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25/06/2012

Ce qu'il advint du sauvage blanc de François Garde

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Ce qu'il advint du sauvage blanc de François Garde, ed. Gallimard, Coll. Blanche, 2012, 327p.

Prix Goncourt du premier roman 2012

 

 

Imaginez l'angoisse de vous découvrir seul sur une île perdue et inexplorée. C'est l'émotion qui envahit Narcisse Pelletier lorsque, rentrant d'une marche dans les terres à la recherche d'eau potable, il s'aperçoit que tout l'équipage du navire sur lequel il est mousse est parti sans lui. Narcisse se rassure, se perduade qu'il apercevra à nouveau le bateau à l'horizon prochainement.
Il n'en verra plus pendant dix-huit ans.
C'est d'abord la solitude, la perte, la faim puis, plus terrible encore, la soif qui le torture.
Au bord de la mort, une vieille indigène le sustente dans un silence à la fois glacial et réconfortant puis Narcisse rejoint sur ses talons une tribu aux moeurs inconnues. Peu à peu, il comprend que cette tribu est la clé de sa survie puis de sa vie tout court et tandis que se décousent ses souvenirs de France et des mers, se tissent une nouvelle existence de sauvage blanc.

En parallèle de ce récit, nous lisons les lettres d'Octave de Vallombrun à l'adresse du Président de la Société française de Géographie. Jeune géographe aux velléités d'aventures, il n'a fait jusqu'ici que de piètres découvertes et s'est révélé de piètre constitution. Lors d'une soirée, il rencontre celui qu'on appelle le "sauvage blanc", recueilli par un navire anglais tandis qu'il ramassait nu des coquillages sur une île reculée. Il apparait que cet inconnu réagit aux sons de la langue française et c'est donc à Octave qu'il sera confié en vue d'être rééduqué à la civilisation et ramené chez lui. En vue, également, de faire avancer les connaissances scientifiques sur les tribus indigènes du Pacifique.

 

Ce qu'il advint du sauvage blanc est une sacrée surprise pour moi, fort peu attirée de base par les robinsonnades, et un sacrément bon premier roman (le Goncourt n'est pas volé). Toute la finesse réside dans cette construction narrative alternée qui développe ainsi une double évolution anthropologique : Déconstruire puis reconstruire - chaque fois en faisant appel à l'absolue nécessité de la survie.
Point en effet de récit sur une volonté de Narcisse d'imposer ses us et coutumes, ni auprès de la tribu qui le recueille, ni auprès d'Octave. A chaque nouvelle vie, il se dépouille, non sans difficulté mais avec une résignation intégrée, de sa peau précédente. Il se soumet aux exigences du vivre.
C'est le premier point que je relève de cette lecture : la pregnance du biologique, de l'instinct de survie sur tout autre considération. Avant tout des bêtes, faim et soif président à notre destinée où pudeur et phrasé abdiquent rapidement.

On saisit aussi grâce à cette alternance de propos toute l'incongruité de l'opposition civilisé/sauvage. Vivre nu sans pudeur ni confort marque-t-il la sauvagerie quand il marque aussi et surtout une adéquation à la nature et acceptation de l'autre et du présent ? La science, le progrès et la bonne volonté marquent-ils la civilisation quand il semble compliqué d'envisager la moindre différence comme valable ? L'auteur se garde bien d'apporter à ces questions des réponses trop simples et certainement pas plus convaincantes car aussi manichéennes que les certitudes du siècle dernier mais pose question à travers sa plume et l'expérience commune de Narcisse et Octave.

Enfin, je n'ai pas pu m'empêcher de sourire à la fin du roman lorsque point la petite réflexion sur le travail d'écrivain à travers un aphorisme de Narcisse. Tandis qu'Octave tente une ultime fois que lui faire raconter son expérience insulaire, il lui répond simplement "Parler, c'est comme mourir". Qu'en penser, alors, de l'écriture ?

Bref, un roman à plusieurs niveaux de réflexion, profond, ciselé, parfaitement écrit. Un plaisir de lecture comme un plaisir des neurones - bref, un roman comme j'aime à en découvrir !

 

18/06/2012

Lundi graphique : Petites curiosités dix-neuvièmistes

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La Chambre de Lautréamont d'Edith et Corcal, ed Futuropolis, 2012, 126p.

 

Rien de tel pour créer une aura de mystère et annoncer la tonalité particulière d'une oeuvre que de la mythifier. C'est le parti qu'on pris Edith et Corcal pour cette excellente BD en montant de toute pièce un bobard délicieux sur sa prétendue redécouverte et son statut de premier roman graphique datant de 1874, avec préface d'éditeur et postface d'universitaire pour étayer le tout.
Vous l'aurez compris, La chambre de Lautréamont pose une ambiance particulière, fait voyager dans le temps et aux frontières du réel.

