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08/10/2012

Kingdom Come de Mark Waid et Alex Ross

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Kingdom Come de Mark Waid et Alex Ross, ed. Urban Comics, coll. DC Essentiels, 336p. 2012

 

Ok, je m'y connais à peu près autant en comics qu'en macramé et cette inculture va même jusqu'à ne jamais en avoir lu jusqu'à aujourd'hui. Néanmoins, cette histoire de super-héros de l'ancienne époque, reclus, dépassés et presque parias, supplantés par les nouveaux super-héros sans foi ni loi m'a rappelé ce roman de Neil Gaiman que j'ai adoré il y a quelques mois : American Gods. Dans ce dernier, il s'agissait de dieux, non de héros, mais de fait le propos se rejoint : d'une part parce que ce comics brosse effectivement une mythologie décadente des super-héros en marche vers le ragnarok, d'autre part parce que le fond de ce monde apparemment fantasmatique est un questionnement sur l'homme. A cet égard, je me permets (une fois n'est pas coutume) de vous citer un extrait de l'excellente préface de d'Elliot S. Maggin qui explique tout parfaitement :

"Dans les dernières lueurs du vingtième siècle, le super-héros, c'est Monsieur tout-le-monde.
Regardez comme nous vivons : nous parcourons la terre à une vitesse incroyable sans le moindre souci ; nous communiquons instantannément avec des gens aux quatre coins du globe ; nous manipulons l'économie, nous altérons l'environnement, nous accomplissons des merveilles. [...]
Dans l'histoire que vous tenez entre les mains, Mark Waid et Alex Ross nous expliquent que notre réponse à l'inexorable marche du progrès, qui nous a menés ici et maintenant dans l'histoire de la civilisation, consiste à y répondre de manière responsable. Pas avec modestie. Pas en perdant la conscience de ce que l'on est. Pas dans l'attente d'un pouvoir qui nous dépasse, et qui descendrait du ciel pour remettre les choses d'équerre en dépit de nos efforts pour tout foutre en l'air. Il est de notre devoir de savoir ce que nous sommes, où nous sommes, et ce que nous pouvons faire. Il est de notre devoir de comprendre les ramifications de nos actes, et de choisir d'agir, ou de ne pas agir, en gardant les yeux ouverts [...]
KINGDOM COME, [...] cela parle de l'instant dans la vie de Superman, Captain Marvel, Wonder Woman, Batman et tous les autres, où ils comprennent qu'ils ne sont des dieux. Cela parle de l'instant dans leur vie où ils apprennent enfin qu'en dépit de leurs limites, il ne doivent pas cesser d'être compétents et responsables. Et maintenant, voilà l'instant dans la vie de la race humaine im nous devons tous apprendre à faire la même chose.
Et voilà pourquoi cette histoire, sous ses atours colorés, est une histoire importante."

 

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Pour vous faire un pitch un peu plus développé et, surtout de ma plume. Tout commence par les visions destructrices du pasteur Norman McCay, orchestrées par l'Apocalypse selon Saint Jean. Une histoire de guerre acharnée et de jugement implacable. Guidé par un mystérieux ange de la mort anonyme, Norman va découvrir que ces visions n'ont rien d'une folie : elles sont bel et bien l'aperçu prophétique d'un affrontement entre les jeunes super-héros dépourvus de toutes mesures et de toutes notions de justice - qui s'affrontent en public, terrorisent et tuent les hommes - et les anciens héros, jadis chassés. Parmi eux, l'emblématique SuperMan qui s'était éloigné de Métropolis après la perte d'un procès face au dangereux Magog. Depuis il vit dans la plus complète solitude d'un ranch.
Pourtant, son esprit du Bien ne saura résisté à la détresse des humains et à l'appel de Wonder Woman à revenir dans la partie pour leur prêter main forte. En parallèle de cette Ligue de Justice, une autre organisation se met en place qui, tout en poursuivant le même but final, emprunte des chemins opposés. Une organisation dirigée par Lex Luthor et Batman...

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Je ne vous en dis pas plus, je pense que vous avez compris le principe. Pour une première lecture de comics, j'avoue en tout cas m'être totalement laissée prendre dans ce bouquin, tant par la forme : une histoire servie par un scénario extrêmement pointu et complexe qui ne ménage pas la concentration et un dessin d'une qualité hallucinante - que par le fond - dont je vous ai déjà abondamment parlé. Je ne m'attendais pas à un travail aussi soigné. Naïvement, je l'avoue, j'associais comics à "vieille BD pour trentenaires attardés". Je ne referais plus l'erreur d'un tel jugement à l'emporte pièce.

Très belle surprise de cette édition, en outre : non contente de réunir les 4 tomes de cette mini-série, elle offre également de nombreuses pages bonus à la fin avec interviews, croquis préparatoires, planches supplémentaires etc. Un petit bijou pour les passionnés du genre.

Décidément, une bien belle découverte !
Un seul regret : mais où est passé Spiderman ?! Ahhh je savais bien que les araignées, c'étaient des mauviettes !

 

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PS : Le livre est dédicacé à Christophe Reeve. Et de fait, on ne peut pas le rater...

