16/09/2011
Avant le silence des forêts de Lilyane Beauquel
Attention : coup de coeur (tadaaaam)
Avant le silence des forêts de Lilyane Beauquel, Gallimard, 295p. 2011
Ce livre là est un gros coup de coeur que pourtant je n'ai pas dévoré. Je l'ai lu avec attention, dans la lenteur de ces lectures puissantes, ai goûté l'âpreté des faits et l'empathie du style et j'en suis époustouflée!
Le propos de l'ouvrage tient en peu de mots : Quatre jeunes bavarois, amis d'enfance, partent pour la guerre en 1915. A partir de là, c'est toute une variation sur le quotidien des tranchées ; les peurs, la faim, l'amitié malgré tout, la douleur. Plongé au coeur même de la boue, sans début ni fin, on vit avec eux des instants volés.
"Après les ventres transpercés, la terre et les cendres : le matin et sa limpidité. Je ne sais pas comment j'ai pu être dans cette inadvertance, faire comme chacun autour de moi : tuer et tuer encore."
Tout y est excellent. La perfection du style ne fait aucune concession à la cruauté du quotidien, simplement cela prend une autre couleur et devient oeuvre d'art. Lilyane Beauquel invente et joue des mots tout en usant de ces petits accents dix-neuvièmistes si savoureux. Rien n'est caricaturé, tout est dans l'instant et le vrai.
On vibre, on est là, on se prend des claques et on essaye d'avancer.
"Les lettres font mal, elles sont des punitions de fautes que nous n'avons pas commises."
"Cette rage, nous la hurlons dans l'aplat du terrain. Là, les linges de repos des grands blessés, les bandages qui défendent de se lever et laissent tranquilles. Nous n'avons plus ni bras ni jambes, nos ne pensons plus, le ventre fait un trou qui s'enfonce, nos yeux ne voient rien.
Nous sommes une erreur sur cette terre.
La journée a été calme, à la tombée du soir, la peur soudain. Le piétinement des soldats, le harassement. Tout ce qui point hors de la ligne de la tranchée est tiré, mis à bas, entassé à nos pieds. Sans victime, nous laissant éberlués.
Peu avant minuit, une marmite. Deux morts à l'angle nord de notre couloir."
C'est tout à la fois : une leçon de vie, une leçon de littérature. Merveille, merveille, merveille. Lilyane Beauquel dit de son style qu'il est une musique de mort. Je ne peux alors m'empêcher de penser à Baudelaire (tiens, tiens, comme c'est étrange et original) et à l'une de ces fleurs maudites à laquelle elle fait écho : "tu m'as donné ta boue et j'en ai fait de l'or".
Challenge 1% de la rentrée littéraire
3/7
10:00 Publié dans Challenge, Coups de coeur, Littérature française et francophone | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : critique, littérature, coup de coeur, guerre, rentrée littéraire
09/09/2011
La Légende des fils de Laurent Seksik
La Légende des fils de Laurent Seksik, Flammarion, 187p., Août 2011
J'ai retrouvé dans ce roman deux traits qui signe le style de Seksik : une pudeur lyrique sur des terres étrangères. Et cette manière de cueillir le héros à l'instant crucial de sa vie, dans un monde qui le heurte et l'emporte inexorablement.
Scott, adolescent sans âge dans l'Amérique de Kennedy espère ce qui s'appelle communément le bonheur - cette chose floue qui doit tout de même bien exister. Acculé à la terreur par un père hostile et violent que la guerre a détruit, il entrevoit la lumière grâce à sa mère déifiée, exacte négatif du père et dans ces instants de bavardages plein d'une vie complice avec son cousin.
De tableaux poétiques en longues réflexions de Scott sur l'amour, la haine, l'espoir et la prière, on s'avance petit à petit vers ce virage brutal que la vie impose pour mieux s'en relever.
Malgré un style manié avec talent, La Légende des fils m'apparait comme un roman inégal où l'intelligence du ton est ponctué par quelques faiblesses : Le décor des sixties apparait factice, la relation triangulaire du fils follement épris de cette mère idéale et follement détesté du père rappelle à trop grands traits un complexe d'Oedipe facile, et cet espoir presque mystique de Scott passe plutôt pour une naïveté un peu niaise.
