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30/10/2014

Virginia Woolf de Michèle Gazier et Bernard Ciccolini

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Virginia Woolf de Michèle Gazier et Bernard Ciccolini, Naïve, 2011, 90p.

 

Depuis quelques années, les éditions Naïve sévissent à coups de Grands Destins de Femmes. Il s'agit de faire découvrir aux lecteurs la vie de quelques figures majeures des siècles passés et présent, toutes disciplines confondues.  Qui avait-il derrière le génie, l'artiste ou le médecin ? Telle est la question.

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Si j'ai empoigné cette BD dénichée fortuitement à la bibliothèque, ce n'est pas tant parce que la biographie de Woolf m'est inconnue (on ne va pas se mentir) que parce que le nom de Woolf fonctionne chez moi comme un aimant - aimant à double-tranchant car il ne manque pas d'aiguiser autant ma curiosité que mon exigence. Dans les faits, je dirais que la présente bio-graphique n'est pas rageusement mauvaise, elle se laisse même lire sans déplaisir (elle a agréablement occupé mon temps lecture avant le sommeil l'autre soir) mais est clairement loin de casser trois pattes à un canard. Comprendre par là que je suis contente de l'avoir louée à la bibliothèque ; 23€ pour ça, il ne faut quand même pas pousser mémé hein.

Le scénario ne me semble pas trop mal monté. On pourrait bien sûr reprocher à Michèle Gazier d'avoir transformer la riche existence de la plus géniale des auteures du XXème siècle en une suite de rencontres et de drames successifs, la conduisant à l’effondrement progressif. Loin de moi l'idée de lui jeter la pierre : je ne la soupçonne pas de le penser mais il faut bien convenir que le format de la collection en 90 pages impose quelques raccourcis. C'est au fond le problème des biographies en BD : soit il faut pouvoir s'étaler en pavé, soit il vaut sans doute mieux se concentrer sur tel ou tel épisode marquant de la vie de l'auteur conté. On a beau accepter de manière complaisante les contraintes qui ont présidé aux raccourcis, il n'empêche qu'à la fin, on se dit que la lecture du produit fini était sympathique mais assez dispensable.

Ce qui m'a néanmoins le plus gênée, je dois l'avouer, c'est le graphisme. En toute franchise : qu'est-ce que cette horreur ?! Je reconnais à Bernard Ciccolini la capacité à croquer avec un certain talent certains visages et expressions de Woolf mais dans l'ensemble, le travail est loin d'être un régal pour les yeux. Grossièreté des couleurs et du trait, naïveté ambiante... Même les bulles et la typographie sont moches ! Il fallait quand même le faire ! Allez, j'exagère peut-être un peu : preuve en est, je l'ai quand même lu jusqu'au bout. Mais franchement, c'était plus pour le joie de m'immerger une petite vingtaine de minutes dans la vie de Woolf que pour le plaisir des yeux.

Exemple de graphisme moche : Voilà comment le dessinateur "illustre" l'inspiration de VSW pour Orlando. J'en ai les poils qui frisent.

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Vous l'aurez compris : s'il n'y a pas de quoi se priver de cette lecture, c'est uniquement si elle ne vous coûte rien. Par ailleurs, si vous êtes intéressés par la vie de Woolf, je vous conseille l'excellente biographie de Hermione Lee - un beau pavé de plus de mille pages. A lire si vous êtes vraiment intéressés par la vie de Woolf, donc. Je vous conseille en outre de jeter à la poubelle ou de vous servir de papier toilette de l'odieuse biographie récente de Viviane Forrester. Celle-ci ne mérite d'être mentionnée que pour rappeler qu'elle ne consiste qu'à enfiler des conneries à la chaîne.

Amis woolfiens, bonne journée ! ;)

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challenge melangedesgenres1.jpgChallenge Le mélange des genres chez Miss Léo

Catégorie BD

24/10/2014

Le portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde

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Le portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde, 2012 [1890], 277p.

 

Dorian Gray est un jeune homme d'une incroyable beauté. A ce titre, il fascine le peintre Basil Hallward qui réalise son portrait. Lors du dernier jour de pause, un ami de ce dernier assiste à la séance et c'est à lui de fasciner Dorian Gray : il s'agit de Lord Henry Wotton, aux mœurs passablement immorales et à l'esprit particulièrement incisif. Il se plait à dire ces vérités que bien d'autres dissimulent sous le masque d'une bienséance souvent hypocrite ; il se plait donc à mettre à mal et à mettre quelques coups de pieds dans la fourmilière. Ce jour de pause, il déstabilise Dorian en évoquant le caractère éphémère et pourtant crucial, profond de la beauté et de la jeunesse. Le jeune homme ne prend véritablement conscience que ce jour-là du trésor qu'il porte et fait le vœu que son portrait vieillisse à sa place. Malheureusement, comme tout pacte un peu fumeux, le plus important est souvent dans les petits caractères qu'on ne lit pas : certes, Dorian Gray restera éternellement jeune et éclatant mais c'est au prix de son âme. Le tableau marque non seulement la vieillesse mais les plis de cruauté qui craquellent progressivement l'âme du jouvenceau.

