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17/09/2012

Lundi graphique

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Lincoln de Olivier, Jérôme et Anne-Claire Jouvray, 6 tomes depuis 2002 (le 7eme à paraître cette année), ed. Paquet, 48p. chacun.

 

Alors là, gros coup de coeur !

Lincoln est un cow boy particulièrement grincheux, insoumis et malveillant. Ses passe-temps favoris ? Ronchonner sur tout et tout le monde, faire la gueule, et à l'occasion, se foutre dans des combines pourries. Intrigué par ce personnage, Dieu en personne décide d'aller y mettre son grain de sel et lui propose un deal : devenir un héros moderne en échange de l'immortalité. Concernant l'immortalité, pas de problème, Dieu remplit sa part du contrat. Ca sauvera sacrément la mise à Lincoln en divers occasions d'ailleurs. Pour ce qui est de la partie héros, c'est beaucoup moins évident. Lincoln est un indécrottable rebelle que la compagnie divine fait plus chier qu'autre chose ; et c'est pas mieux quand le diable s'en mêle. Il passe son temps à tenter de les semer ou de les décourager, en vain à son grand désespoir. Alors, il faut avec, tout en restant fidèle à lui-même.

C'est drôle et savoureux - j'ai tout simplement adoré et dévoré les 6 volumes en quelques jours avec une banane en permanence. Le fait que le personnage de Lincoln m'évoque très nettement quelqu'un de proche n'y est sans doute pas pour rien mais, je vous assure, même si vous n'avez pas un drôle de cul terreux dans votre entourage, vous vous fendrez tout autant la poire, j'en mets ma main au feu !
Allez, faites pas la fine bouche, laissez-vous séduire par Lincoln !

Et, au passage, vivement le tome 7 !

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Holmes (1854/+1891?) de Cecil et Brunshwig, ed. Futuropolis, 3 tomes depuis 2008


Que s'est-il vraiment passé aux chutes de Reichenbach ? Selon la version "officielle", Sherlock Holmes, le plus grand détective de tous les temps, disparait avec son ennemi de toujours, le professeur Moriarty. Pour seul leg apportant un semblant de réponse : la lettre que Holmes laisse à son ami et collaborateur le docteur Watson.
Pourtant, tout reste dans le flou : qui était vraiment Moriarty et pourquoi Holmes n'en parle quasiment pas ? En effet, force est de constater que pour un ennemi de toujours sensé être à l'origine de tous les mefaits de Londres, à la tête de la plus grosse organisation criminelle du pays, il en est fort peu question dans les enquêtes holmésiennes. Et puis, Holmes est-il vraiment mort ?

Ce sont ces questions que Cecil et Brunshwig se proposent d'éclaircir dans cette série de BD débutée en 2008 et donc le troisième tome a tardé à paraître - pour cause de longue cogitation sur le scénario s'en expliquent les auteurs. Et en effet, leur production est ambitieuse et pointue ! Une construction complexe et rudement bien menée mêlant l'enquête de Watson pour comprendre, de fréquents flashbacks et quelques visions du défun ami nous embarquent dans une rocambolesque aventure pour démêler la troublante personnalité de Holmes. Un dessin sombre, énigmatique et victorien qui nous transporte à merveille dans l'ambiance anglaise du dix-neuvième siècle.

Bref, une parfaite réussite face à l'ampleur du mythe visé : j'attends le quatrième tome avec impatience !


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13/09/2012

La Dame à la licorne de Tracy Chevalier

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La Dame à la licorne de Tracy Chevalier, ed. de la Table ronde, 2003 / Folio, 2009, 356p.

La Dame à la licorne désigne une tenture de six tapisseries du XVe siècle dont l'origine reste très énigmatique. Le doute plane sur leur commanditaire ainsi que sur l'artiste et le maître lissier qui les auraient réalisées. Certains s'accordent à dire qu'elles auraient été confectionnées à Bruxelles, d'autres à Aubusson. Le fait est que nous n'en savons rien. Le blason qui orne chacune des tapisseries serait celui de la famille des LeViste, mais de même, nous ne pouvons savoir avec certitude quel membre de la famille les auraient ordonnées.
Tout ce que nous savons de La Dame à la licorne est ce qu'on peut en admirer aujourd'hui au musée du moyen-âge de Cluny à Paris : Un travail délicat où se mêle bleu profond et rouge grenat, un décor de mille fleurs, et la séduction d'une licorne à travers les cinq sens ; la sixième tapisserie appelant "A mon seul désir".

C'est cette histoire artistique semée de mystère que Tracy Chevalier se propose de nous raconter dans son ouvrage éponyme, ainsi qu'elle l'avait fait pour La jeune fille à la perle. Ainsi se succède sur deux années les lieux ; Paris, Chelles et Bruxelles ; et les personnages à travers lesquels elle fait revivre la création : Nicolas des Innocents serait le peintre, Jean LeViste le commanditaire et George de la Chapelle le maître Lissier. Autour d'eux gravitent ces femmes souvent dans l'ombre mais toujours primordiales qui auront inspiré Nicolas des Innocents au point de retrouver leurs visages dans chacune des dames tissées.