Il manque peut-être un peu de consistance à l'ouvrage pour que la narration soit à la hauteur du style. Néanmoins un beau moment de lecture!
Un grand merci à Mélopée pour le prêt voyageur !
Challenge 1% de la rentrée Littéraire 2011
2/7
Extrait :
"Il devait suivre l'exemple de Jack. Marcher sur ses traces. Ne pas élever la voix. Ne pas céder à la panique. Rester maître de soi, dominer ses craintes. Ne pas aviver la colère. Ne pas provoquer par sa présence. Ne pas compter les minutes, ne plus compter les heures. Ne rien attendre de la nuit, ne rien attendre du jour. Ne pas faire étalage de soi, se dissimler, taire sa détresse, sa révolte, sa peine et jusqu'aux battements de son coeur. S'endurcir, rester de marbre, immobile, retenir son souffle, contenir ses larmes, saisir le soir et saisir l'ombre. Se mordre les lèvres, ne pas pleurer. Se soumettre à la loi des hommes, désapprendre la justice, oublier ce qui est vrai, tout ce qui a de la grandeur, ce qui éclate de beauté. S'éclipser, se fondre dans l'espace, le silence des forêts, se projeter en une terre lointaine au ceur d'un grand pays sublime, avancer les mains nues, le front lavé d'injures, avoir l'audace d'être rien, abandonner ses forces, ses espoirs, ses tristesses, quitter ce jour sans fin, sombrer dans le sommeil, se réveiller à l'aube, se couvrir de douleur, n'oser ni regarder, ni entendre, s'envelopper de mystère, hôte précaire du soir, prendre la vie en haine, devenir une pierre, se retirer du monde, courir sur l'abîme, errer parmi les anges, se rendre invisible, tomber dans l'oubli, effacer toute trace de soi. Disparaître."
10:00 Publié dans Challenge, Littérature française et francophone | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : seksik, la légende des fils, rentrée littéraire
06/09/2011
Les soeurs Grimm de Michael Buckley
C'est officiel : je suis une gamine. Je glousse niaisement sous la couette avec le Petit Chaperon Rouge et c'est fantastique.
Les soeurs Grimm de Michael Buckley, les 6 premiers tomes chez Pocket Jeunesse - le 7eme toujours pas paru en France, 2007-2009
Tout ce qu'on vous a fait croire sur l'imaginaire des contes de fées est faux. Clairement, on vous prend pour des billes, on vous endort : tout est VRAI. Les contes ne sont ni plus ni moins que des chroniques historiques parfaitement avérées et vous allez plonger en plein dedans avec cette série d'ouvrages pour jeunes ados.
Sabrina et Daphné sont deux soeurs ballotées de foyers en familles d'accueil depuis la mystérieuse disparition de leurs parents jusqu'à ce qu'une grand mère qu'elle croyait morte réapparaisse. Les filles découvrent en même temps que cette mamie Grimm une réalité totalement loufoque et terrifiante : tous les personnages de contes existent, se font appeler les Findétemps et habitent la bourgade de Port-Ferries depuis 200 ans. Oui oui oui. Et ce n'est pas rose tous les jours. C'est là que la famille Grimm rentre en jeu : enquêter sur les affaires suspectes impliquant des Findétemps.
Bon, à partir du moment où on a dépassé les 13 ans, il faut avoir garder une âme de gosse. Etant dans ce cas et ne décrochant pas des bouquins (même les ouvrages de la rentrée littéraire ne font pas le poids actuellement, c'est vous dire), je peux néanmoins reconnaître que certaines intrigues sont capillotractées (oui bon allez, toutes depuis que je suis dedans). Mais c'est tellement bon de vagabonder aux côtés des personnages qu'on a adoré pendant nos années couche culotte et de les découvrir sous un autre angle qu'on fait comme si de rien n'était sur ces petits côtés poussifs de la narration. Et demain, je vais me louer les 4 et 5eme tomes : je suis au taquet.
Pour les 9/13 ans (et les autres)
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10:00 Publié dans Littérature ado | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : contes de fées, grimm, ado