 

01/10/2012

La ferme des animaux de George Orwell

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La ferme des animaux de George Orwell, 1945

 

A la solde de Mr Jones, les animaux de la ferme du Manoir n'ont pas une vie bien heureuse : beaucoup de travail, peu de nourriture et aucun temps libre. Mais les hommes, c'est bien connu, n'ont que faire du sort des bêtes. Pourtant, les animaux nourrissent l'espoir d'une liberté prochaine lorsque Sage l'Ancien, le plus vieux cochon de la ferme, leur raconte une vision où les animaux vivraient en parfaite harmonie et où le joug de l'homme serait aboli. Dès lors, le projet d'une révolte se forme puis se concrétise le 21 juin : Jones décampe et laisse les animaux livrés à eux-mêmes. Sage l'Ancien n'étant plus de ce monde, ce sont les cochons Napoléon et Boule de Neige qui prennent en main le nouveau régime.
Les premiers temps, tout semble fonctionner selon leurs aspirations : tous les animaux sont égaux, travaillent sans se tuer à la tâche, mangent à leur faim et jouissent de temps libre et de libre expression. Pourtant, cette utopie animalière va progressivement dégénérée jusqu'à mettre en lumière que certains animaux sont plus égaux que d'autres - et cela dans l'aveuglement le plus total de la troupe.

Encore une fois, Orwell me stupéfie par sa modernité et son affolante lucidité.
La ferme des animaux, vous l'aurez compris, n'a rien d'une historiette pour endormir les enfants. Il s'agit tout au contraire d'un apologue qui, sous les abords de la fable animalière, se donne pour objectif de réveiller les consciences. Ecrit avant 1984, il se lit également avec une plus grande facilité que ce dernier (le style et le volume de l'ouvrage l'expliquent) ; il véhicule néanmoins une thèse similaire: Une critique virulente du pouvoir stalinien, et plus largement de toutes dérives totalitaires post-révolutionnaires. Où l'on s'aperçoit que motivée par une volonté de changement, de mieux-être, de liberté, la révolution conduit insidieusement à reproduire un même schéma tout aussi asservissant. Il s'agit également d'une critique virulente des masses qui restent trop longtemps dans un aveuglement rangé, jusqu'à ne plus être en mesure de réagir.Bref, La ferme des animaux s'offre comme une reflexion ontologique sur la nature de l'homme, sur ses aspirations et sur ses dérives.

A lire, encore une fois, sans aucune modération et à mettre impérativement entre toutes les mains.

 

 

Classique-final-4.jpgChallenge Un classique par mois

Octobre 2012

 

20/09/2012

La caverne des idées de José Carlos Somoza

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La caverne des idées de José Carlos Somoza, ed. Actes Sud Babel, 2003, 346p.

 

Comme tout roman de Somoza -et celui-là étant le premier, il a ouvert le bal de la tradition-, l'histoire nous plonge dans une aventure sanglante et énigmatique : Tramaque, étudiant de l'Académie philosophique de Platon, est retrouvé mort à moitié dépecé dans Athènes. Parmi la foule indignée, un seul homme reste stoïque et concentré : Héraclès Pontor, le célèbre déchiffreur d'énigmes. Très rapidement, le lecteur comprend que ce n'est pas seulement pour son lien avec la mère du défunt que ce décès l'interpelle. C'est bien plutôt parce qu'il ne croit pas à l'attaque accidentelle de loups pendant une partie de chasse pour expliquer cette tragédie. C'est également pour cette raison que Diagoras, philosophe et mentor de Tramaque, engage Héraclès pour découvrir le fin mot de l'histoire - histoire qui va décidément rester sanglante et énigmatique jusqu'au bout.

Mais comme tout roman de Somoza, les choses ne s'arrêtent pas là. Il serait bien trop simple de réduire cet ouvrage à un "polar antique" - genre déjà suffisamment original en soi. L'auteur va plus loin et inclu en deuxième lecture l'omniprésence en bas de page d'un traducteur hypnotisé par son travail et progressivement plongé dans une aventure rocambolesque. Je ne vous mentirais pas : cela rend la lecture parfois fastidieuse : certaines notes sont particulièrement longues, il faut donc ensuite revenir en arrière pour reprendre le fil de l'enquête et ainsi de suite. MALGRE TOUT, que cela ne vous décourage pas ! Car comme tout roman de Somoza, je ne peux m'empêcher de refermer le livre en me disant que cet écrivain est fou d'imagination et de génie, que non seulement il parvient à créer des mondes surréalistes et uniques mais qu'en plus, il y distille une érudition étourdissante. Qui peut se targuer, en effet, d'avoir rédiger des livres qui soulèvent des questions cruciales concernant l'art, la philosophie, la poésie, Lovecraft et shakespeare, chaque fois avec brio ?

Ici, vous l'aurez deviné vu l'époque et les personnages, le propos touche à l'interaction, à la semblance et à la puissance de la fiction et de la pensée philosophique. Qui détient la vérité - qui, tout du moins, est le plus à même de s'en approcher ? La réponse de Somoza est sans appelle avec une chute magistrale à laquelle j'adhère parfaitement. Je vous laisserai seulement la découvrir et la savourer comme le mérite La caverne des idées, espèrant que ce petit flou final vous incite à courir dévorer l'ouvrage !

 

*

 

"Lire n'est pas réfléchir seul,c'est dialoguer. Mais le dialogue de la lecture est un dialogue platonique: ton interlocuteur est une idée. Cependant,ce n'est pas une idée figée: en dialoguant avec elle,tu la modifies, tu la fais tienne,tu en viens à croire en son existence indépendante."

 

 

72427108.pngChallenge Mythologies du monde

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