Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

12/11/2012

Anansi Boys de Neil Gaiman

livres-anansi-boys-309.jpg

Anansi Boys de Neil Gaiman, ed. Au Diable Vauvert, 2006, 488p.

 

Une fois n'est pas coutume, je ne vais pas formuler moi-même un résumé mais recopier celui de la quatrième de couverture. Parce que c'est précisément ce résumé qui m'a donné envie de louer ce livre qui, il faut l'avouer, ne risquait pas de me séduire pour la grosse araignée, là... Brrrr... Bon ok, le résumé, et aussi le fait que l'auteur est Neil Gaiman.

"Le père de Gros Charlie n'était pas ordinaire : il était Anansi, le Dieu Araignée, l'esprit de rébellion, un dieu filou capable de renverser l'ordre social, de créer une fortune à partir de rien et de défier le diable... Un héritage bien encombrant !
Une mythologie moderne où l'on trouve une sombre prophétie, des désordres familiaux, des déceptions mystiques et des oiseaux tueurs. Sans oublier un citron vert."

A partir de là, je me suis dit ok, tout est dans le citron vert :ça va être n'importe quoi mais ça va être drôle et intelligent. Vendu !

Et puis finalement, ça n'a pas complètement fonctionné (je m'aperçois au passage que les bouquins de fantasy ne fonctionnent jamais totalement sur moi, je me demande bien pourquoi...).
On débute l'ouvrage avec un portrait de Gros Charlie croisé avec un portrait de son père, le fameux Anansi, puis un épisode de sa vie à Londres avec sa fiancé Rosie, puis un voyage en Floride pour l'enterrement du paternel. Le tout dure plusieurs dizaines de pages. Et même à partir du décès de son père, on en a encore pour un moment avant de rentrer dans le vif du sujet. Et même à partir de ce moment là... Bref, vous l'aurez compris, j'ai trouvé l'histoire et le punch très (trop) long à se mettre en route. Ajoutons à cela que Gros Charlie est le parfait anti-héros auquel j'ai eu beaucoup de mal à m'attacher, j'ai donc fait un faux départ sur ce livre et je pense que c'est ce qui m'a fait pêcher sur la durée.

Le propos, sinon, est plutôt intelligent et bien amené : sous couvert d'une mythologie animale ancestrale qui fait enchaîner à Gros Charlie les aventures rocambolesques, il y a une réflexion sur les relations et les secrets familiaux. Objectivement, c'est plutôt fin et intéressant. Subjectivement, j'ai moyennement accroché en fait. Ca m'a bien souvent paru sans grand intérêt pour être honnête... Et puis, ok, l'aspect mythologique est un prétexte à la réflexion mais il était un peu trop caricatural, un peu trop insignifiant pour moi...

Au final, ce qui a sauvé ma lecture, c'est cet inimittable humour gaimanien qui choppe toujours au vol LE petit travers précis ou LA situation anecdotique qui croque à la perfection telle situation ou tel personnage. Bien sûr, on frise parfois la caricature, mais on la frise avec la conscience parfaite de ce qu'on fait et l'acte est toujours fait avec une subtilité qui rend, de toutes façons, le résultat savoureux.

En conclusion, une lecture en demi-teinte pour moi. Le sujet et la manière de le traiter ne m'ont pas follement emballée mais la verve humouristique m'a tout de même portée jusqu'au bout du pavé. Sans rancune, Neil Gaiman reste quand même un de mes chouchous que je ne manquerai pas de continuer à lire !

 

*

 

« Gros Charlie avait soif. Gros Charlie avait soif et mal à la tête. Gros Charlie avait soif et mal à la tête et un goût affreux dans la bouche et ses yeux étaient trop serrés dans leurs orbites et toutes ses dents l'élançaient et son estomac le brûlait et son dos lui faisait mal, grosso modo entre les genoux et le front, et son cerveau lui avait été arraché, remplacé par des boules de coton, des aiguilles et des épingles, raison pour laquelle il lui était douloureux de réfléchir, et ses yeux n'étaient pas seulement trop serrés dans leurs orbites mais ils s'étaient sans doute détachés au cours de la nuit, avant d'être remis en place à l'aide de clous de tapissier, et il remarqua soudain que tout ce qui dépassait le niveau sonore du délicat mouvement brownien des molécules d'air frottant les unes sur les autres dépassait également son seuil de douleur. Par ailleurs, il aurait voulu être mort. »

 

Vous trouverez ici le premier chapitre en ligne.

 

 

 

 

challenge mytho du monde.pngChallenge Mythologies du Monde chez Cottage Myrtille

6eme lecture

05/11/2012

Pour seul cortège de Laurent Gaudé

Pour_seul_cortege_m.jpg

Pour seul cortège de Laurent Gaudé, ed. Actes Sud, Août 2012, 186p.

 

Êtes-vous prêts à voyager ? Telle est la question que je poserais à qui souhaite entamer ce roman de Laurent Gaudé. Bien sûr, dans le genre question éculée lorsqu'il s'agit de littérature, ça se pose là : après tout, quel livre ne fait pas voyager me direz-vous. Mais celui-là plus qu'un autre, me semble-t-il, et à tellement de niveaux que c'en est vraiment saisissant.

Voyageons dans le temps et l'espace tout d'abord, puisque c'est ce qui apparait de prime abord. Embarquons aux côtés de trois personnages qui, tous, marchent vers leur antique destin. Nous sommes à Babylone avec Alexandre, ce grand stratège qu'aucune bataille n'a terrassé mais qui s'écroule lors d'un banquet sous le regard alarmé de ses sujets. Nous sommes avec lui et nous épongeons son front douloureux tandis qu'il agonise, ne sachant pas mourir. Nous sommes également avec Dryptéis, sa belle-soeur qui revient d'un temple lointain où elle s'était retirée pour escorter Alexandre dans ses derniers instants. Enfin, nous sommes avec Ericléops, le fidèle. Il est allé au-delà de l'hindus porter un message à ce roi barbare qui faisait peur à tous et le rapporte à Alexandre, le priant de l'attendre de sa voix murmurée.