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Il y a quelque chose d'immoral particulièrement fascinant - entre l'attirance et la répulsion - dans ce roman. Je dis bien "quelque chose" et non pas "le roman est..." car au fond le roman entier est plutôt moralisateur et c'est d'ailleurs cette confrontation des deux qui ajoute à la fascination. Ce quelque chose, c'est Lord Henry, si décomplexé de toutes valeurs. Il est le seul baromètre d'une éthique sans considération pour autrui ; en un mot, il est le maître et son hédonisme sans morale brise autant les chaînes qu'il décape tout sur son passage. Au fond, il est le tentateur, ni plus ni moins et incarner humainement un esprit diabolique, c'est précisément montrer toute la profondeur ambiguë de l'esprit humain. Le diable n'a pas besoin d'être cornu et rougeaud. Il lui sied parfaitement d'être un Lord anglais fier, sûr de lui, plein d'humour et de séduction. Par ailleurs, le roman dans son entier livre une morale implacable : celui qui est tenté et vend son âme au diable pour la jeunesse éternelle est irrémédiablement damné. La chute de Dorian est cruelle et inexorable. Quoiqu'il fasse, il s'abîme dans la fange, dans l'égoïsme et la dureté pour finir par devenir un assassin lamentable sous le coup de la colère. Si certains propos de Henry Wotton peuvent être tentants, il n'y a qu'à voir ce que la pauvre créature qu'il a modelée de ses pensées devient pour comprendre qu'Oscar Wilde ne prend pas son parti. Il n'en reste pas moins que la lecture est clairement dérangeante et puisque le parti de l'auteur reste assez subtil, on ne sait jamais trop si l'on doit être séduit, nous aussi, par Lord Henry ou pas. S'en sortirait-on mieux que Dorian tout en se ralliant à ces mêmes idées ? Disons que cette lecture invite indéniablement à la réflexion morale et la réponse est peut-être de concocter nous-même une morale qui ne soit ni moutonnage passif face à la société ni égotisme destructeur.

Penny-Dreadful-Dorian-Gray.pngPar ailleurs, fidèle au roman fin de siècle, certains passages sont un peu longs, il faut bien le dire. Il me semble que cet excellent Portrait aurait pu rester une longue nouvelle comme c'était prévu initialement. Finalement, Oscar Wilde a intégré divers paragraphes sur la société londonienne victorienne - ainsi que quelques scènes de salons mondains ou dans les bas-fonds d'un théâtre miteux, d'une fumerie d'opium... Et puis, le plus délicieux (je suis à mi-chemin entre la sincérité et l'ironie) : le détail en un long chapitre de toutes les collections de Dorian Gray. Je n'ai pu m'empêcher de sourire en pensant à Des Esseintes dans A rebours de Huysmans. Mais qu'avaient donc ces écrivains à nous gratifier d'une telle liste par le menu ? L'amour esthétique des dandys décadents ne connait pas de limite à l'étalage de beauté ! (le côté embêtant, c'est que c'est rarement passionnant à lire sur la durée)

Malgré ce petit bémol (parce qu'il faut bien finir sur une note chafouine de temps en temps), j'ai vraiment beaucoup aimé ce roman ! Je traversais une période de vache maigre en matière de lecture ; tout me tombait des mains ; et Dorian Gray m'a sauvée ! Quel plaisir de rouvrir un livre à nouveau avec l'envie de le dévorer !

PS : Ceci est parfaitement futile mais... pour ceux qui ont regardé la 1er saison de Penny Dreadful, vous pensez quoi de l'acteur qui joue Dorian ? :D

 

Merci beaucoup à Manu pour ce cadeau lors de notre swap rock'n'roll.

 

Merci également à Guillaume Gallienne (si, si), dont l'émission sur France Inter est merveilleuse et qui m'a donné envie de lire ce roman en l'entendant le lire si parfaitement. Pour l'écouter à votre tour, c'est ici

 

challenge-des-100-livres-chez-bianca.jpgChallenge des 100 livres à avoir lus chez Bianca

15eme participation

 

 

 

 

challenge melange des genres.jpgChallenge mélange des genres chez Miss Léo

Catégorie Classique étranger

 

 

 

 

 

L'art dans tous ses états.jpgChallenge L'art dans tous ses états chez Shelbylee

5eme lecture

 

 

 

 

 

Challenge XIX.jpgChallenge XIXeme chez Fanny

7eme lecture

19/09/2014

Le bruit et la fureur de William Faulkner

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Le bruit et la fureur de William Faulkner, Folio, 2013 [1929 pour l'édition originale, 1972 pour la traduction française], traduction de Maurice-Edgar Coindreau, 372p.

