01/06/2015
La machine à explorer le temps de H.G.Wells
La machine à explorer le temps de H.G.Wells, Folio, 2003 [1895], 372p. (La machine à explorer le temps s'arrête à la page 166. C'est L'île du docteur Moreau qui prend ensuite le relais de cette édition mais ce sera l'objet d'un autre billet)
Aaaah, rien de plus excitant qu'un bon voyage de derrière les fagots ! Surtout si le dit-voyage ne nécessite pas plus d'effort que la préparation d'une tasse de thé (feignasse inside) ! Aujourd'hui, j'embarque sans bouger d'un cil pour le mois anglais de Lou, Titine et Cryssilda et j'ai décidé de fêter ça en y ajoutant un autre voyage littéraire au pays des classiques, des Eloïs et des Morlocks - parce qu'au fond, les voyages dans le temps, c'est un peu le fantasme du lecteur (en tout cas, le mien. Doctor Who ♥ )
Toute fin dix-neuvième, H.G.Wells imagine un inventeur génial mais (ou "donc") plutôt seul dans sa lubie extravagante de voyager dans le temps. Tandis qu'un soir il réunit autour de lui quelques amis érudits pour discuter de ses théories et leur présenter une maquette de machine exploratrice, il reçoit circonspection et incrédulité. Interrogation, tout au plus, de la part de notre narrateur. La semaine suivante, nouvelle réunion et nouvelle assemblée à laquelle l'inventeur - désormais affublé du charmant sobriquet de voyageur temporel - se rend dépenaillé et crotté jusqu'aux chaussettes. Après une bonne plâtrée de mouton et un coup de propre, c'est l'heure du récit : figurez-vous qu'il rentre tout juste d'une petite huitaine en l'an 802 701 ! Et nous sommes invités à fumer un bon cigare et à siroter un peu de brandy pour profiter de ce récit enchâssé où tout se déroule, pour le coup, dans les règles de la narration linéaire.
Voyons voir... C'est embêtant d'attaquer un mois thématique sous les auspices d'une déception mais c'est pourtant le cas présent. J'ai été tout bonnement ennuyée tant par le style que par la dynamique générale du récit qui m'ont semblé confiner à la plus parfaite platitude. Entendons-nous bien : je replace dans le contexte, hein. Je sais que ce qui est potentiellement un cliché aujourd'hui pouvait être neuf à l'époque victorienne. Ce n'est pas ici mon propos. Même en tenant compte de ce décalage horaire entre les nouveautés de jadis et les poncifs d'aujourd'hui, le style et la dynamique du récit confinent malgré tout à la platitude. Nulle poésie, nul bon mot, nulle musicalité ni intelligence artistique ne me sont apparus sous la plume d'H.G.Wells (que j'ai lu traduite par Henry D. Davray - aussi les lecteurs en VO sauront peut-être me dire si je méjuge honteusement notre auteur). Et qu'on ne vienne pas me dire que la S.F. n'a pas à être littéraire - au sens de, bordel, on est quand même en train de parler de faire de l'art avec des mots ! Si on commence à racler là-dessus, autant aller se faire cuire un steack.
