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20/05/2013

Siegfried d'Alex Alice

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Siegfried, trilogie d'Alex Alice inspirée des légendes nordiques et de l'opéra de Wagner, ed. Dargaud
Tome 1 - Siegfried, 2007
Tome 2 - La Walkyrie, 2009
Tome 3 - Le crépuscule des dieux, 2011


Il était une fois un anneau en or maudit forgé par les nains qui rendait ivre de pouvoir et fou son possesseur. Ainsi se plante le décor de cette saga scandinave ré-interprétée et étoffée par les germains au Moyen-âge (comme quoi, on sait où Tolkien a puisé son inspiration). L'anneau finit par consumer le nain Fafnir qui se transforme en dragon terrifiant, et par consumer du même coup son royaume souterrain. Mime, le forgeron, s'échappe et recueille sur son chemin d'exil un bébé dont les parents viennent d'être assassinés : Siegfried. Ils vivent de nombreuses années dans une obscure forêt loin de tous les mondes. Siegfried ignore les dieux et ignore le monde des hommes. C'est pour cette raison qu'il est le seul à pouvoir vaincre le dragon ; Odin lui-même n'y peut rien sans aller contre sa Loi. Ainsi devenu adulte et désireux de connaître ses origines, Siegfried entraîne Mime dans une quête de connaissance. Au bout du chemin, il le sait, il devra trouver les trois armes pour anéantir Fafnir.
Tandis que les dieux ont déserté la Terre Mère sur ordre d'Odin, seule une Walkyrie désobéit et suit les pas de Siegfried. Elle paiera le prix de son audace mais aidera grandement le héros dans sa quête de renouveau. Ainsi, lorsque Fafnir et les dieux ne seront plus viendra le temps des hommes.

J'ai adoré cette trilogie graphique ! Certes, friande de mythes nordiques, je partais avec un a priori positif - cela dit, je sais aussi à quel point les épopées peuvent être parfois ennuyeuses de redondance et de grandiloquence (spéciale dédicace à Wagner), j'y allais donc sur des oeufs. Et puis s'attaquer à une telle saga, il fallait avoir les c****** tout de même ! C'est comme envisager de mettre la Bible en BD : sacrément ambitieux. Et bien, Alex Alice réussit le tour de force d'en faire trois BD passionnantes et très originales. La progression structurelle correspond pratiquement aux opéras wagnériens et constitue chacun l'évolution dans un monde : Dans le premier, le lecteur suit Siegfried durant son enfance et son adolescence dans la forêt reculée, le second développe son voyage vers le dragon à travers le territoire de la sorcière et le monde des géants et le troisième, son combat dans le monde des ombres et l'avènement d'une nouvelle ère. Ce récit initiatique est ponctué d'épisodes divinatoires et de conversations du dieu Odin avec la Terre, cette épouse à la fois fragile et toute puissante. Le monde tel qu'il est est sur le déclin - car toute ère nait et périt un jour. On sent dans cette trilogie épique à la fois l'impuissance - car il y a toujours plus grand pouvoir que le sien - et l'espoir d'un nouveau souffle.
Graphiquement, Alex Alice, rend merveilleusement bien les différentes voix et les émotions des personnages à travers un découpage saccadé, un cadrage morcelé ou des chocs colorés. C'est à la fois un plaisir pour les yeux et une aventure pour les neurones. En refermant le dernier tome, j'ai eu envie d'en savoir plus sur cette légende passionnante et d'écouter les opéras de Wagner. Bon, je ne suis pas certaine d'arriver à bout des 3000h de vocalises (qui cela dit, retranscrivent très bien l'univers de la saga, je trouve) mais de manière générale, j'aime lorsqu'un livre ou une BD me donne envie de pousser plus loin la découverte, de continuer le voyage.4

Un grand merci à Ayma qui m'en a offert le 1er tome lors du swap Dieux et Démons !

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PS : J'en profite pour vous glisser que je pars demain encadrer un voyage scolaire avec des 1ere déchaînées (youpla boom) pendant quelques jours. Soutenez-moi par la pensée! De retour sur le blog vendredi et entre temps, je lancerai la publication d'une proposition de lecture commune. Bonne semaine à vous et bonnes lectures !

02/05/2013

La source cachée de Hella S. Haasse

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La source cachée de Hella S. Haasse, ed. Actes Sud, coll. Babel, 2000, 140p.

 

Un été 1937 dans la campagne néerlandaise, Jurjen Siebeling se retire dans une mystérieuse maison familiale pour une période de convalescence. Littéralement envahie de feuilles et de roses, la bâtisse depuis longtemps laissée à l'abandon semble vivre et respirer, exhale un souffle hypnotique qui subjugue rapidement le scientifique. Il se laisse porter par l'atmosphère des lieux et se prend à rêver à cette Eline disparue depuis longtemps, passionnée de dessin et à la recherche d'un absolu fascinant. Il rencontre également le docteur Meindertz, qui tente de saisir encore des bribes d'Eline dans cette vaste demeure. Au fil de leurs discussions et de leurs pérégrinations où chacun est seul, toujours, l'intériorité de Jurjen se déploie en même temps que la végétation et tandis qu'il s'enfonce dans les jardins, il creuse ses aspirations et décortique les frustrations de son mariage avec Rina.

