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04/08/2015

Vrac de BD feel good

Tout part à vau l'eau, voyez vous. Je lis à tout casser vingt pages par jour - autant dire que Le rouge et le noir n'avance guère bien que je le trouve passionnant - et la perspective de rédiger des chroniques m'ennuie un brin. Mais au fond, j'ai envie quand même. C'est juste que je me prélasse depuis un mois dans une paresse totale et décomplexée, une paresse dont je profite comme d'un mets rare et délicieux - sachant par avance les dix mois qui m'attendent à partir du 1er septembre. Cela dit, il m'arrive d'avoir envie de feuilleter quelque chose de sympa plus d'une demi-heure d'affilée, à l'occasion. Et dans ces moments-là, mon choix se porte vers la BD ; vers une BD amusante, légère de préférence, vers l'antithèse de la prise de chou réflexive en somme (exception faite du Paradis perdu chroniqué dernièrement devant lequel on ne peut que se pâmer quoiqu'il en soit). Voici donc un florilège, en vrac, de ce qui m'a collé le sourire ces dernières semaines, sans trop en dire parce qu'au fond, tout est très simple : on s'amuse bien à lire ces BD, un point c'est tout.

 

Les vieux fourneaux.JPGLes vieux fourneaux, comme le macaron promotionnel l'indique sur le deuxième tome, c'est parfaitement drôle et irrésistible. Prenez une bande de vieux - n'ayons pas peur des mots, à bas le conventionnel "personnes du troisième âge" - totalement déjantés, qui n'hésitent pas à avoir des envies de meurtre ou de révolution entre deux considérations plus prosaïques, prenez tant qu'à faire une gouaille pas possible entre le juron et la harangue perpétuelle, prenez enfin un tracé de bulles qui rappelle les vieilles BD de notre enfance et paf, vous avez de quoi sourire pendant quarante-cinq minutes. C'est évidemment n'importe quoi en terme d'intrigue - si tant est qu'on puisse parler d'intrigue - mais c'est surtout divertissant, tout à fait original dans son genre et son propos et ça fait du bien. Dès la troisième page du tome 1, je me suis dit que j'espérais vraiment pouvoir vieillir façon vieux fourneaux. J'aurais plus besoin de me retenir de parler comme un charretier tralala !

Les vieux fourneaux de Cauuet et Lupano (2 tomes), ed. Dargaud.

 

Les gens honnêtes.jpgLes gens honnêtes commencent moyennement bien, il faut bien le dire (Les vieux fourneaux aussi d'ailleurs, notez bien. Comme quoi, on peut vraiment rire de tout). Le premier tome est mi-figure mi-raisin, on ne sait pas si on doit être plein d'espoir façon "ce qui ne me tue pas me rend plus fort" ou bien s'affliger d'une réalité contemporaine pas très reluisante. On avance ainsi à tâtons sans trop savoir et puis, petit à petit, la légèreté s'installe - elle n'a jamais vraiment disparue, finalement, mais se tenait en retrait le temps des nuages - et redonne vie à Philippe Manche. C'est lui, le protagoniste. Lui, qui va changer plusieurs fois de carrières au fil des tomes de la série, qui va rencontrer des personnalités improbables et attachantes - la palme revient, en ce domaine, au bouquiniste amoureux de littérature et de bons crus (Autant vous dire que ça donne des idées ! A quand le club de lecture et picole associées, je vous le demande ?). Lui qui nous transporte au fil d'une vie presque banale et pourtant hautement colorée : au fil de la Vie, avec un grand V.

