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22/06/2014

Prodigieuses créatures de Tracy Chevalier

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Prodigieuses créatures de Tracy Chevalier, Folio, 2014, 419p.

 

Mary Anning.jpgAu tout début du XIXème siècle, Elizabeth Philpot et ses deux soeurs, vieilles filles comme elle, sont contraintes à l'exil dans une petite bourgade du Dorset, Lyme Regis. Si la vie calme, rurale et océanique bouleverse radicalement leurs habitudes londoniennes, Elizabeth s'épanouit dans une passion fulgurante pour les fossiles. Passion pour le moins excentrique pour l'époque et pour son sexe mais grâce à laquelle elle rencontre Mary Anning. Fille d'ébéniste et plongée depuis sa plus tendre enfance dans l'univers des fossiles, elle devient la compagne de chasse d'Elizabeth, son amie et sa rivale. Si Elizabeth se consacre aux poissons, Mary fera parmi les plus grandes découvertes paléontologiques du début du siècle et ne cessera de découvrir ichtyosaures et plésiosaures jusqu'à sa mort en 1843.

 

Il y a décidément quelque chose de délicatement suranné chez Tracy Chevalier ; une écriture classique et claire qui sait emporter et créer des univers tout en offrant le confort d'un terrain connu. En certaines périodes, c'est exactement le genre de compromis qui détend voire séduit.
En l'occurrence, il est bien agréable de se laisser glisser aux côtés de ces esprits féminins d'un autre temps qui toujours doivent composer entre des règles sociales extrêmement strictes et leurs aspirations personnelles. Le moindre défaut qui les fait s'écarter du moule préconçu les pousse irrémédiablement vers la marginalité. Le simple fait de marcher seule dans les rues de Londres apparait comme la plus grande des audaces... Que les temps ont changé et qu'il est bon de s'en rappeler ! Et puis, qu'on le veuille ou non, la femme était condamnée à l'ombre de son homologue masculin (c'était déjà le cas dans La Dame à la licorne). Il est souvent irritant de lire que toutes les précieuses découvertes de Mary Anning ont été accaparées par de fats universitaires qui étaient incapables de trouver quoi que ce soit par eux-mêmes ! Mais bien sûr, ils avaient l'instruction, la fortune et le bon sexe... Ainsi en était-il du siècle de Jane Austen dont l'esprit et la lettre sont portés avec douceur par Tracy Chevalier. Non sans une certaine lenteur et fadeur également ce qui, à mon sens, rend particulièrement bien ce qui devait être des demi-teintes d'un bord de mer automnal ou d'une petite boutique campagnarde du Dorset en 1810.

 

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Un charmant voyage en somme, qui se lit sans bouder son plaisir, et qui rappelle à quel point la condition féminine aujourd'hui vaut son pesant de cacahuètes. L'aspect historique est en outre éminemment passionnant - Mary Anning a réellement existé et ses découvertes également - même lorsqu'on ne s'intéresse que de loin aux fossiles. J'ai particulièrement apprécié les enjeux théologiques qu'a pu soulever à l'époque la théorie de l'évolution des espèces. En somme, si vous souhaitez bronzer intelligent cet été, sans pour autant embarquer un dictionnaire sur la plage, ce roman est un bon candidat pour la valise estivale.

(Illustrations : 1. Portrait de Mary Anning et de son chien Tray ; 2. Dessin d'un plésiosaure par Mary Anning)

 

 

Logo mois anglais.jpg4eme participation au mois anglais de Lou, Titine et Cryssilda

LC Tracy Chevalier avec Sylire, Purple Velvet,

 

17/06/2014

L'Auberge de la Jamaïque de Daphné du Maurier

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L'Auberge de la Jamaïque de Daphné du Maurier, J'ai lu, 2012 [1936], 318p.

