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08/08/2016

En attendant Bojangles d'Olivier Bourdeaut

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En attendant Bojangles d'Olivier Bourdeaut, Finitude, 2016, 159p.

 

"Certains ne deviennent jamais fous... Leurs vies doivent être bien ennuyeuses." Ainsi parlait Charles Bukowski qui n'était pas loin d'avoir raison si l'on s'en tient à la vie superfétatoire du trio familial que voilà : un jeune narrateur et ses parents totalement hallucinés, pour qui la vie n'est que fêtes grandioses, cocktails et danses au son de "Mr. Bojangles" sans jamais travailler ni ouvrir le courrier. Au diable les conventions quand on peut affubler l'être aimé d'un prénom différent chaque jour ou apprendre les mathématiques dans son bain ! C'est indéniablement la mère, le point névralgique de cette folie familiale, toujours pleine d'idées saugrenues, mais le père ne se fait pas tellement prier non plus, lorsqu'il raconte comment il chassait les mouches au harpon. Et pourquoi pas acheter un château en Espagne, tant qu'on y est ? Parce qu'il n'existe rien de tel que des métaphores ou des expressions. Que nenni ! Tout cela est fait pour devenir réalité ! En attendant Bojangles est fait ainsi : d'une folie glissante, dont on sent dès le départ qu'elle emballe, puis qu'elle s'emballe et l'on ne sait plus trop si ce sont les personnages qui la crée ou si c'est elle qui les mène par le bout du museau.

En attendant Bojangles a la saveur d'un petit bonbon sucré qu'on suçote avec le sourire. La voix du narrateur, pleine de la clairvoyance ignorée de l'enfance, est joliment agréable et l'on s'amuse fréquemment de trouvailles imagées qui font mouche. On sourit, on se dit que c'est bien vu, bien senti, même émouvant. La voix du père, en contre-point n'est pas en reste, et l'on comprend très vite qu'il n'est pas si fou, finalement. Il a la folie amoureuse, une sorte de folie compatissante et moelleuse pour aimer cette femme qui ne sait pas faire autrement que de vivre dans un rêve en tourbillon. Depuis toujours il sait que le tourbillon l'emportera. Il a la folie du sursis : que chaque jour soit un jour de gagné. 
Mais peut-être parce que je connaissais déjà l'histoire de A à Z à force de blogs, peut-être parce qu'on me l'a vendu comme un chef d’œuvre d'émotions et de poésie (?), je n'ai pas décollé de mon bonbon sucré, qui a fini par me coller un poil aux dents, pour y trouver la saveur inégalée d'un mets de grand chef étoilé. C'est charmant et pas mal du tout mais ce n'est pas non plus à se pâmer. L'évolution est très attendue, tout de même, et tout le récit tient essentiellement à une certaine folie des grandeurs dans ses réalisations quotidiennes. On est jamais très loin de tomber dans le cliché, même si ce n'est certes pas celui du pathos - plutôt celui du fantasme - et ça ne s'arrange pas, dès lors que la folie devient pathologique. A partir de là, les ficelles frisent carrément le ridicule pas totalement assumé. Et puis, on m'avait parlé de poésie, de musicalité du style. Alors là, je n'ai pas compris du tout. Il y a un ton original, c'est certain mais de là à parler de poésie, c'est peut-être un peu trop s'emballer.

Alors voilà, j'ai refermé En attendant Bojangles mi figue mi-raisin, partagée entre le sentiment d'une lecture de vacances sympathique et la déception d'une attente décoiffante pas du tout comblée. J'ai même réussi à trouver les 159 pages un peu longues : ça résume à peu près tout.

 

03/08/2016

Harry Potter et les reliques de la mort de J.K.Rowling

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Harry Potter et les reliques de la mort de J.K.Rowling, Folio Junior, 2008, 882p.

 

Voilà, c'est fini. Harry, Ron et Hermione ne reviennent pas à Poudlard pour leur dernière année d'étude. Dumbledore n'est plus et l'empire de Voldemort grignote peu à peu l'entièreté du monde des sorciers. A coup d'imperium et autres manipulations, à coup de meurtres et d'enlèvements, le Ministère de la magie et le chemin de traverse n'ont jamais été aussi glauques et sombres. Ce n'est clairement pas la fête du slip. Nos trois héros partent donc comme prévu à la recherche des horcruxes, censés détruire petit à petit Voldemort, avec quelques objets mystérieux légués par Dumbledore. Le seul hic, c'est qu'ils n'ont pas l'ombre d'un plan. Commence du coup une errance un peu foireuse, égrainée de quelques rencontres musclées, de quelques morts et de quelques querelles pour tenter de sauver le monde (grosso modo, c'est un peu ça). 

