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24/02/2014

Auprès de moi toujours de Kazuo Ishiguro

Auprès de moi toujours.jpg
Auprès de moi toujours de Kazuo Ishiguro, Folio, 2008, 441p.

 

Dans un temps qui pourrait très bien être le nôtre, de jeunes enfants sont voués à une éducation d'élite - parmi lesquels nos trois protagonistes : Kathy, Ruth et Tommy. L'école de Hailsham propose toutes sortes d'activités pour les épanouir. L'art, tout particulièrement, tient une place de choix pour leur permettre de s'exprimer en toute liberté. Ils sont également encouragés à l'autonomie et la responsabilité dans cette vie profondément communautaire. Pourtant, quelque chose cloche : cette éducation se pratique en vase clos. En dehors des gardiens (quel nom étrange pour des professeurs, n'est-ce pas?), les enfants ne côtoient personne et ne sortent jamais. Nulle visite si ce n'est celle de Madame qui collecte leurs plus belles créations pour sa galerie. Et pourquoi tant de règles et de secrets distillés au compte goutte ? Il faut dire que ces enfants, qui deviendront adolescents aux Cottages (deuxième partie du roman) puis adultes (troisième partie, donc), sont destinés à une vie très particulière. Un sacerdoce, en somme, décidé dès leur venue au monde, et auquel ils ne peuvent se soustraire.

J'ai fait le choix de ne pas en dire trop sur l'histoire du roman puisque le secret en est un des ressors. Vous savez donc juste qu'il y a un secret - ce que vous comprendrez de toute façon très tôt. Pour le reste, je ne souhaite pas trop spoiler pour vous laisser l'entière découverte !
Alors voyons... J'ai parcouru énormément de blogs à propos de ce livre pour prendre le pouls de différents avis et force est de constater que, comme peu de bouquins, celui-ci fait l'unanimité. Mais vraiment. Je n'ai même pas trouvé un avis un peu mitigé ; que des éloges à foison (et pour l'auteur de manière générale d'ailleurs, tous titres confondus). Ce qui me conduit donc à être sacrément embêtée et plutôt interrogative : j'avoue ne pas avoir accroché et du coup, je me pose la question fatidique "à côté de quoi suis-je donc passée ?!"


J'ai remarqué que reviennent souvent des mentions concernant son style de qualité et le fait que la progression narrative agit comme un page turner tout le long du roman. Pour le coup, je suis complètement à l'opposé de ces avis. J'avoue que le style m'a semblé plutôt fade et plat. Pas mauvais du tout hein, mais vraiment sans plus. Quant à la progression narrative, autant être franche : je me suis terriblement ennuyée. Autant je n'ai rien contre les romans qui ne "racontent rien", disons, les romans qui ne se basent pas sur des enchaînements de péripéties, autant là, j'ai eu l'impression qu'on filait de digressions en digressions sans intérêt et fréquemment, je me suis demandée "what's the fucking point ?!".

En fait, la problématique que l'auteur soulève m'intéresse beaucoup et j'ai d'ailleurs beaucoup plus accroché à la troisième partie précisément parce qu'elle est plus exploitée, qu'on rentre beaucoup plus dans le vif de ce sujet épineux et tellement d'actualité. Mais pourquoi l'avoir empoigné d'un point de vue aussi anecdotique quasiment tout le long du livre ? Je n'ai pas compris. Peut-être n'ai-je tout simplement pas été sensible à la toile d'émotions et de sentiments qui lient les trois personnages qui, tous, m'ont fait passer de l'énervement à la mièvrerie la plus déconfite. Ça ne m'a pas touchée un brin. Sur ce coup là, je suis ennui et cœur de glace.

Point positif tout de même : j'ai par contre très envie de visionner le film ; la bande annonce m'a séduite ! Wait and see, donc !

Merci beaucoup à ma copine Manu de m'avoir permis cette découverte grâce à son cadeau lors du Rock'n'Swap. Je vous invite à lire sa chronique d'ailleurs, autrement plus enthousiaste que la mienne !

 

 

20/02/2014

La poésie du jeudi avec Joséphine Bacon

Poésie jeudi.jpgPour ce nouveau jeudi poétique, je vous propose la découverte de Joséphine Bacon, poète innue et québécoise. Sa poésie, qu'elle écrit dans les deux langues français et innu, s'imprègne de sa culture amérindienne d'origine. Ainsi le titre du recueil dont est extrait le morceau d'aujourd'hui, Bâtons à message / Tshissinuatshitakana, publié en 2009, évoque les repères marqués qui permettaient aux nomades de s'orienter dans les terres sauvages et de retrouver leur voie. En l'occurrence, et par un joli parallèle aussi métaphorique qu'homophonique, c'est la voix de sa nation que Joséphine Bacon propose de retrouver à travers l'écriture littéraire.

Belle découverte et bon jeudi poétique à tous !