Voyageons entre la vie et la mort, car comme dans beaucoup de roman de Gaudé, il est question de ce fameux passage, de ce mystère insondable dont l'auteur se plait à lever le voile avec une délicatesse sans pathos. Car tel est sans doute le but de toute fiction : Par le subterfuge de l'imagination, délivrer des secrets. Dans bien des esprits, vie et mort sont opposées. L'une exclue nécessairement l'autre. Ici, au contraire, vie et mort se mêlent, se répondent, et la frontière entre les deux est si floue qu'un être peut être à la fois vivant et mort, qu'une voix d'ailleurs peut parvenir au vivant et l'un et l'autre peuvent se guider. C'est ainsi qu'Ericléops sera de la dernière chevauchée d'Alexandre malgré son trépas et que Dryptéis pourra converser avec ce beau-frère illustre pour l'accompagner dans l'éternité.

Enfin, voyageons dans le Verbe tragique, car telle est l'incroyable performance d'écrivain de Gaudé : parvenir à glisser dans le roman les mécanismes et surtout, l'esprit éblouissant de la tragédie antique. Il est, on le sait, écrivain de théâtre. Ici, il joue encore plus fort : il mêle le théâtre à la prose romanesque en alternant successivement les trois voix et en les faisant se répondre au-delà de toute matérialité. C'est la fatalité qui reprend son droit dans ces cheminements résolus et dignes vers un destin auquel il n'est pas possible d'échapper. Advient ce qui doit être et pour seul cortège, s'offre à nous les êtres nus, dépouillés, face à une existence qui les dépasse.

A tous niveaux, ce roman est une lecture éblouissante, caressante, façonnée de la violence pure de la vie.
Que peux-je donc faire d'autre, après une telle lecture, que de remercier le sourire aux lèvres l'auteur pour un si beau voyage littéraire ?


 

 

logochallenge2.pngChallenge de la rentrée littéraire 2012

3eme lecture

 

 

 

 

 

Rentrée-Littérraire-V2-logo.jpgLivre envoyé et lu dans le cadre des matchs de la rentrée littéraire 2012 de PriceMinister !

Merci beaucoup !

01/11/2012

L'étrange disparition d'Esme Lennox de Maggie O'Farrell

9782264048561.jpg

L'étrange disparition d'Esme Lennox de Maggie O'Farrell, ed. Belfond, 2008 - ed.10/18, 2010, 232p.

 

C'est l'histoire parfaitement intolérable d'Esme Lennox, jeune fille anticonformiste et fougueuse, internée à l'âge de seize ans dans un asile d'Edimbourg. Ignorée de ses descendants, elle semble y avoir été oubliée méticuleusement : ce n'est que soixante ans plus tard qu'Iris, sa petite nièce, découvre son existence en même temps que la fermeture de l'asile. Entre l'aïeule dont l'histoire rétrospective se déroule en flash sous nos yeux et la jeune femme, propriétaire d'une friperie à la vie privée chaotique, une relation pleine de silence, d'efforts et de compréhension muette va se tisser - tendue jusqu'à un dénouement qui n'est que le début d'une autre histoire.

Quelle bonne surprise que ce roman là ! Un grand merci à Clochette de me l'avoir offert lors de notre swap épistolaire. Voilà pourquoi j'aime ces petits échanges de surprises littéraires en tout genre : c'est toujours l'occasion de découvrir des livres dont on avait absolument pas idée et qui, finalement, nous ravissent parfaitement !
Dans l'ouvrage que voilà, trois voix nous sont données à lire - et presque à entendre tant elles sont fortes et touchantes. Esme, tout d'abord, se remémore son histoire comme elle l'a sans doute fait chaque jour de chaque année d'internement, pour ne pas s'oublier dans cet océan de folie où elle n'avait pas sa place. On découvre alors une petite fille des colonies gaie et pleine d'allant qui devient progressivement cette jeune fille en fleur sujet d'inquiétude et d'exaspération pour son entourage : il ne faisait pas bon être un esprit libre dans une famille anglaise traditionnelle au début du XXeme siècle.
Vient ensuite Iris, la petite-nièce. Avec sa vie indépendante, volontaire mais instable, elle apparaît d'emblée comme le pendant d'Esme, comme celle qui sera capable, doucement, de la comprendre.
Puis la voix de Kitty, cette soeur aînée atteinte aujourd'hui d'Alzheimer, dont les souvenirs sont confus et totalement désordonnés. Que s'est-il passé pour que Kitty clame qu'elle était fille unique et pour que son fils puis sa petite-fille en soient également persuadés ?
Ainsi se déroule, grâce à cette pluralité des voix féminines morcelées, intercalées à saut et à gambade - mais surtout à dessein -, le destin d'Esme Lennox. Personnage emblématique de bien des vies brisées à une époque où il suffisait d'un mot de généraliste sur demande d'un proche pour interner une femme gênante, on ressent tour à tour de la douceur, un vent de liberté, de l'indignation et une douloureuse empathie pour ces personnages. Maggie O'Farrell réussit en outre le tour de force de ménager un certain suspens tout au long de ces pages :  Ainsi, on les tourne avec une tendresse mêlée de stupéfaction et on se laisse glisser doucement vers cette fin ouverte, juste retour des choses.

 

*