Un style aussi plat que la Belgique, donc (spéciale dédicace à nos amis belges) mais un propos qui manque également de nuances et de subtilité. H.G.Wells, nous rappelle la notice biographique de mon édition, était fortement préoccupé de questions sociales et de l'avenir de l'humanité, "prévoyant les cataclysmes vers lesquels [elle] se précipite par égoïsme". Jusque là, on ne peut que saluer sa sombre lucidité. La machine à explorer le temps est donc à lire comme un dystopie façon "Attention, les mecs ! Vous chiez dans la colle et ça va donner ça !" popularisée plus tard par George Orwell, la machine à explorer le temps en moins. L'univers des Eloïs semble idyllique a priori : grands espaces verdoyants, petits bonshommes souriants et accueillants, temps radieux, fleurs et fruits à foison. Bienvenu au paradis ! On s'y ennuie un poil et franchement, on marche les deux pieds dans le cliché, mais, rechigne pas, c'est quand même le paradis ! Le voyageur temporel semble être tombé sur l'aboutissement logique de l'effort social victorien : Une sorte d'équilibre pérenne entre l'homme et la nature, une harmonie où tout va bien et où, de fait, une certaine faiblesse - conséquence du confort et de la sécurité - s'est installée. Soit. Sauf que sous terre se cachent les répugnants Morlocks - cliché 2, le retour : avec encore plus de poils et d'yeux rouges ! Bewaaaaaare - qui ne sortent que la nuit et mangent les gentils Eloïs. Non mais franchement ! En plus, ils ont volé la machine de l'explorateur. C'est vraiment très très vilain ! A cet instant, le voyageur réalise qu'il s'est fourvoyé dans son interprétation de ce nouveau monde. En lieu et place d'une harmonie, c'est au contraire un sourd clivage entre possédants et possédés qui s'est accentué jusqu'à scinder l'espère humaine en deux archétypes inconciliables. Et l'utopie devient dystopie (vous l'aviez pas senti venir, hein?). Au fond, la véritable défaite de l'homme, c'est non seulement d'avoir entretenu les inégalités jusqu'à l'abrutissement des deux parts mais d'avoir, en outre, régressé jusqu'au bétail. "Je m'attristai à mesurer en pensée la brièveté du rêve de l'intelligence humaine". p. 141. L'explorateur espérait trouver progrès et lumières ; il aura trouvé le déclin de l'humanité.
Évidemment, je n'ai rien à redire sur le fond. Les intentions sont bonnes - bien que datées historiquement dans leur manière d'envisager le progrès social - mais la forme souffre d'un schéma trop appuyé et trop criant qui ne peut laisser place qu'à l'ennui le plus total pour un lecteur un peu averti. Franchement, à trop me baliser le terrain comme la plus parfaite idiote, on ne parvient qu'à me donner envie de jeter le bouquin par la fenêtre. Voilà typiquement un titre que j'aurai sans doute apprécié plus jeune mais dont les coutures me sont aujourd'hui trop flagrantes.
Le mois anglais 2015 chez Lou, Titine et Cryssilda
1ère lecture
07:15 Publié dans Challenge, Classiques, Littérature ado, Littérature anglophone, SF/Fantasy | Lien permanent | Commentaires (26)
22/05/2015
A British Mini Swap avec Miss Léo, Arieste et Filipa
Parce que je suis la faiblesse incarnée, je n'ai pas résisté à m'inscrire en février au British mini swap organisé par Alice ! Il consistait à choisir trois thèmes autour de la littérature britannique puis de laisser le hasard (et les bons soins d'Alice) décider qui allait nous envoyer un colis composé d'un livre, d'une gourmandise et d'un goodie sur l'un des trois thèmes.
Au final, les consoeurs élues de notre quatuor n'ont pas été une totale surprise (on a un peu détourné les règles pour s'élire entre nous, coquines que nous sommes) ; ce qui n'a rien changé à la surprise traditionnelle du colis. Et quelles surprises, en l'occurrence !
Le premier colis arrivé est celui de Miss Léo qui avait reçu le thème science-fiction (j'ai d'ailleurs également reçu ce même thème pour elle : les grands esprits se rencontrent !). Le voici :
A la question : "Ai-je couiné comme une petite caille à l'ouverture de chaque paquet ?", je répondrais "si peu, si peu". Hmm, comment vous dire ? Le dernier Connie Willis pour passer quelques riches heures à voyager dans le temps et retrouver mes acolytes préférés en pleine WWII, des goodies Doctor Who en veux-tu en voilà pour satisfaire la Docto Who-addict que je suis (je sens que mon petit déjeuner va prendre une toute autre saveur dans ce mug délicieux et que je vais crâner avec mes Tardis aux oreilles), un carnet Virginia Woolf pour satisfaire la Woolf-addict que je suis (raaaaaaaaaaaaaaahhhh, sans commentaiiiiiiire - parce que la quadruplage de voyelles ci-avant parle pour lui), et puis des gourmandises dont j'ignorais même l'existence : du thé charlotte au chocolat, de la pâte de calissons et une barre choco-menthe, pour me faire prendre un peu plus de brioche (Mais après tout, on a qu'une vie : autant qu'elle soit bonne)... Tout cela est dans le mille en tous points. Merci Miss Léo, tu as fait mouche de fort belle manière !