 

 

Le Nord m’interpelle

 

Ce départ nous mène
vers d’autres directions
aux couleurs des quatre nations :
blanche, l’eau
jaune, le feu
rouge, la colère
noir, cet inconnu
où réfléchit le mystère.

Cela fait des années que je ne calcule plus,
ma naissance ne vient pas d’un baptême
mais plutôt d’un seul mot.

Sommes-nous si loin
de la montagne à gravir ?

Nos sœurs de l’Est, de l’Ouest,
du Sud et du Nord
chantent-elles l’incantation
qui les guérira de la douleur
meurtrière de l’identité ?
Notre race se relèvera-t-elle
de l’abîme de sa passion ?

Je dis aux chaînes du cercle :
Libérez les rêves,
comblez les vies inachevées,
poursuivez le courant de la rivière,
dans ce monde multiple,
accommodez le songe.

Le passage d’hier à demain
devient aujourd’hui
l’unique parole
de ma sœur,
la terre.

Seul le tonnerre absout
une vie vécue.

 

 

17/02/2014

La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette

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La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette, dans toutes les éditions de poche que vous voudrez, 1678, 180p. grosso modo (ouais, aujourd'hui, je le fais à la louche)

 

Résumer La Princesse de Clèves apparait plutôt périlleux puisque, avouons-le, il ne se passe techniquement pas graaaand chose. C'est sans doute bien ce qui rebute beaucoup de monde d'ailleurs. On sait tous que le roman relate une passion amoureuse qui ne se concrétise jamais et, disant cela, on a à peu près tout dit. Mais à peu près seulement. Car s'il n'est effectivement pas question d'aller de péripétie en péripétie et de tourner frénétiquement les pages, La Princesse de Clèves est tout de même bien plus que ce piètre raccourci contemporain.

Il faut dire, tout d'abord, qu'il nous promène sous le règne d'Henri II, au début de XVIème siècle. Madame de Lafayette fait revivre une époque et la cohorte d'intrigues de cour qui s'y rapporte avec faste et beauté : il ne sied pas, en effet, de présenter une cour autrement qu'en la montrant magnifique. Ainsi donc, en parallèle de la passion entre Madame de Clèves et le Duc de Nemours, le lecteur découvre un nombre incalculable d'affaires entre divers personnages. Qu'il s'agisse d'une lettre volée au Vidame de Chartres qui met en péril son honneur et celle d'une maîtresse ou bien de l'intrigante influence de la duchesse de Valentinois sur le Roi lui-même, tout n'est qu'amour, gloire et beauté (oui oui). Pour apprécier La Princesse de Clèves, il faut donc avoir deux affinités nécessaires : d'une part, un fort penchant pour l'histoire et ses méandres (sans quoi, un certain nombre de passages apparaîtront comme de fastidieuses digressions), d'autres part, apprécier cette vie parallèle qui s'inscrit en contre-point de l'apparence de la cour où tout se joue à coup de non-dits, de courriers secrets, de confidences et de rendez-vous dérobés (Il y a quelque chose des Liaisons Dangereuses avant l'heure, le machiavélisme et la réflexion sur un nécessaire juste milieu en moins)

Ces points posés, Madame de Lafayette expose tant une réalité qu'un point de vue particulièrement pessimiste sur le sentiment amoureux. La Princesse de Clèves est déjà mariée lorsqu'elle rencontre le Duc de Nemours et, malgré une passion qui les saisit tous deux, il n'est pas envisageable pour elle de s'y laisser aller. Telle est la réalité : céder, à cette époque, c'est perdre son honneur. Tandis qu'une femme moins vertueuse aurait eu moins de scrupules sur ce point, jugeant, selon le vieil adage, que "ni vu ni connu, j't'embrouille", Madame de Clèves fait preuve d'une droiture d'esprit qui ne lui permet pas le mensonge. En outre, que nous dit-on de l'amour : qu'il envahit, qu'il affaiblit et déroute. Que, n'étant plus maître de soi, l'être est à la merci de ce qu'il ressent. La jalousie, surtout, est le dommage collatéral le plus abject et le plus inévitable de la passion amoureuse. Et c'est précisément cette jalousie qui tue - au sens propre du terme dans ce roman, et continue de pourrir la vie malgré le trépas.

Voyez-vous donc, La Princesse de Clèves a bien des choses à nous dire, au-delà de l'à peu près du résumé ci-avant. Ces choses là ne sont certes pas follement amusantes. Autant ne pas attaquer ce roman si vous voulez de la légèreté ou du divertissement. Par contre, il faut vous ôter de l'idée que le roman est terriblement ennuyeux comme le colporte à tort la rumeur. J'y allais à reculons comme bien du monde à cause de ça et ai été agréablement conquise. Je n'irai pas jusqu'au coup de cœur, soyons sincère, mais ce n'est franchement pas passé loin. Quel plaisir de vivre de telles bonnes surprises !

 

challenge-des-100-livres-chez-bianca.jpgChallenge Les 100 livres à avoir lus chez Bianca

11eme participation