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23/08/2011

Le cantique de l'apocalypse joyeuse d'Arto Paasilinna

 

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Le Cantique de l'apocalypse joyeuse d'Arto Paasilinna, traduit du finnois par Anne Colin du Terrail, Denoël, 2008 (Edition originale : Maailman paras kylä, WSOY, 1992)

En 1992, la dernière volonté d'Asser Toropanein est pour le moins étonnante : construire une église en bois sur ses terres. C'est à son petit-fils, Eemeli Toropanein, spécialisé dans la constructions de chalets en rondins, que revient l'exécution de ce testament sous l'égide d'une fondation funéraire.
Il va dès lors s'y employer avec assiduité, tout d'abord avec quelques ouvriers puis, avec toute une ribambelle d'écolos, de paumés, et d'étrangers jusqu'à ce que les terres du vieux deviennent un village puis plusieurs villages vivants en parfaite autarcie et régis par des lois autonomes.
Pendant ce temps-là, le monde part tranquillement en déliquescence, une troisième guerre mondiale a lieu, les sources de carburant sont taries et tout le monde meurt de faim. Mais dans la communauté d'Ukonjärvi, tout va bien - on vit au rythme simple et abondant de la nature.


La lecture de cet ouvrage me laisse dubitative.
Alors que la manière de présenter le propos sur la 4eme de couverture m'avait emballée, toute la première partie du livre m'a déçue. Tout y est plat et sans intérêt, tant l'histoire que le style. Près d'une centaine de pages pour l'édification de l'église, c'est long et quant à l'humour promis, soyons clairs, il n'y en pas. Juste une certaine loufoquerie absurde.
Je me suis tout bonnement demandée si je n'allais pas arrêter là le voyage. Et puis, pour je ne sais quelle raison - peut-être parce que les personnages sont malgré tout un peu attachants - j'ai décidé de voir où tout cela allait mener.
La deuxième partie m'a plus intéressée, malgré les mêmes défauts de style et de narration, parce qu'en fin de compte, cette communauté a tout compris. Sous le couvert du roman, Paasilinna défend une thèse plutôt intelligente dont il y aurait quelques leçons à tirer.
Bref, un avis mitigé. A voir un autre roman de l'auteur pour faire pencher la balance dans un sens ou dans l'autre.


*

 

Extrait

 

"Alors qu'Eemeli et Taina Toropainen étaient encore à Helsinki, un vieil ours cardiaque vint traîner du côté d'Urkonjärvi. Il était apparenté à la femelle qui avait jadis mangé le quichetier des postes de Valtimo et se trouvait aussi par hasard être un descendant direct de l'animal qui avait tué la Finlandaise d'Amérique Eveliina Mättö. A l'origine, les plantigrades étaient russes. Leur ancêtre avait quitté les côtes de la mer Blanche pour la Finlande à l'époqe des purges staliniennes. Sans doute ne fuyait-il pas la dictature - les bêtes sauvages ignorent ce genre de choses - et avait-il juste vagabondé lbrement à travers les forêts.

L'ours était âgé et malade. Il souffrait depuis déjà deux ans de graves problèmes cardiaques. Dès qu'il galopait un peu trop kongtemps derrière une proie, son coeur se mettait à battre la chamade et il était obligé de s'arrêter. Un défaut de famille. Il devait se contenter de charognes et autres mets de fortune. Il croquait volontiers des moutons et se servait dans les nasses oubliées des étangs de forêt. Il ne mangeait pas souvent à sa faim.

Un matin d'août, sur la route de Valtimo, il tomba sur l'Ange volant qui, l'âge venant, ne courait plus aussi vite que dans sa jeunesse. L'ours, pensant avoir trouvé là une proie facile, se lança plein d'espoir aux trousses de la malheureuse."

 




21/08/2011

Vous descendez ? de Nick Hornby

 

 

Alors, avant toute chose, il faut le dire : trouver des livres réjouissants, c'est le parcours du combattant ! J'ai tourné des plombes dans les rayons avant d'être inspirée par deux ouvrages tandis que Tom est mort ou La mort en dédicace me sautaient au cou. Véridique.

Il y a une humeur d'époque à ne pas être très drôle et la production littéraire ne fait que le refléter, ce n'est pas ma faute (©Valmont, champion de la mauvaise foi)

Alors, j'ai fait ce que j'ai pu pour dégotter quelque chose qui donne le sourire, sachant que j'ai éliminé d'office la Chicklit (non, parce que bon.). Au final, je ne suis pas sûre d'avoir totalement rempli cette première mission ; à vous d'en juger.

