11/10/2012
Apportez-moi la tête du prince charmant de Roger Zelazny et Robert Sheckley
Apportez-moi la tête du prince charmant de Roger Zelazny et Robert Sheckley (Tome 1 du Concours du Millénaire), ed. Folio SF, 328p.
Le premier millénaire après Jésus-Christ approche et les forces surnaturelles sont en ébullition : A cette occasion doit avoir lieu un concours entre le Bien et le Mal pour déterminer lequel des deux camps mènera la danse des hommes pour les mille ans à venir. Tandis qu'il raccompagne sur Terre une âme égarée en Enfer par erreur (ça arrive), le démon Azzie a l'idée lumineuse qui pourrait faire remporter la partie à son camp : reconstituer morceau par morceau deux personnages emblématiques des contes de fées, le prince Charmant et la princesse Scarlet, et leur faire jouer une parodie de conte sensée se finir fort mal et ainsi démontrer la nature maligne des hommes. Ni une ni deux, son projet est accepté par les hautes autorités démoniaques et le voilà près de Augsbourg en compagnie de son valet bossu Frike et de la sorcière Ylith pour mettre le plan à exécution.
Dans ma quête actuelle au royaume de la Fantasy, ce livre m'a été suggéré par une bonne âme de hasard qui m'avait dit l'avoir trouvé "bien fendar". Il se trouve que je suis bon public et qu'en prime, dès qu'il s'agit de détourner les contes et légendes, je suis toujours partante ; j'ai donc sauté sur l'occaz - ou plutôt dessus à la biblio afin de parfaire mon inculture du genre. Et bien, je vais vous dire, grand bien m'en a pris de ne pas l'acheter parce que concrètement... c'est quand même un peu nul.
Je m'explique.
Les personnages, tout d'abord, sont caricaturaux dans le mauvais sens du terme. Le coup du démon à tête de renard, la sorcière qui apparaît à moitié à poil, le valet bossu - oui bon, ok. Vu, vu et revu.
Le propos ensuite, qui m'avait fort séduite sur le principe, est super mal traité : l'intrigue met mille ans (aha) à décoller pour se finir en queue de cerise complètement bâclée. Si encore le reste était passionnant... Mais même pas hein. On se perd en petits évènements sensés créer du rebondissement dans la mise en place du projet démoniaque qui ne créent concrètement rien du tout si ce n'est une perte de temps et une latence aussi creuse que mon estomac quand j'ai sauté le pti déj.
Le syncrétisme des croyances enfin, n'est que prétexte à gros foutoir. Il ne véhicule rien d'un peu profond comme chez Gaiman. Les auteurs se sont visiblement simplement amusés à piocher ce qui leur venait sous la main - parfois Hermès, parfois un archange, et pourquoi pas Ansel et Gretel - pour en fait un ramassis de n'importe quoi. Dans la même lignée, ils se sont acharnés à faire de l'Enfer l'archétype d'une administration bouchée dont on ne tire rien de bon - ce qui aurait pu être drôle mais ne l'est plus très rapidement. De manière générale, la conclusion que je pourrais faire de cette lecture, c'est qu'il ne suffit pas de mélanger diverses influences et d'en faire un beau bordel pour faire quelque chose de drôle et d'original. Ce sont là deux choses différentes. Visiblement, les auteurs sont passés à côté de cette évidence.
Sinon, oui, ça se lit. Très facilement même, puisque pour poursuivre dans ma lignée critique, le style est d'un niveau assez bas (problème de traduction ou pas, je ne saurais dire, l'ayant lu en VF). S'il ne vous reste que trois neurones opérationnels le soir comme c'était mon cas cette semaine, cela vous permettra de vous endormir tranquillement sans trop vous prendre la tête. Dans des conditions intellectuelles plus fiables, je vous conseille d'éviter : vous repaireriez trop vite la mauvaise qualité de l'ouvrage.
(Et paf, le chien)
Challenge Mythologies du monde
5
09:03 Publié dans Challenge, Littérature anglophone, SF/Fantasy | Lien permanent | Commentaires (2)
01/10/2012
La ferme des animaux de George Orwell
La ferme des animaux de George Orwell, 1945
A la solde de Mr Jones, les animaux de la ferme du Manoir n'ont pas une vie bien heureuse : beaucoup de travail, peu de nourriture et aucun temps libre. Mais les hommes, c'est bien connu, n'ont que faire du sort des bêtes. Pourtant, les animaux nourrissent l'espoir d'une liberté prochaine lorsque Sage l'Ancien, le plus vieux cochon de la ferme, leur raconte une vision où les animaux vivraient en parfaite harmonie et où le joug de l'homme serait aboli. Dès lors, le projet d'une révolte se forme puis se concrétise le 21 juin : Jones décampe et laisse les animaux livrés à eux-mêmes. Sage l'Ancien n'étant plus de ce monde, ce sont les cochons Napoléon et Boule de Neige qui prennent en main le nouveau régime.