Pour ce qui est de ma lecture proprement dite, elle est même finie depuis plusieurs semaines mais je n'ai pas vraiment été titillée d'en écrire rapidement un billet. Je crois que le soufflé est un peu retombé depuis ma lecture super emballée du tome précédent. Avec Les reliques de la mort, j'ai vu revenir de plus belle ce qui m'a parfois ennuyée dans les autres gros volumes de la saga. Beaucoup de passages répétitifs et inutiles - et sachant que nos héros partaient sans plan, il y avait matière à faire du remplissage répétitif et inutile - meublés par beaucoup de bastons un peu chiantes. Décidément, je me rends compte, si je compare avec Le Prince de sang-mêlé, que je goûte plus la finesse psychologique, même s'il ne se passe "rien" que les gimmicks copiés/collés régulièrement, même si ça enjoint une certaine "action". Sans déconner, l'action qui sert à rien hein... Bref.
En outre, je ne sais pas si c'est l'effet "vacances, j'oublie tout - même mon cerveau" mais je crois bien n'avoir pas tout compris aux raisons qui permettent à Harry de vaincre Voldemort. L'idée que la baguette de sureau appartienne finalement plus à Harry qu'à Voldemort m'a semblé franchement fumeuse et capillo-tractée (en plus du fait que j'ai pas exactement suivi l'histoire des désarmements successifs) et le coup du sacrifice, un peu facile. J'ai envie de dire, si le sacrifice sauvait le sacrifié, Dobby n'aurait pas dû mourir hein ! Ni Rogue, d'ailleurs. Ni la mère de Harry, pour commencer. Alors bon, ok, Harry Potter est spécial, m'enfin pas à ce point-là quand même !
Une dernière chose, j'ai trouvé le personnage de Rogue finalement assez mal employé tout au long de la saga et particulièrement dans ce septième opus. Je savais depuis le début (c'est l'avantage ou l'inconvénient de découvrir un succès planétaire après la bataille) que Rogue se révélait à la toute fin et j'attendais avec beaucoup d'impatience de voir comme l'auteure allait gérer cette glissade. Je m'attendais, en l'occurrence à quelque chose de progressif et de subtil. Je m'attendais surtout à ce que cela s'enclenche juste après la mort de Dumbledore, soit dès le début du tome 7. En effet, que Rogue joue double-jeu jusque là s'entendait aisément ; qu'il persiste à le faire après n'a plus tellement de sens. Je n'ai donc pas compris ce choix étonnant de le faire poursuivre cette casquette qui n'avait plus aucune utilité (puisqu'il n'en rendait plus compte à qui que ce soit), et qui a même risqué de lui faire manqué la seule chose qui lui restait à faire, soit avertir Harry au bout moment de toute la vérité. On peut d'ailleurs se demander quel était le sens véritable de laisser patauger nos trois héros pendant une année scolaire entière, si ce n'est celle de faire un septième tome un peu opulent... (non parce que l'argument à moitié socratique de chercher soi-même la vérité pour mieux l'intégrer blah blah, marche parfois mais ici elle est passablement loupée).

Cela dit, je fais ma vieille mégère à trois balles mais on va pas se mentir, j'ai quand même pris beaucoup de plaisir à lire ce dernier tome parce qu'à la longue, je me suis rudement attachée à tous les personnages. A force, une saga, ça fonctionne clairement à l'affectif et c'est ce dont j'ai fait l'expérience ici. A tel point qu'on occulte sur le moment les faiblesses narratives et puis c'est tout. Bref, un brin tristoune de quitter Harry, Ron et Hermione mais je crois que comme toute série, c'est une bonne chose d'y avoir mis un point final avant que ça devienne vraiment n'importe quoi. Je me demande bien, du coup, ce que donne la récente pièce de théâtre...