 

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Vous descendez? de Nick Hornby, Plon, 2005 - 10/18, 2006, traduit de l'anglais par Nicolas Richard. (Edition originale : A Long Way Down, 1992)

 

Quatre losers se retrouvent fortuitement le soir du 31 décembre sur la tour du saut : ils ont tous décidé d'en finir.
Entre un présentateur télé déchu, un musicien raté, une ado à claquer et une vieille fille à bout de dévouement, strictement rien ne les rapprochent a priori si ce n'est une certaine lassitude de vivre. C'est sans compter l'arrivée de quelques pizzas autour desquelles ils créent un cercle improbable sensé les ramener, l'air de rien, à la vie.


Pour être tout à fait sincère, il y a du pour et un peu de contre.
Le contre :  Le bouquin avançant, je n'ai pas forcément compris où l'auteur voulait en venir. Qu'il n'y ait pas de franche happy end peut se comprendre ; cela aurait manquer de crédibilité. Mais il n'y a pas pour non plus de france évolution chez les personnages et ça, c'est déjà plus ennuyeux parce qu'on tourne parfois un peu en rond. On en vient à se dire que, partis losers, ils risquent franchement de le rester. C'est plutôt dommage.

Le pour : L'écriture de Nick Hornby est simplement excellente. Enlevée,  pleine d'humour, d'auto-dérision et de perspicacité, un vrai délice. Arriver à transformer le sujet le plus plombant du monde en une fable drôle et atypique, il y a de quoi lui tirer son chapeau. Parce que oui, contre toute attente, on sourit, on rit même, en lisant ce livre.


Au fond, le bonhomme ne nie pas l'humeur actuelle à ne pas être drôle. Sauf que, contrairement à pas mal d'écrivains qui s'engluent là dedans, il applique avec l'écriture ce petit mot d'Elizabeth McCracker qu'il met en exergue : "On dira ce qu'on voudra, le remède contre le malheur, c'est le bonheur".



*


Incipit :

 

MARTIN

 

"Vous avez vraiment envie de savoir pourquoi j'ai voulu sauter du haut d'un immeuble ? Je vais vuous le dire. Je ne suis pas complètement idiot. Il y a une explication logique, car c'était une décision logique, le fruit d'une véritable réflexion. Même pas une réflexion très sérieuse, d'ailleurs. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il s'agissait d'un coup de tête, mais rien non plus de terriblement compliqué, ou douloureux. On peut présenter les choses de la manière suivante : vous êtes, par exemple, le sous-directeur d'une banque à Guildford, et vous avez envie d'émigrer. Justement, on vous propose de diriger une banque à Sydney. Même si la décision vous paraît évidente, avant de donner votre réponse, il faudra quand même que vous y réfléchissiez un peu, non? Pour savoir si vous pourrez supporter de déménager, quitter vos amis et vos collègues, expatrier femme et enfants. Alors vous vous asseyez avec un bout de papier et vous dressez la liste des pour et des contre. Par exemple :

CONTRE : Parents âgés ; amis ; club de golf.

POUR : Salaire plus élevé ; meilleure qualité de vie (maison avec piscine, barbecue etc) ; mer, soleil ; pas de commissions gauchistes pour censurer "j'ai du bon tabac dans ma tabatière" ; pas de directives européennes pour interdire les saucisses britanniques etc.

Le choix est vite fait, n'est-ce-pas? Le club de golf ! Laissez-moi rire. Evidemment, vos parents âgés vous font hésiter un instant... Mais seulement un instant, et encore, très court. Allez, je ne vous donne pas dix minutes avant que vous téléphoniez aux agences de voyage.

Voilà, telle était ma situation. J'avais beaucoup, beaucoup de raisons de sauter. Le seul élément figurant dans ma colonne des contre, c'était les enfants. Mais de toute manière, Cindy ne me laisserait jamais les revoir. Je n'ai pas de parents âgés, et je ne joue pas au golf. Sans vouloir froisser le bon peuple de Sydney, on pourrait dire que le suicide était mon Sydney à moi."