Les gens honnêtes de Durieux et Gibrat (3 tomes), ed. Dupuis

 

perles et pirates.jpgSur ce, on quitte la vie quotidienne, on quitte les retraités et les chômeurs (ça a beau être dit sur le ton de l'humour, on a un peu envie de voyager quand même !) et on embarque sur le bateau pirate de la blague (vous avez remarqué, je finis toujours par caser un pirate ou deux par été, ni vu ni connu, j't'embrouille). Dans cette aventure rocambolesque - et surtout improbable - il est question, comme l'indique le sous-titre, de perles et de pirates. Oui, m'sieur dames. Mais de femmes pirates exclusivement, qui ne daignent pas accueillir d'hommes à leur bord, et qui terrorisent des flottes entières de britanniques armés. Des femmes qui ne tiennent pas l'alcool, qui font parfois n'importe quoi mais finissent par sauver des familles esseulées, c'est ti pas beau ? Il est aussi question d'un gouverneur au costume grotesque (je n'en dis pas plus car j'ai franchement ri à la lecture de cette idée géniale), d'une armée qui ne sert à rien, d'un père un poil indigne et, bien évidemment, d'un trésor qu'il faut absolument trouver grâce à soixante-quinze indices disséminés aux quatre coins du globe. C'est frais, c'est fin (c'est très fin, ça se mange sans faim), ça renverse les codes du récit de piraterie - ce qui n'est pas dégueulasse à l'occasion, et c'est d'une drôlerie telle qu'à plusieurs reprises, je n'ai pas pu m'empêcher de rire comme une baleine. Que du bon !

Perles et pirates de Zaoui et Clotka, ed. Casterman

 

Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter d'excellentes lectures et tranches de rire, en compagnie des indispensables lunettes de soleil, éventail et mojito. En d'autres termes, bon mois d'août !

23/07/2015

Le chat qui ne mangeait pas de souris de Carmen Agra Deedy et Randall Wright

le chat qui ne mangeait pas de souris.gif
Le chat qui ne mangeait pas de souris de Carmen Agra Deedy et Randall Wright, Flammarion, 2014, 319p. 

 

Souris.jpegÇ’aurait pu être un roman de Lilian Jackson Braun avec un titre pareil mais queneni. C'est l'histoire de Skilley, un chat de gouttière victorien, passablement lassé du froid, du danger de la rue et des coups de balai de la poissonnière. Pour trouver un quotidien plus confortable, il se fait "engager" au Ye Olde Cheschire Cheese (rien que le nom fait rêver), le meilleur pub londonien de fromages, pour déloger les souris coquines qui chipent dans la cave. Jusque là, tout est enfantin. Sauf que Skilley a un secret et que Pip, une souris plus maline que les autres, le découvre. Tel est le début d'un pacte et d'une amitié qui va amener les deux compères à s'entraider pour contrer Pinch, un chat peu scrupuleux et cruel, et épauler Maldwyn, sans qui la couronne d'Angleterre pourrait être en péril. Et, à l'occasion, Dickens ou Thackeray viennent manger un morceau en écrivant quelques lignes de leurs prochains romans.

Vous me connaissez, je ne vais pas fréquemment voir du côté des romans jeunesse si j'y suis. Mais c'est l'été - soit une période de glandouille intellectuelle intersidérale en ce qui me concerne -, il est question de chats et de souris, il est accessoirement question du Londres victorien, et en plus je n'ai lu que des avis amusés et contents de ce titre sur les blogs. Du coup, me voilà plutôt amusée et contente aussi. C'est un roman mignon - je ne sais pas comment le dire autrement : les bons sentiments courent les pages sans être trop dégoulinants, l'ambiance est suffisamment polie pour qu'on ait l'impression qu'un pub victorien infesté de souris soit le paradis (mouahahahaha) et les animaux parlent et sont d'une humanité merveilleuse. Bienvenue au pays des bisounours ou les bisounours sont chats et souris ! Mais c'est charmant, ça fait du bien de temps en temps, ça colle un petit sourire niais et le tour est joué. La narration n'est pas mal non plus, parfois un poil lente ou attendue, mais toujours avec un humour bienvenu qui évite toute prise au sérieux.

C'est indéniablement un roman qui fera plaisir aux amoureux des animaux et, pourquoi pas, aux amoureux de l'époque victorienne. Celle-ci distille une atmosphère clairement idéalisée qui a, du coup, l'avantage de faire rêver. Les interventions de Dickens sont évidemment la cerise sur la gâteau !

