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27/04/2016

La mort de Napoléon de Simon Leys

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La mort de Napoléon de Simon Leys, Espace Nord, 2015 [1986], 142p. (dont une quarantaine d'excellent appareil critique)

 

Alors là, avouons-le, Simon Leys s'est payé un culot monstrueux, pour notre plus grand amusement et dont il s'est visiblement beaucoup amusé aussi : Déjà, Napoléon n'est pas mort à Saint Hélène ! - et hop, un détour savoureux par l'uchronie sans avoir l'air d'y toucher - mais en plus, il se révèle bien loin, bien souvent, du personnage que l'Histoire a brossé de lui.

Napoléon, pour le dire tel que Simon Leys l'envisage, a pris la poudre d'escampette de son exil, non sans se faire remplacer au préalable par un sosie maréchal-des-logis, et navigue depuis, de bateaux en points de chute inconnus, afin de reconquérir son empire. Il suit, en fait, un plan tout tracé par on-ne-sait-qui dont les rouages merveilleusement huilés s'enclenchent jusqu'à un petit couac qui vaudra à Napoléon - qui se cache sous le caractère faible et taciturne d'Eugène Lenormand, pour la peine - de vivre quelques loupés rocambolesques dans son entreprise.

Ce qui est tout à fait savoureux, c'est non seulement qu'on a affaire à une aventure, ni plus ni moins, mais que celle-ci est menée clopin-clopant par le plus improbable des anti-héros - celui-là même qu'on s'attendrait plutôt à voir incarner LE héros par excellence ! Ici, nul Napoléon fringant, charismatique (sauf peut-être lorsqu'il s'agit d'engager une vente triomphale de pastèques - à vous de voir dans quelle mesure cela délivre toute l'étendue de son charisme) mais bien plutôt un Napoléon taciturne et taraudé par la question de son histoire, de son avenir et de son identité. Tour à tour, il se trouve fortuitement dépossédé de l'un puis de l'autre, jusqu'à se demander qui il est vraiment et qui il peut encore être dans le regard d'autrui une fois que tout (ou ce qu'il pensait être tout) a foutu le camp.

Il y a un petit côté conte philosophique au vu des thématiques, c'est indéniable, mais que ça ne vous rebute pas (je dis ça parce que le conte philosophique est un peu ma bête noire, a priori) car c'est déroulé avec un humour savamment dosé, une intelligence subtile et une langue qui n'a strictement rien à envier aux plus grands auteurs tant le moindre bout de ciel est l'occasion d'un délicieux arrêt sur image.

Après une telle bonne surprise, je me dois de remercier fort chaleureusement Anne et Mina ainsi que les éditions Espace Nord grâce à qui j'ai remporté ce livre lors du dernier mois belge. Je retenterai forcément le concours de fin du mois lors de cette nouvelle édition si ça doit toujours encore me faire découvrir d'aussi bons morceaux belges !

Chez Mrs Pepys aussi Simon Leys est à l'honneur aujourd'hui !

Le ciel, partagé entre la nuit et l'aube, noir-bleuté de l'ouest jusqu'au zénith, blanc de perle à l'orient, était entièrement investi par la plus fabuleuse architecture de nuages que l'on pût imaginer. La brise nocturne qui avait édifié ce chantier géant de palais, de colonnades, de tours et de glaciers, l'avait abandonné en désordre dans une immobilité et un silence solennels, pour servir de socle à l'aurore. La crête suprême d'un cumulus échevelé déjà était touchée d'un pinceau jaune, premier phare du jour au fronton de la nuit finissante, tandis que les zones inférieures des nuées étaient encore plongées dans une pénombre confuse, creusée de gorges, hérissée de pics, avec des enfilades de falaises et de précipices bleus, de nocturnes champs de neige, de coulées de lave violette. Le ciel entier était possédé d'un élan interrompu, paraissait la proie d'un chaos immobile, le théâtre d'un écroulement figé ; au-dessus de la mer diaphane et sans ride, tout était suspendu dans l'attente du jour. p. 15-16

24/04/2016

Rendez-vous poétique avec Charline Lambert et David Delruelle

Chanvre et lierre.gifLe voici, Ulysse tel qu'en lui-même, la peau du héros jeté aux orties : homme seul offert aux étendues, à l'affût du monde sans mots dire car les mots de Charline Lambert, les mots d'Ulysse - les mots de l'être, en somme - se respirent lorsque l'oreille a foutu le camp. Ulysse s'élance dans toute cette nudité à l'assaut du monde vibrant :

Il mange les saisons.