Il brosse le récit sensément autobiographie d'Auguste Bretagne, écrivaillon de romans feuilleton et membres de divers cercles littéraires parisiens dont les zutistes. Il y fréquente les frères Cros, Rimbaud, et Emily, une belle jeune poétesse avec qui il entretient une relation. Il collectionne tout un tas d'objets étranges voire macabres, qui ne sont d'ailleurs pas du goût de cette dernière. Ils sont pourtant son inspiration, son univers. Il confie un soir à Emily que la pièce majeure de ce cabinet de curiosité est la chambre elle-même : elle n'est autre que celle dans laquelle a vécu et est décédé Isidore Ducasse dit Comte de Lautréamont. S'y trouve encore son piano. Et cette chambre et ce piano recellent encore quelques secrets qui, mis à jour, participent à la légende de cet auteur fulgurant, maladif et ô combien talentueux.

J'ai beaucoup apprécié cette BD pleine d'originalité. Avec un dessin arrondi et crayonné à loisir et des coloris en demi-teintes, on a l'impression de dérouler un vieil album jauni et de se promener dans la brume parisienne des artistes maudits. Le scénario, quant à lui, d'une piquante originalité - des allers et venus dans le temps, le mélange entre autobiographie supposée et genèse d'une création - apporte une modernité décoiffante à toute cette ambiance surannée. Bref, j'ai aimé me promener entre le volontairement désuet et le parfaitement contemporain, avec toujours cette petite question en suspens jusqu'à la fin : était-ce donc vrai ? (Cette sensation étant appuyée par la véracité effective de certains éléments).

Je vous encourage vivement à la découvrir !

 

 

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Nietzsche - se créer liberté de M. Leroy et M. Onfray, ed. Le Lombard, 127p.

 

Décidément, Michel Onfray et Nietzsche, c'est la grosse histoire d'amour intellectuelle ! Non content d'en brasser la vie et la pensée dans ces ouvrages de philosophie, il collabore ici avec le jeune dessinateur Maximilien Le Roy pour nous en offrir une biographie graphique.
J'avoue avoir été très intriguée par cette BD tant le projet me semblait délicat ! Mettre La pensée d'un philosophe en dessin sans verser dans l'anecdotique de quelques évènements de sa vie n'était pas un pari gagné d'avance.

Et bien, force est de constater que j'ai été agréablement surprise! Les instants de vie relatés font sens dans la progression de pensée du philosophe et ne sont pas délayer arbitrairement. Les parties d'expositions théoriques sont mis en scène la plupart du temps sous forme de dialogues, ce qui rend l'ensemble interactif et des plus digestes. Onfray est parvenu à vulgariser suffisamment la chose pour nous la rendre aisément compréhensible (non parce que, sinon, Nietzsche, c'est un peu du japonais pour moi malgré mes efforts) sans pour autant trop simplifier le propos. Il passe notamment un certain temps à nous expliquer l'influence de Schopenhaeur sur sa pensée ainsi qu'à démêler l'idée fausse selon laquelle Nietzsche serait antisémite.

Dans la rubrique graphique (puisque nous parlons tout de même de BD, diantre), Le Roy est un dessinateur en herbe d'un sacré talent ! Des dessins léchés, vifs, surprenants, parfois sombres et surtout parfaitement maitrisés. J'ai vraiment adoré ! A suivre assurément.

 

 

 

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09/06/2012

Chi de Konami Kanata, le petit chat qui fait du bien !

 

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Chi de KONAMI Kanata, ed. Glénat.

 

Petite Chi est perdue : à trop s'émerveiller de tout, elle en a oublié de suivre sa maman et la voilà seule. Tandis qu'elle sanglote, elle tombe nez à nez avec un petit garçon qui sanglote aussi. Ni une ni deux, la voilà adoptée chez lui, complètement gaga face à sa bouille mignonne et à ses bêtises. Tout n'est pas simple néanmoins : les chats sont normalement interdit dans l'appartement de cette nouvelle famille. Il faudra donc redoubler d'imagination pour la cacher pendant près de 3 tomes avant qu'ils ne déménagent dans un logement plus propice.

Je ne suis pas une fan de manga, jusqu'alors je n'en ai même jamais trouvé un qui trouve grâce à mes yeux (et cela pour une raison qui m'est inconnue, c'est pas faute d'essayer pourtant). Mais j'ai tout simplement craqué sur Chi, manga pour enfant drôle et croquant à souhait. Construit en petites scénettes qui relatent le quotidien de cette chatoune dans sa nouvelle famille, je n'ai pas pu m'empêcher de sourire à chaque page de chaque tome tant l'auteur a brossé parfaitement cet animal merveilleux. De l'apprentissage de la propreté, en passant par les jeux, les comportements mi-caractériels, mi-surprenants, les moments de tendresses et les balades, tout y est et c'est exactement ça !

Pour tous les amoureux des chats, craquez sur Chi, vous ne serez pas déçus !

 

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5/5