Les premiers temps, tout semble fonctionner selon leurs aspirations : tous les animaux sont égaux, travaillent sans se tuer à la tâche, mangent à leur faim et jouissent de temps libre et de libre expression. Pourtant, cette utopie animalière va progressivement dégénérée jusqu'à mettre en lumière que certains animaux sont plus égaux que d'autres - et cela dans l'aveuglement le plus total de la troupe.
Encore une fois, Orwell me stupéfie par sa modernité et son affolante lucidité.
La ferme des animaux, vous l'aurez compris, n'a rien d'une historiette pour endormir les enfants. Il s'agit tout au contraire d'un apologue qui, sous les abords de la fable animalière, se donne pour objectif de réveiller les consciences. Ecrit avant 1984, il se lit également avec une plus grande facilité que ce dernier (le style et le volume de l'ouvrage l'expliquent) ; il véhicule néanmoins une thèse similaire: Une critique virulente du pouvoir stalinien, et plus largement de toutes dérives totalitaires post-révolutionnaires. Où l'on s'aperçoit que motivée par une volonté de changement, de mieux-être, de liberté, la révolution conduit insidieusement à reproduire un même schéma tout aussi asservissant. Il s'agit également d'une critique virulente des masses qui restent trop longtemps dans un aveuglement rangé, jusqu'à ne plus être en mesure de réagir.Bref, La ferme des animaux s'offre comme une reflexion ontologique sur la nature de l'homme, sur ses aspirations et sur ses dérives.
A lire, encore une fois, sans aucune modération et à mettre impérativement entre toutes les mains.
Challenge Un classique par mois
Octobre 2012
09:00 Publié dans Challenge, Classiques, Coups de coeur, Littérature anglophone, Réflexion | Lien permanent | Commentaires (1)
24/09/2012
C. de Tom McCarthy
C. de Tom McCarthy, ed. de L'olivier, 2012, 430p.
Il était une fois un titre sybillin qui m'interpella sur une table de bibliothèque. Au milieu de toutes les grosses affiches de la rentrée littéraire, ce titre-là me sembla facétieux, étrange : en bref, à part. La quatrième de couverture évoquait le nom du protagoniste : Carrefax ; la substance qu'il affectionne un peu trop : la cocaïne ; l'obsession du père : la communication. Ni une ni deux, je l'attaquai le soir même.
C. nous embarque aux côtés du Dr Learmont appelé à la propriété labyrinthique des Carrefax pour y accoucher la maîtresse des lieux. C'est Serge qui viendra au monde ce soir-là, après Sophie, son aînée de trois ans. Il grandit dans une famille à l'esprit ailleurs, chacun obnubilé par ses propres obsessions : La mère éthérée et sourde, passe son temps avec les vers à soie comme dans un monde flottant - à l'image du regard voilé de Serge. Le père ne jure que par la prévalence de la parole et s'acharne à enseigner l'art du langage à de jeunes sourds dans une école de sa création. En même temps, il bricole tout un tas d'inventions et de théorie sur la communication. Quant à Sophie, ce sont les sciences naturelles qui l'occuperont jours et nuit jusqu'à sa mort suspecte.
Et Serge, sur ce terrain, grandit cahin caha, non sans quelques petits soucis psychosomatiques qu'il résoudra miraculeusement en cure thermale.
Fort de cette renaissance inattendue, il s'engagera dans l'armée pendant la première guerre mondiale, cherchera la voix des morts, partira en Egypte pour une expédition de premier plan et finira on ne sait trop comment dans un délire hallucinatoire étourdissant.
Alors là, je suis franchement embêtée : vous savez, le genre d'embêtement qu'on ressent lorsqu'on sent bien qu'il y a quelque chose dans le bouquin, un bout de talent, une sacrée d'originalité mais qu'on reste en dehors tout le long des pages.
Je suis persuadée que C. est un ouvrage de qualité : Il présente un découpage énigmatique sous forme d'épisodes morcelés mais cache pourtant un livre et un personnage cohérents, complets et d'une belle profondeur ; une plume originale et de qualité ; de l'érudition ni vu ni connu j't'embrouille en distillant des morceaux choisis de grands auteurs (également appelé plagiat aha). Je pourrais citer encore d'autres arguments mais vous aurez saisi le principal : Tom McCarthy est un bon écrivain et son livre est de qualité.
Sauf que ces qualités me sont royalement passées au dessus des neurones et que je n'ai absolument pas été transportée par cette lecture. Strictement rien ne s'est passé dans les tripes : j'ai même failli arrêter à plusieurs reprises tant je m'ennuyais parfois. A la vérité, j'ai trouvé le livre parfaitement vain. Peut-être n'était-ce pas le moment de m'y plonger ? Peut-être y a-t-il un brin de prétention et d'artifice trop flagrants dans cette fameuse "originalité" ? Allez savoir. Toujours est-il que pour le coup, c'est une déception, moi qui attendait tant de cet "écrivain exceptionnel, agitateur littéraire".
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Challenge de la rentrée littéraire 2012
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08:58 Publié dans Challenge, Littérature anglophone | Lien permanent | Commentaires (1)