 

A la mort de sa mère, Mary Yellan rejoint comme promis la seule famille qu'il lui reste : sa tante Patience, qu'elle n'a pas vu depuis dix ans et son oncle inconnu à l'auberge de la Jamaïque. Elle sait qu'elle devra y gagner son gîte et son couvert en travaillant. Elle ne sait pas encore qu'elle pénètre dans un univers glacial, désolé, battu par le vent terrifiant des landes désertiques, où aucune voiture n'ose jamais s'arrêter. L'auberge de la Jamaïque n'a d'auberge que le nom. Les seuls qui s'y aventurent sont de sombres scélérats et tous s'enivrent avant de disparaître plusieurs jours. En outre, l'oncle de Mary, Joss Merlyn, est alcoolique et violent. Dès les premiers jours, Mary frissonne mais s'accroche pour cette tante qui n'est plus que l'ombre d'elle-même. Celle-ci l'avertit : des actes terribles sont perpétrés à La Jamaïque. Mieux vaut se boucher les oreilles, ne rien voir et se taire. Tout cela n'est pas du goût de Mary qui va tenter de découvrir quels sont ces odieux agissements.

Le départ m'a plutôt enthousiasmée et j'espérais trouver des cet univers aride une aventure un peu flippante et haletante. Les landes sont décidément le décor parfait pour cette ambiance ; on pense à tout ce qu'elles ont imprégné de romans gothiques ou policiers.

Quelle était la limite réelle de la lande, Mary n'eût pu le dire, sauf un jour cependant, où, se dirigeant vers l'ouest, elle avait aperçu, après avoir escaladé la plus haute falaise derrière la Jamaïque, le scintillement argenté de la mer. Mais c'était une région silencieuse, désolée, très vaste et inviolée par la main de l'homme ; sur les hautes falaises, les blocs de pierre, appuyés l'un contre l'autre, prenaient des formes étranges et avaient l'air de massives sentinelles qui montaient la faction depuis que la main de Dieu les avait façonnés. p. 47-48

Manque de pot, j'ai l'impression que ma lecture n'a jamais vraiment démarré. J'ai tourné les pages sans jamais être complètement dedans, attendant que quelque chose embraye et à chaque fois : rien. En toute franchise, cette attente s'est muée peu à peu en ennui profond et en agacement. J'ai trouvé la narration hyperbolique de bout en bout. A force de vouloir me vendre des faits extraordinaires et mortellement terrifiants, cela m'a au contraire totalement affadi l'ensemble. Et puis le personnage de Mary... Doit-on vraiment appeler courage ce qui n'est rien d'autre que la plus déconcertante stupidité ? Non seulement elle se met dans des situations ahurissantes à trop vouloir jouer les téméraires ; elle envenime même bien souvent la situation ; mais pour couronner le tout, comme la première petite poule un peu cruche venue, elle se pâme pour le beau gosse ténébreux et dangereux. J'ai envie de dire : Sérieusement ?!

En fait, si je devais résumer avec une partialité non dissimulée mon impression de lecture, je dirais qu'au lieu de lire un bon roman d'aventure qui décoiffe et dépayse - ce que j'appelle "un truc avec des couilles", non sans une certaine misogynie, il faut bien l'avouer - j'ai lu un roman d'aventure pour gonzesses où tout devient une montagne, où l'on s'effarouche de tout, où l'on s'émoustille d'un rien et où l'aveuglement est de mise (parce que sans rire, je défie quiconque de ne pas piger à une centaine de pages comment tout ça va se finir).

Non mais je sais, je suis gratuitement piquante et d'une incroyable mauvaise foi. Mais, je ne vais pas vous mentir, c'est vraiment avec ce sentiment que je ressors de ma lecture...