Quelle étrange surprise ! J'avais acheté ce petit livre chez un bouquiniste il y a longtemps et l'avais totalement oublié dans les méandres de ma PAL (qui semble devenir aussi touffue que la maison de Breskel). Et puis, comme toujours, c'est lorsqu'on a mille bouquins parmi lesquels choisir qu'on ne sait pas quoi lire. J'ai donc sorti méticuleusement plusieurs piles de livres qui ne m'inspiraient pas sur l'instant pour retrouver ce petit opuscule à la couverture peu engageante (il faut bien le dire, Actes Sud n'a pas été très inspiré sur ce coup là) mais dont les premières pages m'ont littéralement hâppée.

La plume de Hella Haasse m'a évoqué celle de Zweig dans ce déploiement luxuriant, raffiné et si ciselé du verbe. Elle brosse un tableau romantique et énigmatique où l'homme et la nature se confondent et se perdent. La nature devient l'incarnation de cet absolu auquel l'esprit l'humain aspire si ardemment, jusqu'à s'y brûler comme le frêle papillon. Eline et Jurjen sont de ces âmes folles qui cherchent le sublime dans l'existence et souffrent de ne pouvoir ni l'atteindre ni l'exprimer justement. L'art qu'ils tentent modestement d'user leur semble vain, insignifiant. Ils peinent de ne pouvoir posséder le génie suffisant à l'expression d'un souffle qui les dépasse.

De cette thématique pleinement dix-neuvièmiste, l'auteur tire en même temps le fil de la quête de soi. Jurjen n'est pas heureux en ménage. Sa femme Rina, la fille d'Eline pourtant, est particulièrement froide, mesurée, réfléchie. Elle ne comprend pas et réprime même les élans romantiques de son mari qu'elle juge avec mépris. Comment évoluer dès lors dans ce couple et comment se fait-il que Rina soit si différente de sa mère ? Petit à petit, la maison et ses vieux papiers lèvent le voile sur ce mystère.

Que vous dire si ce n'est que ce livre est absolument magnifique ? Il emporte, résonne, brille et fascine. Survolant nombre de clichés littéraires, Hella Haasse conte un récit d'une grande virtuosité méditative qui se lit avec délectation au petit matin, en écoutant les premiers oiseaux du jour.

J'ai eu une pensée toute particulière pour Laure en le savourant : je suis sûre que ce livre est fait pour toi ;)

 

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Monet, Jardin à Giverny

22/03/2013

Daytripper de Fabio Moon et Gabriel Ba

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Daytripper de Fabio Moon et Gabriel Ba, ed. Urban Comics, coll. Vertigo Deluxe, 2012, 256p.

 

C'est l'histoire de Bras de Olivas Domingos ; ou devrais-je dire les histoires. Car chaque étape de la vie renferme en elle-même une histoire brillante et particulière dont on peut tirer un enseignement. Après laquelle, même, on pourrait mourir ?

Bras travaille à la rubrique nécrologique d'un journal. Il rend hommage chaque jour à mille et un défunts - en somme, il vit avec la mort. Le reste du temps, il aspire à devenir écrivain comme son père, le célèbre Benedito et rêve que sa vie prend une autre tournure.
Au fil des pages, le lecteur découvre une période différente de la vie de Bras dans un ordre aléatoire mais toujours plein de sens dans son évolution. Au terme d'un évènement majeur, Bras imagine chaque fois sa mort et sa chronique nécrologique - une manière de former le cercle de la vie sur cet épisode, de fermer la boucle et de repartir. Et la vie comme une infinité de boucles.

Lorsque j'ai choisi cette BD sur Priceminister à l'occasion du salon d'Angoulême, je m'attendais à quelque chose de chouette. En fait, c'est carrément un bijou ! L'objet en lui-même déjà est vraiment soigné et d'une épaisseur qui promet un voyage au long cours. Quand je l'ai eu en main, j'ai été vraiment surprise par une tel finition. Et puis, le contenu... Que vous dire ! C'est à la fois poétique et d'une lucidité qui érafle. Plus je pénétrais dans l'univers de Bras, plus je me disais que sa vie pourrait être celle de tout le monde, c'est en fait notre histoire ces fameux moments clés dont on ne ressort jamais vraiment indemne. Et puis plus j'avançais dans ma lecture, plus j'avais le coeur serré - c'est rare que je ressente ça pour une BD mais celle-ci était vraiment émouvante et vraie. On ressent quelque chose d'authentique qui touche immédiatement.

Une surprise totale et géniale ! Je ne regrette vraiment pas mon choix (j'en suis à combien de vraiment dans cette chronique là ? Non mais c'est parce que la BD est vraiment bien hein) et je vous conseille sans retenue de vous lancer dedans !

Par ici, la chronique de Natiora qui a été aussi emballée que moi.

Et pour la suivre sur la voie de la sagesse, je lui mettrais également la note de 20/20. Un grand merci à Priceminister pour cette découverte à l'occasion de La BD fait son festival.

 

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