Ce roman fait partie des livres de hasard que l'on trouve un jour sur l'étale d'un bouquiniste à tout petit prix et que l'on prend à l'impro sans tergiverser. Je n'en avais jamais entendu parlé auparavant ni lu cet auteur ; j'avais simplement vu un jour l'adaptation ciné de La jeune fille à la perle. Mais pour un euro, je ne risquais pas grand chose.
C'est tout autant à l'impro que je l'ai empoigné pour goûter un peu de légèreté après Primo Levi. Et dans cet optique, La Dame à la licorne ne m'a pas déçue. Le style est fluide et sous une certaine simplicité se cache quelques tournures tout à fait intéressantes. Le choix de la polyphonie, certes éculé jusqu'à la moelle et difficile à renouveler, reste bien mené et agréable à lire. Il permet de passer de considérations artistiques en considérations plus triviales selon les personnages à qui la voix est offerte. Il donne à voir, en somme, les différentes facettes d'une époque. En outre, l'auteur brosse des personnalités délicates et bien trempées auxquelles on s'attache sans bouder.
En somme, un roman plus que sympathique qui ravira les amateurs de récits teintés d'histoire, d'art et d'amour et qui donne, clairement, envie de retourner jeter un coup d'oeil à ces somptueuses tapisseries, véritables héroïnes de ces 356 pages.

 

10/09/2012

Si c'est un homme de Primo Levi

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Si c'est un homme de Primo Levi, 1947

 

Si je devais choisir un seul livre témoin des camps de concentrations, ce serait celui-là. Non que j'en ai lu beaucoup d'autres et non qu'ils ne m'aient pas bouleversée. Mais c'est ouvrage de Primo Levi est plus que bouleversant : il est essentiel.

Re-situons dans le contexte. Primo Levi à vingt-quatre ans lorsqu'il est déporté à la suite d'une arrestation inévitable. Il ironise lui-même sur le caractère passablement amateur et superficiel de son engagement dans un groupe de résistants sans moyen ni expérience. Lors de son arrestation, il pense à tort qu'il risque plus gros en se déclarant opposant politique que juif ; il opte donc pour la seconde alternative. Il est envoyé quelques jours plus tard, au tout début de l'année 1944, avec quatre-vingt seize autres juifs italiens au camp d'Auschwitz. Il y restera durant une année, échappant avec étonnement à l'hiver implaccable, la faim, les maladies et la chambre à gaz jusqu'à l'arrivée de l'armée russe en janvier 1945.
Le présent témoignage, dont Primo Levi commence la rédaction dès décembre 1945 - pour ne rien oublier, dans l'urgence nécessaire de dire, de faire connaître - relate cette année hors des hommes libres.

Je pourrais ergoter longtemps sur le caractère saississant, vibrant, terrible de ce récit. Nul ne peut ressortir de cette lecture sans la prégnante sensation d'avoir été assommé avec une poele en fonte. Mais au delà de ce retournement des tripes, il y a aussi et surtout l'ouverture à une série de questionnements essentiels. Car Primo Levi a choisi pour rédiger son ouvrage un ton volontairement neutre, ou disons au plus près de la neutralité - le plus possible dépourvu de pathos afin de laisser au lecteur la distance nécessaire pour apprécier le texte comme levier d'un raisonnement. Le point essentiel est là : Si c'est un homme n'est pas là pour faire pleurer dans les chaumières ou pour soulager son auteur - on comprend la futilité de supposer un tel objectif au bout d'une trentaine de pages tant rien ne pourrait soulager une telle expérience ; il est là pour faire en sorte qu'un deuxième Auschwitz n'existe jamais.

Et tous les questionnements, au fond, portent sur l'humanité.
Il est question d'humanité lorsqu'une mère, sachant qu'elle va à la mort, s'applique à nettoyer et à nourrir son enfant comme si rien n'allait changer.
Il est question d'humanité lorsqu'un civil est capable d'offrir une chemise à un détenu sans rien demander en échange, par bonté pure - et de lui rappeler en cela que malgré tout l'acharnement des nazis, il est encore un homme.
Il est question d'humanité lorsqu'on parvient à balayer la tentation de la haine après une telle expérience.
Il est aussi, malheureusement, question d'humanité lorsqu'on touche à la volonté abyssale de démolir un homme, méthodiquement, avec l'oeil froid ou lorsqu'on s'aperçoit que la brute engendre la brute et que le supplicié d'hier se défoule le lendemain sur ses subalternes sans aucune mauvaise conscience (et les exemples de ce triste état de fait dans l'Histoire, oserais-je dire encore aujourd'hui, sont nombreux).
Les exemples pourraient être énumérés à l'infini.

Enfin, il est encore question d'humanité lorsque tout le long, Primo Levi questionne le langage et affirme à plusieurs reprises combien nos mots d'hommes livres ne peuvent dire le vécu des camps. Au fond, transparait cette question : comment écrire, comment créer tout simplement après la seconde guerre mondiale. Question à laquelle j'éviterais, évidemment, de répondre une formule ridicule de philosophie de comptoir mais qui mérite néanmoins de trotter dans nos têtes de littéraires.

Après hésitation et relecture de ce bouquin, j'ai décidé de le faire étudier à ma classe de 3eme pro cette année. C'est un ouvrage clairement difficile, tant dans le fond que dans la forme et sans doute que pas mal d'entre eux, si ce n'est la totalité, n'en lirons même pas les vingt premières pages. Malgré tout, le simple fait de prendre le temps d'en parler en classe et de lancer quelques bribes de questions, pourquoi pas d'en faire matière à débat, leur allumera peut-être quelques lumières insoupçonnées. Il me semble que Si c'est un homme soulève trop de questions primordiales pour être balayé par la peur de la difficulté. Je croise les doigts pour que cette année me donne raison.

En attendant, si tu tombes sur ce modeste article et que tu n'as pas encore lu Si c'est un homme, un seul conseil : accroche-toi et lis.

 




Classique-final-4.jpgChallenge Un classique par mois

Septembre 2012 bis (je rattrape Août comme ça !)