 

Challenge a year in England.jpgChallenge A Year in England chez Titine

12ème participation

 

 

 

 

challenge-un-pave-par-mois.jpgChallenge un pavé par mois chez Bianca

Participation de août 2016

25/07/2016

Aziyadé de Pierre Loti

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Aziyadé de Pierre Loti, 1879
Lecture numérique

 

Aziyadé Frederick_arthur_bridgeman-harem_fountain.jpgL'Orient est décidément le territoire de tous les fantasmes au XIXème siècle, mélange d'exotisme, de sensualité et de violence. Il y a quelque chose d'hypnotique dans l'Orient déformé de les auteurs de ce siècle romantique !
Il y a évidemment de cela dans l'Aziyadé de Pierre Loti qui raconte l'amour passionnel, fulgurant, improbable entre Loti, un officier de marine anglais et la fameuse Aziyadé, toute jeune femme murée dans son harem. Leur rencontre se fait à travers les barreaux qui scellent son appartement puis, sans se parler puisqu'une langue les sépare, ils se rencontrent nuitamment, à la faveur des absences de l'époux d'Aziyadé. Ils se suivent ainsi de Salonique à Stamboul (les noms de villes aussi ont quelque chose d'exotique, n'est-ce pas ?) et vivent à la faveur d'un petit appartement camouflé de feuillages, Loti déguisé en autochtone, et grâce au concours de Samuel, Achmet, ou Kadidja.
Mais c'est trop beau, cela ne peut durer. Loti se fait rappeler par son pays un beau jour de mai 1877. Il n'a que quelques jours avant le départ et malgré des hésitations, il ne peut se résoudre à rester en Turquie. Il laisse Aziyadé qui jure de ne pas pouvoir lui survivre. Le conte oriental prend alors des accents de tragédie shakesperienne.


Aziyadé parle peu ; elle sourit souvent, mais ne rit jamais ; son pas ne fait aucun bruit ; ses mouvements sont souple, ondoyants, tranquilles, et ne s’entendent pas ; C’est bien là cette petite personne mystérieuse, qui le plus souvent s’évanouit quand paraît le jour, et que la nuit ramène ensuite, à l’heure des djinns et des fantômes.

Le plus frappant, dès lors qu'on entame la lecture, est la forme choisie par Pierre Loti. C'est une succession de courts chapitres, qu'on peut qualifier de fragments, qui développent sous forme de journal et de lettres une histoire qui commence immédiatement, sans préambule. Loti arrive à Salonique, décide de se promener en tenue traditionnelle par défi, ennui ou désinvolture, on ne sait trop - pour se divertir tout du moins -, croise les yeux d'Aziyadé et nous voilà dans le vif du sujet. Point de longue mise en place de la situation, du décor, des personnages. Tout est déjà là, en quelques chapitres d'une quinzaine de lignes chacun. C'est progressivement, à mesure que l'histoire se nourrit et, particulièrement, dès lors qu'elle est sise à Istanbul, que l'environnement historique, politique et quotidien de la vie turque fleurit et prend de l'ampleur en écho à l'épanouissement de la relation entre Loti et Aziyadé. Les chapitres s'étoffent et l'on découvre une vie éminemment exotique et chatoyante. Je ne l'ai pourtant pas trouvé si fantasmée que ça et il semble que Pierre Loti ait été un observateur pertinent du tournant vers la constitution turque en 1876 et du début de la guerre russo-turque en 1877.

Par ailleurs, on sent l'esprit fin de siècle gagner le personnage de Loti. Il n'a plus rien de l'exaltation pleine d'espoir, parfois poussive, du personnage romantique. Il se révèle au contraire pétri de contradictions, de questionnements et, surtout, d'une sorte d'impossibilité de vivre le sentiment jusqu'au bout, trop empêtré dans une langueur sourde. Quelque chose de l'esprit déjà blasé, à moitié consumé, qui semble avoir déjà trop vécu pour son jeune âge. Loti apparaît comme le miroir inversé d'Aziyadé, d'une grande naïveté et d'une pureté de sentiments dénuée de calcul. Leur rencontre, tout comme leur relation est improbable. On ne sait comment cela tient, si ce n'est par une magie proche du conte, qui nous embarque dans les rues odorantes, bruyantes, voilées d'une Turquie lointaine, qui n'a peut-être jamais existé.

Il n'y a pas de Dieu, il n'y a pas de morale, rien n'existe de tout ce qu'on nous a enseigné à respecter; il y a une vie qui passe, à laquelle il est logique de demander le plus de jouissance possible, en attendant l'épouvante finale qui est la mort.
 

 En somme, ce fut un beau voyage (comme dirait Du Bellay)

Image : La fontaine du Harem, Frederick Arthur Bridgman, 1875