 

 

20/08/2011

Remonter l'Orénoque de Mathias Enard

J'avoue, en ce moment, je suis "un peu" sponsorisée par Actes Sud.
Non qu'ils n'aient découvert mon extraordinaire talent de critique et m'envoient des livres à chroniquer (hin hin) mais j'écoule tranquillement la masse de bouquins gratuits que j'avais choppé chez eux en service presse lors de mon passage en stage. C'est l'occasion ou jamais, j'en avais marre de les voir moisir sur mes étagères de livres non lus tandis que je louais frénétiquement en biblio. Là, hop, on abat les stocks et je verrai bien ce que j'en fais ensuite selon appréciation.

Et puis je viens d'avoir une fulgurante prise de conscience suite au tri de mes chroniques litt. : Mon univers de lecture, c'est un peu une pub en prose pour le Xanax.  Genre mort, deuil, suicide, absence de communication, solitude, tralala. J'ai de la chance que vous m'aimez bien quand même !

Ceci étant dit, voilà donc mon dernier bouquin pas drôle en date (On change pas une affaire qui roule) (pas plus d'un cacheton toutes les 6h, le Xanax hein) :

 

 


Remonter l'Orénoque de Mathias Enard, Actes Sud, 2005

 

Canicule de 2003, deux chirurgiens et une infirmière forme un triangle amoureux au bord de l'étouffement, engoncé dans un quotidien morbide et un mal-être existentiel. (Bon ok, un demi cacheton de Xanax en rab, pas plus)

Ignacio, la cinquantaine timide et rongée par la passion aime Joana, jeune et trop dévouée infirmière qui aime Youri, le fringant chirurgien plus jeune, plus beau, plus riche q'Ignacio et surtout beaucoup plus dépressif, noyé en permanence dans l'alcool . 
Las de ce quotidien en déliquescence, Joana entreprend un voyage initiatique lovée dans la cale d'un cargo et remonte l'Orénoque, ce fleuve sud-américain qui s'étire vers elle et la dépouille peu à peu. Elle s'y allonge en caressant son ventre et attend d'y retrouver un sens et son origine. 
Tandis que Paris rumine toujours la chaleur et les vapeurs d'alcools, que Youri se débat dans la vacuité, qu'Ignacio se consume d'un amour sans partage et que tous deux opèrent à la chaîne.

De cette situation vaudevillesque à se tirer une balle, le deuxième roman de Mathias Enard est, comme le premier (La perfection du tir, Actes Sud, 2003), une perle littéraire. Tout se passe dans le travail d'une langue habitée de flottements, de débordements, de mystères et de connivence où les personnages se débattent ou se noient. Où l'Orénoque se dessine comme un Achéron mythique et embarque le lecteur au côté de Joana pour le grand voyage.

J'avoue que, présenté comme ça, ce n'est pas des plus engageant, surtout lorsque l'été appelle des lectures rafraîchissantes. Mais VRAIMENT, c'est un très bon livre. Décidément, ce petit Mathias Enard en a sous la plume. Dommage qu'il se soit planté grossièrement dans son dernier ouvrage, fresque plate et insipide d'un Michel-Ange à Constantinople (Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants, Actes Sud, 2010). Vivement le prochain, avec des vrais morceaux de style dedans comme il sait si bien faire !

(Promis, le prochain coup, j'essaye de trouver un livre rafraîchissant)

 

*

 

Incipit :

 

"Assis sur ma chaise, je pensais il a raison, ce que l'on attend à présent des corps c'est la putréfaction en silence, l'oubli, et de l'âme la survie sr les rôles et les registres, les certificats et les papiers, les marbres, les images. L'embaumement n'est plus de mise, les cadavres doivent disparaître, ils sont confiés à des professionnels chargés de les dissimuler, responsables de leur entrepôt, de leur manutention, de leur stockage, de ler destruction dans la terre ou les flammes - entiers ou morcelés, jeunes accidentés ou vieux rongés de maladies il convient de les cacher ; plus de dépouilles charriées par le vent, les yeux cavés, la barbe pelée ; de cercueils ouverts, de morts à ciel ouvert, le regard fermé dans leur plus beau veston, leur robe noire, il n'y en a plus ; à présent enveloppés de chêne ou de sapin, éloignés sitôt l'agonie du regard des vivants, ils sont portés, poussés en hâte vers les coulisses, vers le sous-sol ù l'on ne les croisera pas, vidés et lavés, évacués du monde qui n'aime plus les voir, ennuyé de ne savoir qu'en penser, se rassurant de photographies, de témoignages digitaux ou celluloïd, autant de défunts immatériels que l'heure éloigne de la chair et pousse vers l'armée de spectres dont nous emplissons nos armoires."