Si vous voulez voir le colis que je lui ai envoyé, c'est par ici.
Hop, quelques jours plus tard, c'est celui d'Aymeline alias Arieste qui arrive dans ma boîte aux lettres ! Je découvre qu'elle avait reçu le thème des romans gothiques ou d'inspiration gothique. Là aussi, nos thèmes respectifs n'étaient pas très éloignés puisque je devais lui concocter un colis Oscar Wilde. Ok, l'ambiance gothique et l'ambiance décadente ne sont pas exactement les mêmes mais puisque beaucoup d'écrivains fin de siècle ont rejoué à leurs sauces quelques gammes gothiques, on va considérer qu'il y a un petit pont entre les deux.
Alors là, c'est ce qu'on appelle tomber à pic ! Je furetais ce matin dans ma PAL en me demandant quel livre j'allais pouvoir entamer (puisque j'ai eu une crise fulgurante de "je dois absolument finir ce livre" la veille au soir) et je me disais que je me lancerais bien dans Northanger Abbey de Jane Austen si je l'avais sous la main. Deux minutes plus tard, le facteur passe, je reçois le colis d'Aymeline et je découvre le dit-roman dans le colis. Si c'est pas de la synchronicité, ça ! Le projet, dès que j'aurai rédigé ce petit billet, sera donc de faire comme prévu : commencer le livre ^^ J'ai hâte ! (Edit une semaine plus tard : Livre fini et trèèèès apprécié ! Rendez-vous le 16 juin pour la journée du mois anglais consacré à Jane Austen pour lire mon avis ^^)
Pour l'accompagner, Aymeline est restée dans l'univers des héroïnes gothiques et a donc choisi un carnet inspiré de Montaigne car toute héroïne gothique digne de ce nom rédige son journal ; et du thé au miel 1000 fleurs, ginseng et mandarine car une héroïne gothique digne de ce nom ne saurait manquer l'indispensable tea time ! Je vais de ce pas m'en servir une tasse avant d'entamer Jane Austen ! Merci Aymeline, grâce à toi ces prochains jours seront gothiques à souhait !
Si vous voulez voir le colis que je lui ai envoyé, c'est par ici.
Pour finir, celui que j'attendais avec impatience (mais qui est arrivé un jour plus lumineux que les autres, ce qui explique la plus jolie photo) est celui de Filipa. En guise de 3ème thème, j'avais choisi le très fourre-tout "roman contemporain". Et clairement, dans la liste des suggestions, j'avais mis des titres aussi divers que variés, ce qui a suscité quelques hésitations à ma partenaire. Après quelques tergiversations, voici son choix :
Au déballage, je tombe nez à nez avec une carte toute fleurie tout ce qu'il y a de plus kitsch anglais (j'adore !) et sur les deux sachets de thé estampillés "Remember hot tea is always a good idea" et là, je dis OUI !! Bingo Filipa ! Elle a ensuite opté pour un titre qu'elle a lu et apprécié (j'aime quand les swaps sont l'occasion de partager des lectures aimées !), L'attente de l'aube de William Boyd. Je suis ravie de pouvoir prochainement plonger dans l'univers de cet auteur si connu. Je ne sais absolument pas à quoi m'attendre pour l'heure ; ce sera ma découverte totale ! Mes papilles seront comblées pendant la lecture avec la dégustation d'un chocolat noir/menthe (une valeur sûre). Enfin, du côté des surprises, c'est le carnet qui aura eu le plus du succès durant ce swap puisque j'en accueille un troisième grâce à Filipa, blanc à pois gris celui-là, tout simple et doux ; et un porte-monnaie très british qui l'accompagnera dans mon sac à main !
Merci pour tous ces présents, Filipa !
Si vous voulez voir le colis que je lui ai envoyé, c'est par ici.
Ahh ce British swap va me manquer ! J'ai sacrément apprécié attendre chaque colis ces derniers jours ! Merci à toutes mes copinautes blogueuses pour leurs présents et à Alice pour son organisation. Vivement le prochain !
08:56 Publié dans Swap | Lien permanent | Commentaires (6)
17/05/2015
Charlotte de David Foenkinos
Charlotte de David Foenkinos, Gallimard, 2014, 221p.