Il cueille des céréales mûres et les porte à la bouche. Sa langue presse des raisins contre son palais ; entre ses dents s'écoule l'exquis jus d'octobre. Il s'enivre des mois d'avril et de mai, s'empiffre de framboises ou se parfume de fleurs de menthe. p. 15

Il évolue au gré du voyage, conscient de l'épreuve du vivre, devient racine, animal puis lierre du désir tendu sous le chant des sirènes ou le gouffre de Circé. Ce monde d'Ulysse est un désir perpétuel de résonances subtiles où le mot - le gouffre, le chanvre ou le lierre, et pourquoi par l'amour tant qu'on y est - développe une ramification de sens. Elle est loin la barrière signifié/signifiant : Ulysse ouvre la bouche, fait rentrer le monde, cueille les volontés, danse heureux sur les abysses. Ainsi, cette surdité d'Ulysse face au sort des sirènes, ces râpures pulmonaires, ne l'empêche pas d'entendre les appels de Pénélope, la patiente chanvrière qui tresse la ligne du temps et tient la droiture d'Ulysse en vie.

Inspir par torrents et expir en fin cheveux de vent. A l'intervalle du souffle partagé, des pensées de laine.

En laine de chanvre et de lierre, leurs langues sont tressées. p. 68

On a dit beaucoup des exploits d'Ulysse et de sa ruse légendaire ; il faut y ajouter, grâce à la poésie de terres et de souffles de Charline Lambert, son incarnation sensuelle, presque chamanique, qui révèle un au-delà des sens - un au-delà du sens - et électrise tout ensemble les éléments du monde. Un premier recueil brillant, où fleurissent déjà une voix puissante et un regard bestial.

Sous sa peau, sa pensée se tait et son souffre se déterre. 

Souffle dont les veines sourdent de la terre, du gui en éclosion rapide, germé de caillots comme autant de promesses d'embolie.

Ou de surdité, si les baies bouchent la cochlée. p. 24

Chanvre et lierre de Charline Lambert, Le Taillis Pré, 2016, 69p.

 

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Supernova de David Delruelle, collage, 2013

Poussant le décloisonné jusqu'au bout, il se pourrait que nous trouvions un écho à la poésie de Charline Lambert dans les collages de David Delruelle, artiste belge lui aussi, qui se plait à entrechoquer des éléments du monde et nous invite à interroger notre réalité quotidienne.

 

 

le mois belge.jpgCinquième participation au mois belge 2016 d'Anne et Mina

LC de Chanvre et lierre avec Mina

23/04/2016

Le tag du jour

 Je m'aperçois que cela fait presque un mois que Delphine-Olympe m'a taguée sur son blog ! J'ai joliment procrastiné. Heureusement qu'Ellettres me l'a remis en tête, l'air de rien, en répondant à ce même tag il y a peu. Je me lance donc à leurs suites.
 

Benedict Cumberbatch.jpg

 
Que penses-tu des adaptations cinéma ?
J'ai envie de dire que je n'en pense rien de particulier, de but en blanc (et en fouillant dans les tags précédents auxquels j'ai pu participer, je m'aperçois que c'est exactement ce que j'ai déjà répondu à une question similaire... Visiblement, il y a donc des constantes !) Disons que j'y suis pas opposée ; je ne vais pas m'interdire d'aller voir un film parce que, Ô sacrilège (?), il a osé s'inspirer d'une œuvre littéraire.  Il se peut même que j'apprécie de visionner un film adapté d'un roman, pour voir quelle réécriture il peut proposer. Au fond, tout dépend de la qualité du film hein. Je pourrais dire ce que je pense de telle ou telle adaptation mais "des adaptations" en général, ça me paraît fumeux.
 
Quel marque-page utilises-tu ?
Je pioche dans ma collection de marque-pages, qui commence à devenir opulente, en fonction de la taille du livre et de ce qu'il m'inspire. Je fais partie du genre de tordues du citron qui s'amusent à marier le roman avec le marque-page. Et j'ai franchement conscience du ridicule de la situation en l'écrivant. (Notez qu'en ce moment, il y a un certain relâchement: je pioche le marque-page au hasard)
 
Quel est ton coup de cœur 2015 ?
Un seul coup de coeur ?! C'est chafouin, ça... Il y a eu plusieurs coups de cœur, soyons clairs, mais s'il ne devait en rester qu'un, je dirais que j'ai particulièrement été éblouie par de Hubert Haddad.
 
Comment classes-tu tes livres ?
Par genre : philosophie, histoire, spiritualités, BD, Beaux-Arts, Poésie et Littérature puis par ordre alphabétique. Le théâtre se retrouve mêlé au roman, du coup, mais comme je ne goûte que peu ce genre à la lecture, il s'agit essentiellement de classiques qui se noient très bien dans la masse.
 

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Quels sont tes blogs de lecture préférés ?
Je visite régulièrement tous les blogs de ma blogroll. Évidemment, dans le lot, certains se retrouvent visités plus souvent que d'autres, en fonction de leur fréquence de publication principalement. Cela dit, évidemment (bis), dans le lot, je me sens plus d'affinités avec certaines blogueuses derrière le blog - mais celles-ci se reconnaîtront sûrement !
 