Prix Nobel de Littérature 1959

 

Après quelques lectures contemporaines divertissantes pour le mois américain de Titine, j'ai pioché cette fois dans ma PAL LE roman du monstre sacré de la littérature américaine du XXe siècle. Un monstre sacré plutôt impressionnant, certes, dont on pressent que le titre phare ne se dévorera pas comme un roman de George R. R. Martin. Mais un monstre sacré passionnant, d'une richesse sans limite et dont on se délecte minutieusement de chaque mot. Un monstre sacré dont il n'est évidemment pas question de faire la critique. Il faudrait tout de même péter bien haut pour en avoir ne serait-ce que la futile ambition. Je vous ferai donc ici le récit de ma lecture et de mon ressenti, tout simplement.

"It is a tale told by an idiot, full of sound and fury, signifying nothing" : ainsi Shakespeare définit-il la vie dans Macbeth et ainsi Faulkner la réinvente-t-il dans son roman choral saisissant. Soyons clairs d'entrée de jeu : pour lire Le bruit et la fureur, il ne faut pas seulement aimer lire ; il faut aimer la littérature. Une distinction des plaisirs qui pourrait paraître condescendante - l'un semblant supérieur à l'autre - mais qui prend ici tout son sens. La lecture de ce roman est difficile et âpre, tant du point de vue du propos que du point de vue du style. L'auteur ne caresse aucunement son lecteur dans le sens du poil et s'emploie à malmener sa lecture d'un éclatement du temps et des voies narratives - voies narratives majoritairement exploitées sous l'angle du monologue intérieur, ce qui en rajoute une petite couche.

Nous pénétrons tout d'abord dans la conscience de Benjy, le frère idiot qui crie et ne parle pas. Tout chez lui défile au gré de la sensation presque animale. Nulle pensée articulée, nul fil conducteur d'un ressenti à un autre. Les phrases s'enchaînent du passé au présent, d'un évènement à un autre, en un défilement ininterrompu de songeries totalement elliptiques. J'avoue que plonger d'entrer de jeu dans une conscience aussi complexe, aussi erratique que celle-ci, a de quoi perturber. Il faut faire preuve d'une patience infinie et faire appel à la jouissance intellectuelle des styles alambiqués.
Quelques dix-huit ans plus tôt, c'est le monologue de Quentin, le frère aîné, jadis étudiant à Harvard et poussé à la noyade par le désespoir de voir sa sœur mariée ; puis celui, de retour en 1928, du cadet Jason, plein de haine et de rage ; enfin un narrateur extérieur à la diégèse prendra le relai pour nous conter le déferlement furieux, le bouillonnement final.

Le bruit et la fureur, c'est le drame d'une vieille famille du Sud infestée d'un lent abrutissement, d'une sensualité trop débordante et d'une envie sourde. L'édifice ancestral se fissure sous les coups d'un destin terriblement violent et Faulkner d'en livrer l'aperçu de l'enfer. Si cette succession de monologues intérieurs rend la lecture fastidieuse, elle exprime surtout toute la dureté de cette gangrène familiale et l'éclatement qu'elle provoque. Comme le dit Coindreau dans sa préface, le roman s'apparente à la fugue musicale où le thème ne cesse de se rejouer et de resserrer, ici jusqu'à l'étouffement. Le bruit et la fureur ne peut laisser indifférent. Il prend d'autant plus à la gorge qu'à l'image de la citation shakespearienne, il n'est pas question d'expliquer, de clarifier, de débroussailler ce monde pourrissant. Faulkner "se contente" (et tout est dans les guillemets) d'exposer avec la force brute de son talent ce nœud de vipères du sud. Que la littérature soit le lever de rideau sur l'absurdité et la violence d'un monde qui n'aurait le sens que d'alimenter sa propre décrépitude.
Et en parallèle, comme souvent chez Faulkner si j'ai bien compris les commentateurs de l'auteur (car c'est ici ma première lecture de son œuvre), on retrouve le tableau de la vie de Sud - ici dans la Mississippi précisément : le quotidien des noirs au services des familles antédiluviennes, les services religieux, les magasins des petites villes, la vie étudiante.

Lire Faulkner, c'est à la fois voyager dans un lieu et une époque particulière - ce Sud du début du XXème, plein encore des blessures de la Guerre de Sécession et au seuil d'une nouvelle ère, et s'immerger puissamment dans ce que la littérature a de plus intemporel - le génie du style éclatant. Une lecture dont je ne ressors clairement pas indemne, après laquelle je vais aussi clairement repasser à quelque de chose de plus léger, mais il est indéniable que je n'en ai pas fini avec Faulkner. Je le garde dans un coin de ma tête pour une prochaine période où je me sentirai d'attaque à un tel niveau de littérature.

 

challenge melangedesgenres1.jpgChallenge Mélange des genres chez Miss Léo

Catégorie Classique étranger

 

 

 

 

 

mois américain.jpgLe mois américain chez Titine

3eme lecture