04/10/2012
Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar
Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar
Hadrien, empereur roman de la dynastie des Antonins, succède à Trajan en 117 après JC. Il a alors une quarantaine d'années et s'est illustré pour moultes faits d'armes lors de campagnes contre les Daces. Ce n'est que trois jours avant la mort de Trajan et après une relation étrange, faite de respect, et de silences, qu'il sera finalement adopté par ce dernier et ainsi, voué à cette charge qu'il espère le plus : Imperator.
Dès lors, Hadrien va prendre un tournant radicalement opposé à son prédécesseur et décider l'arrêt de la politique expansionniste romaine. Profondément habité par une volonté de paix et d'unité, nul besoin pour lui de courir indéfiniment les champs de bataille pour la gloire d'un empire qui appelle surtout la solidité de ses acquis. Bien plutôt, il va supprimer les dettes citoyennes envers l'Etat et brûler le registre des impôts - action pour le moins audacieuse qu'il avoue sans honte opérer stratégiquement.
Point d'empereur idéal donc et point complaisance. Dans ces mémoires fictives, Hadrien est présenté comme un être au bord de la mort qui prépare son long voyage.
Il reconnait ce qu'il s'agit de reconnaitre, que cela tienne du défaut, de l'erreur, de la qualité ou de l'intelligence et agit, en cela, en parfait philosophe.
Et précisément, c'est l'effet que me fait cette lecture. Non contente d'être un bijou ciselé de littérature - et sur ce point, il ne m'était pas arrivé depuis longtemps de lire un roman aussi pointu, aussi stylistiquement impeccable qu'il en est dense et délicat à lire - , elle est également un précis de prose de philosophique où se cotoie méditations sur le courage, la paix, les arts, l'amour et la mort. Hadrien n'était pas stoïcien comme il le précise dans cette longue lettre adressé à Marc Aurèle (son futur successeur après le règne d'Antonin le Pieux), ne souhaite tiré aucune estime particulière de ce qui semble n'être pour lui qu'une démarche, une série d'apprentissage sur le tas, au fil de ses actions.
Ce livre est également l'occasion de lire de magnifiques pages sur son amitié avec Plotine, veuve de Trajan. Une jeune femme droite et souple qui, selon la légende, ne serait pas étrangère à la fortune politique d'Hadrien.
En sommes, et pour résumer cet ouvrage ébouriffant, il s'agit d'une quête ardue, qui ne se savoure pas sans une certaine dose de concentration et de volonté il est vrai. Mais à qui est offert, dès lors que ce maigre effort est fourni, un plaisir intellectuel imparable.
*
"Et je n'écoutais que d'une oreille les gens bien intentionnés qui disent que le bonheur énerve, que la liberté amollit, que l'humanité corrompt ceux sur lesquels elle s'exerce. Il se peut : mais, dans l'état habituel du monde, c'est refuser de nourrir convenablement un homme émacié de peur que dans quelques années il lui arrive de souffrir de pléthore. Quand on aura allégé le plus possible de servitudes inutiles, évité les malheurs non nécessaires, il restera toujours, pour tenir en haleine les vertus héroïques de l'homme, la longue série des maux véritables, la mort, la vieillesse, les maladies non guérissables, l'amour non partagé, l'amitié rejetée ou trahie, la médiocrité d'une vie moins vaste que nos projets et plus terne que nos songes : tous les malheurs causés par la divine nature des choses."
09:00 Publié dans Littérature française et francophone | Lien permanent | Commentaires (0)
01/10/2012
La ferme des animaux de George Orwell
La ferme des animaux de George Orwell, 1945
A la solde de Mr Jones, les animaux de la ferme du Manoir n'ont pas une vie bien heureuse : beaucoup de travail, peu de nourriture et aucun temps libre. Mais les hommes, c'est bien connu, n'ont que faire du sort des bêtes. Pourtant, les animaux nourrissent l'espoir d'une liberté prochaine lorsque Sage l'Ancien, le plus vieux cochon de la ferme, leur raconte une vision où les animaux vivraient en parfaite harmonie et où le joug de l'homme serait aboli. Dès lors, le projet d'une révolte se forme puis se concrétise le 21 juin : Jones décampe et laisse les animaux livrés à eux-mêmes. Sage l'Ancien n'étant plus de ce monde, ce sont les cochons Napoléon et Boule de Neige qui prennent en main le nouveau régime.
Les premiers temps, tout semble fonctionner selon leurs aspirations : tous les animaux sont égaux, travaillent sans se tuer à la tâche, mangent à leur faim et jouissent de temps libre et de libre expression. Pourtant, cette utopie animalière va progressivement dégénérée jusqu'à mettre en lumière que certains animaux sont plus égaux que d'autres - et cela dans l'aveuglement le plus total de la troupe.
Encore une fois, Orwell me stupéfie par sa modernité et son affolante lucidité.
La ferme des animaux, vous l'aurez compris, n'a rien d'une historiette pour endormir les enfants. Il s'agit tout au contraire d'un apologue qui, sous les abords de la fable animalière, se donne pour objectif de réveiller les consciences. Ecrit avant 1984, il se lit également avec une plus grande facilité que ce dernier (le style et le volume de l'ouvrage l'expliquent) ; il véhicule néanmoins une thèse similaire: Une critique virulente du pouvoir stalinien, et plus largement de toutes dérives totalitaires post-révolutionnaires. Où l'on s'aperçoit que motivée par une volonté de changement, de mieux-être, de liberté, la révolution conduit insidieusement à reproduire un même schéma tout aussi asservissant. Il s'agit également d'une critique virulente des masses qui restent trop longtemps dans un aveuglement rangé, jusqu'à ne plus être en mesure de réagir.Bref, La ferme des animaux s'offre comme une reflexion ontologique sur la nature de l'homme, sur ses aspirations et sur ses dérives.
A lire, encore une fois, sans aucune modération et à mettre impérativement entre toutes les mains.
Challenge Un classique par mois
Octobre 2012
09:00 Publié dans Challenge, Classiques, Coups de coeur, Littérature anglophone, Réflexion | Lien permanent | Commentaires (1)
28/09/2012
Les rencontres de Chaminadour 2012
Vous me croirez, vous me croirez pas, chers lecteurs, mais il se passe parfois des évènements culturels intéressants en ce beau trou paumé qu'est la Creuse.
Outre quelques très intéressantes pièces de théâtre auxquelles j'ai l'intention d'assister (et dont vous entendrez parler, donc, une fois cela fait), se met également en place chaque année un festival littéraire d'un genre particulier intitulé Les rencontres de Chaminadour.
Ainsi nommé en hommage à Marcel Jouhandeau, écrivain creusois, et à son roman éponyme, Les rencontres de Chaminadour déroulent durant trois jours tables rondes, lectures et rencontres autour d'un écrivain français. Cette session (qui prend place actuellement et jusqu'à dimanche) tourne autour de Sylvie Germain dont nous pourrons étudier tout un tas de questions cruciales et passionnantes telles que "la réinterprétation du mythe" ou "le mystère de l'enchantement".
Un genre de festival littéraire un peu particulier, je vous le disais car il s'apparente presque plus au colloque - une oeuvre précise ainsi décortiquée, à coup sûr, ne séduira pas forcément les néophytes de Sylvie Germain. Néanmoins, vous pourrez goûter à la place aux lectures ainsi qu'à la table ronde de demain matin intitulée "Métiers du livre". Ou tout simplement, profiter de cette occasion pour voir cequ'il se trame de beau dans la région !
18:42 Publié dans Littérature française et francophone | Lien permanent | Commentaires (0)