Challenge a year in England.jpgChallenge A Year in England chez Titine

3ème lecture

16/07/2015

Le Paradis Perdu de John Milton, mis en image par Pablo Auladell

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Le Paradis Perdu de John Milton par Pablo Auladell, Actes Sud, 2015, 316p.

 

PARADIS_226.jpgCe livre graphique fait typiquement partie de ceux qu'on évite d'acheter à l'impro, sans y réfléchir : non seulement le sujet se choisit clairement, et ne se lit pas aisément entre la poire et le fromage, mais le prix conséquent du livre (35€) freine en outre les ardeurs aventurières. En gros, on se retrouve un beau jour avec ce bouquin dans les mains parce qu'on l'a voulu et parce qu'on a bien pesé le pour et le contre.
Dans cette optique de réflexion, je me suis délectée plusieurs jours de sa simple vue avant de l'entamer. Chaque page est un plaisir pour les yeux avec de l'être pour l'esprit et prépare avec douceur la plongée dans un univers d'une poésie toute martiale.

John Milton écrit Le paradis perdu en 1667, son œuvre la plus célèbre : un opulent poème épique qui brosse la chute de Lucifer puis la chute de l'Homme sous le joug perfide de sa tentation vengeresse. Je ne saurais vous en dire beaucoup plus, n'ayant pas lu le texte original, si ce n'est que j'ai été interpelée à travers l'adaptation qu'en fait Auladell par l'aspect profondément guerrier du récit où règne une volonté de domination et d'obéissance de part et d'autre - et c'est l'occasion de se remémorer à quel point le Dieu de l'Ancient Testament n'a rien de charmant. J'ai également été saisie par le questionnement crucial qui se joue entre l'orgueil et la liberté à travers le personnage de Lucifer/Satan. Au fond, où est la frontière entre les deux et à quel moment, ce qui semble être le droit le plus inaliénable devient un fléau destructeur ? Lucifer est exactement Dom Juan, ni plus ni moins, les nombreuses conquêtes féminines en moins. Lucifer, le premier libertin : n'est-ce pas savoureux ? (Spéciale dédicace à ma chère Mina!)

Quant au graphisme, car de cela je peux vraiment vous en dire quelque chose, c'est tout simplement du grand art. Pablo Auladell crée une atmosphère faite de brouillard et d'éclat, entre le doute - du lecteur, de Satan, de l'Homme - et la puissance divine, la certitude des choses immuables et grandioses.
Le projet d'Auladell, commandé initialement par un éditeur de poésie, a été arrêté au premier livre puis repris par un éditeur numérique puis par Actes Sud en France. Cela explique, nous dit l'auteur, une évolution du graphisme entre ce premier livre et les suivants, évolution qui me semble parfaitement correspondre à l'évolution narrative. On passe ainsi de la chute de Lucifer qui devient alors Satan, tout en bichromie saturée et dans des territoires désertiques, presque angoissants, à sa recherche de la terre des Hommes sous l'égide de la grâce de Dieu, tout en nuances, lumières et couleurs vaporeuses.

Cette œuvre est indéniablement une réussite totale, époustouflante de maîtrise, de talent et de poésie. Le dessin n'a rien à envier à l'illustre poème auquel il s'est attaqué brillamment. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il m'a donné envie de tenter de plonger dans Milton - il ne faut pas pousser mémé - mais il m'a donné envie de le chroniquer, ce qui est déjà en soi un exploit et signe qu'il mérite le détour - parce qu'allez savoir pourquoi, chroniquer les BD me broute un peu en ce moment. Mais je devais chroniquer celle-là. C'était une nécessité. Maintenant, lisez-là (s'il-vous-plait) !

paradis_284.jpg

 

Challenge a year in England.jpgChallenge A Year in England chez Titine

2ème lecture