devenu le parangon du parfait British prince charmant (j'hallucine d'ailleurs passablement du nombre de romance à trois balles qui utilisent sans vergogne la veine Darcy. Jane Austen doit s'en étrangler depuis un paquet d'années). Voyons, voyons. Bien sûr, comment ne pas tomber amoureuse de Darcy ? Mais très franchement, j'ai quand même gardé suffisamment de lucidité pour constater qu'on commence franchement à tomber amoureuse de lui quand il devient peut-être moins passionnant et mystérieux. Globalement, d'un point de vue littéraire, du point de vue de cette ironie austenienne si mordante, c'est sans doute la première partie qui se lit avec le plus de délice. A partir de la deuxième, on en revient doucement à une lecture premier degré - ou il serait plus juste de dire que, chez le lecteur, c'est clairement la lecture premier degré qui prend le dessus sur l'autre - et l'on guette avidement le moindre signe de rapprochement entre Darcy et Elizabeth, non sans s'identifier à Elizabeth (ahahaha). Dans mon cas, la littéraire a adoré la première partie et la gonzesse a dévoré la seconde. Au fond, Darcy est assez typique : Le bel homme fier, plein de mystère et de non-dit, d'une beauté à faire fleurir un artichaut, qui subjugue tout le monde - positivement ou pas - sans décrocher un seul mot. Et paf ! Dans le mille. Même le renversement progressif du type est lui aussi un type : sous le mystère, se cache la perfection (C'est moi où on est presque chez Disney ?). Là où le personnage tire son épingle du jeu, c'est lorsqu'il tombe amoureux d'un audacieux esprit libre comme Elizabeth Bennett. Celle-là, on ne l'attendait et celle-là est vraiment bien bonne. Le fait que les deux personnages masculins les plus éclairés du roman - M. Bennett et Darcy - accordent leur préférence à Elizabeth est une fameuse caution (pour l'époque) que l'audace, l'intelligence et la franchise s'élèvent bien au-dessus de la beauté, de la vanité et de la docilité.
Néanmoins, si Darcy est le parfait prince charmant, il est aussi la parfaite tarte à la crème lorsqu'il s'agit de l'incarner à l'écran. J'espérais être plus indulgente à l'égard de Matthew MacFadyen, en revoyant l'adaptation de Joe Wright après lecture du roman, mais il n'en est malheureusement rien. Je lui trouve le charisme d'un beignet ; or, un Darcy qui ne respire pas l'orgueil n'est pas un bon Darcy. Colin Firth est évidemment la référence en la matière et il faudra se lever tôt pour l'égaler. Mais même si je le trouve supérieur en tout point, je ne le trouve pas impeccable de bout en bout. Ces scènes de silence où Darcy ne parle que par son regard sont décidément bien casse-gueule. Allez, cela dit, j'avoue tout : Colin Firth a quand même fini en fond d'écran de mon ordinateur. C'est officiel : je suis passée du côté fleuri de la force.
Lu en lecture commune avec ma copine blogueuse du royaume de fort fort lointain, Topinambulle. Allons voir sa chronique !
Doublé gagnant chez Bianca (ça faisait longtemps) pour le pavé du mois de février et le 20eme titre à avoir lu
13eme lecture
Challenge mélange des genres chez Miss Léo
Catégorie Classique étranger
09:49 Publié dans Challenge, Classiques, Lecture commune, Littérature anglophone | Lien permanent | Commentaires (20)