David Foenkinos est plutôt de ces auteurs qui ne m'attirent absolument pas. Entre des problématiques contemporaines vaguement nombrilistes et superficielles et un style peu réputé pour sa profondeur, j'ai toujours allègrement passé sur ses titres et ce Charlotte n'a pas fait exception lors de sa sortie en septembre dernier. Et puis, voilà que je le reçois en cadeau pour mon anniversaire ! Diantre ! Il était donc temps de me frotter à l'un de mes nombreux préjugés littéraires (parce que, bien évidemment, j'avais beaucoup d'avis sur Foenkinos sans l'avoir jamais lu, c'est plus rigolo).
Cette énigmatique Charlotte, c'est la peintre Charlotte Salomon, aussi surdouée qu'éphémère, victime de la solution finale nazie. Charlotte naît dans une famille aimante mais profondément troublée par une succession de suicides. La petite fille reçoit d'ailleurs le prénom de feue sa tante et sa mère se jette à son tour dans le vide treize ans plus tard. Son père travaille comme un fou ; il trouve pourtant le temps de se remarier avec une chanteuse d'opéra que Charlotte adule, adore et à laquelle tantôt elle s'oppose. C'est une forme de mélancolie étrange et pénétrante qui habite perpétuellement Charlotte jusqu'à ce qu'elle rencontre la peinture : elle trouve alors son moyen de vivre et de s'exprimer. Mais la situation politique en Allemagne gâche progressivement la fête : la culture puis la vie même se referme sur les juifs. Les Beaux-Arts refusent de saluer le travail de Charlotte. Elle se voit obligée de fuir en France, désespérément seule. Elle ne reverra plus son père, sa belle-mère et son amant passionné. Elle ne reverra plus l'Allemagne. Tout juste aura-t-elle le temps d'achever une œuvre magistrale entre fantasme et autobiographie.
La forme de Charlotte déroute de prime abord, avec ses courts chapitres composés de strophes à l'infini. L'auteur s'en expliquera au cours du roman : il lui a semblé que l'histoire de Charlotte Salomon appelait cette incessante respiration. On craint donc de lire un poème en prose sur deux cents pages et, soyons francs : même pour une amoureuse de la poésie et des styles poétiques, c'est un peu flippant. Néanmoins et heureusement, il n'en est rien. Ce retour à la ligne est avant tout une affaire d'espace nécessaire, plus que de genre littéraire. Le style de Foenkinos est donc exactement ce qu'on lui reproche : d'une simplicité qui confère la plupart du temps à l'absence de style. D'une écriture qui se lit toute seule tant elle n'est pas particulièrement ciselée.
Et pourtant, j'ose dire qu'il s'agit d'un délicieux coup de cœur ! Comme quoi, il ne faut pas toujours avoir inventé la poudre pour toucher sa cible ! J'ai dévoré de bout en bout ce court roman, sans doute peu audacieux mais rondement bien mené. Chaque personnage séduit et émeut à sa manière. Charlotte, quant à elle, apparaît d'une ambivalence bienvenue, d'une complexité qui sied à l'artiste et, comme toutes les comètes aussitôt nées aussitôt disparues, elle fascine par sa vie même. On frise parfois l'absurde dans cette confrontation à une réalité familiale et historique tragique à laquelle Charlotte répond avec une inadaptation attendrissante. Charlotte a quelque chose de ces héroïnes perdues et empêtrées dans un destin qui les grignote mais qui, de cette lente descente, tirera le sel fascinant de ses œuvres.
En somme, et parce qu'il faut bien conclure, je reconnais amplement que ce roman n'est pas un chef d’œuvre : la plume de Foenkinos n'a rien d'éblouissant et il égraine plutôt facilement un peu de pathos ici ou là. Mais j'ai été bonne lectrice sur ce coup-là et son entreprise m'est allée droit au cœur. Je reconnais donc qu'encore une fois, mon préjugé était à demi-erroné (ou bien, dois-je reconnaître aussi que je m'amollis... Qui sait !) et je conseillerais avec plaisir la lecture de ce titre à qui veut bien m'entendre !
11:42 Publié dans Art, Coups de coeur, Littérature française et francophone | Lien permanent | Commentaires (8)