 

Merci à Manu de me l'avoir offert pour notre premier swap ensemble

 

Logo mois anglais1.jpg3eme participation au Mois Anglais de Lou, Titine et Cryssilda

LC Daphné du Maurier avec Fanny, FondantChocolat, Shelbylee, Soie, Titine, Karine, Lilas et Natiora

14/06/2014

La pluie, avant qu'elle tombe de Jonathan Coe

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La pluie, avant qu'elle tombe de Jonathan Coe, Gallimard, 2008, 248 pages

 

Au décès de sa tante Rosamund, Gill découvre avec étonnement qu'une partie de l'héritage est destiné à Imogen, une lointaine parente depuis longtemps oubliée de la famille. Sauf de Rosamund. Nul pourtant ne sait ce qu'elle est devenue et Gill ne parvient pas à la retrouver. Au bout de quatre mois de recherches infructueuses, elle décide d'écouter les cassettes audio que Rosamund avait enregistrées pour Imogen. Au son de sa voix, vont défiler une vingtaine de photos et trois générations de femmes meurtries, souvent seules, un peu libres et un peu folles. Cette histoire-là, c'est celle qui lie Rosamund à Imogen en un lien qui ne s'explique pas mais que le temps n'a jamais affaibli. Un peu comme la pluie avant qu'elle tombe : une chose irréelle mais terriblement puissante. 

Je suis rentrée dans ce roman, l'air de rien, inspirée par l'enthousiasme de Miss Léo, ne sachant pas trop à quoi m'attendre. J'avais juste lu sur la quatrième de couverture qu'il était question de passé familial et de résonance entre les êtres, thématiques qui me parlent plutôt en ce moment.
Dès le début, je me suis laissée porter par Gill puis par les paroles de Rosamund. Toutes deux dégagent une empathie, une force douce et fiable qui m'a ravie. J'ai été particulièrement émue avec Rosamund, ai ressenti la douleur de l'absence ou la paix du temps qui fuit. Si la vieille femme déroule consciencieusement sa vie au fil des photos ; si le temps et la narration sont donc linéaires, Rosamund se sent reliée malgré elle à la lignée de Beatrix et son cœur ne cesse de battre à l'unisson de ces cœurs qui souvent la quittent. C'est ainsi l'amour et la tristesse qui résonnent entre les âges.
J'avoue qu'à plusieurs reprises, la construction systématique (à base de descriptions des photos par le menu en les numérotant au préalable) m'a un poil dérangée. J'ai trouvé que cela manquait de subtilité. C'est sans doute ce qui me retient de faire de ce livre un coup de coeur. Malgré tout, son émotion douce-amère continue de m'habiter.
La pluie, avant qu'elle tombe fait partie de ces romans que l'on dévore avec un plaisir non dissimulé, sans prétention, avouons-le, mais néanmoins de fort bonne facture, profond sans trop en faire, plein de mélancolie mais sans trop l'appuyer. Jonathan Coe a su trouver le dosage parfait pour se détendre et vibrer, disséminant au passage quelques petites perles l'air de rien.

"Cette voie chaude et rocailleuse qui étire le mot bonsoir jusqu’à cinq fois sa longueur, si bien qu’en l’entendant j’ai eu l’impression d’être repêchée d’une eau glacée et enveloppée dans une grosse couverture.”

"Cela faisait au moins dix ans que je n’étais pas passée par ces chemins. Ils paraissaient absolument familiers ; et en même temps, absolument inconnus et irréels. Je n’arrivais pas à concilier ces deux impressions. Je me rappelle très nettement cette sensation – cette pensée. La conscience que, parfois, il est possible – il est même nécessaire – d’associer des contraires ; d’admettre la vérité de deux choses qui se contredisent complètement. Je commençais tout juste à le comprendre, à reconnaître que c’est là l’une des conditions fondamentales de notre existence. Quel âge j’avais ? Trente-trois ans. Oui, effectivement : on pourrait dire que je commençais à être adulte."

 

Logo mois anglais3.jpg2eme participation pour le mois anglais chez Lou, Titine et Cryssilda

LC Jonathan Coe avec Manu, Karine, Hérisson, Enna, Mirontaine, Cryssilda, Eva, Yueyin,