Des petites habitudes inavouables quand tu lis ?
Boire du thé, manger du chocolat, câliner mes chats - bref, je suis la blogueuse littéraire de base, sans la moindre originalité !

Un auteur contemporain que tu aimerais rencontrer et pourquoi ?
Pas particulièrement, je ne suis pas fan des rencontres ; je ne suis pas fan de la perspective de me trouver dans un lieu avec des gens, de manière générale. Cela dit, j'ai découvert une semaine trop tard qu'une librairie à moins d'une heure de chez moi (record) faisait dernièrement une rencontre avec Hubert Haddad. J'étais dégoûtée d'être passée à côté, tiens !
 
Où achètes-tu tes livres (neufs et occasion) ?
Je vous le dis très clairement, je suis une grosse raclure : j'achète essentiellement sur Amazon pour le neuf et sur Gibert pour l'occasion. Je me dédouane vaguement en arguant qu'habitant la Creuse, je n'ai qu'une seule librairie dans mon département mais la vérité, c'est que je n'aime pas aller dans une librairie avec l'envie ou le besoin précis d'un titre parce que j'ai 9 chances sur 10 pour qu'il n'y soit pas, ce qui m'obligera à le commander, à y retourner, à perdre une semaine alors qu'avec Amazon, il est en 48h dans ma boîte aux lettres. Je vous le disais, je suis donc une raclure (doublée d'une feignasse). Cela ne veut évidemment pas dire que je ne vais jamais en libraire. C'est juste qu'à l'heure qu'il est, il me faut entre 30 min (pour la plus proche) et 1h30 de voiture (pour les plus chouettes à Limoges) pour joindre une librairie, par conséquent, c'est mon pèlerinage de vacances, j'y vais sans envie particulière et je me laisse guider par l'inspiration des étals. Mais pour les envies quotidiennes, Internet est donc mon pourvoyeur de livres.
 
En ce moment, quel genre de littérature lis-tu le plus ?
En ce moment, mais comme tout le temps d'ailleurs, le roman est indéniablement ce que je lis le plus, mais avec une grosse remontée de la poésie ces derniers mois.
 
Un livre à la fois ou plusieurs ?
Un seul, sauf en de très rares occasions - par exemple quand j'entame un gros pavé classique, je sais qu'il me faudra une autre lecture pour palier aux moments de fatigue neuronale ; inversement, quand j'entame un roman ado, j'ai besoin de quelque chose de plus consistant à côté.
 
Quelle est ta lecture en cours ?
L'amie prodigieuse d'Elena Ferrante, à force de lire plein de chouettes billets enthousiastes. En plus, une amie me l'a mis dans les mains sans l'avoir demandé : c'était un signe ! 
 
Sur quel site communautaire en rapport avec la lecture aimes-tu aller ?
Je publiais sur Babelio fut un temps, j'y répertoriais toutes mes chroniques de blog. Cela m'a valu de participer à quelques masses critiques, du coup. Et puis j'ai totalement lâché. J'ai fini par trouver ça franchement fastidieux de mener le doublon, tout ça pour avoir, à l'occasion un bouquin gratuit qui ne plait même pas toujours. Par contre, je prends plaisir à aller y consulter certains extraits d'ouvrages que j'aimerais lire pour me faire une idée du style. De manière générale, c'est un truc qui manque sur les blogs, je trouve : un extrait du livre chroniqué.
 
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Livre papier ou numérique ?
Papier. Et je peux d'autant plus l'affirmer que j'ai testé le numérique quelques fois, j'ai même reçu une liseuse en cadeau, mais celle-ci dort depuis un paquet de temps dans un tiroir maintenant. Clairement, payer pour du vent, ça m'arrache un peu les poils du nez et le plaisir n'est vraiment pas le même qu'avec le papier. Au-delà du contenu, j'en suis donc venue à la conclusion que j'étais une fétichiste de l'objet livre.
 
Quel est ton endroit préféré pour lire ?
Mon fauteuil de vieille dans le bureau, en position à moitié allongée, contre la porte-fenêtre, au soleil. Franchement, je sais pas pourquoi on attend d'avoir 80 ans pour acheter ce genre de fauteuil : les vieux ont tout compris au confort. (Ouais ok, c'est moche, mais qu'est-ce que c'est biiiiiiiiiien)
 
Invite cinq amis à y répondre :
Je ne sais pas trop si ça tentera les personnes que je vais citer mais je propose quand même ! Pour poursuivre ce mini-tag, je passe donc le relais à Topinambulle, Mina, AlysAnne et Moka.
 

14:28 Publié dans Tag | Lien permanent | Commentaires (15)