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09/09/2013

Ourse bleue de Virginia Pésémapéo Bordeleau

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Ourse bleue de Virginia Pésémapéo Bordeleau, ed. Pleine Lune, 2007 / Litté, 2008, 195p.

 

Victoria est une poétesse métisse d'origine cree. Elle entame un voyage initiatique avec son mari Daniel vers la baie James, terre de ses ancêtres amérindiens. Peu à peu, à l'envie de retrouver les lieux et des membres éloignés de sa famille, se développe une quête chamanique mystérieuse qui apparaît à Victoria dans ses rêves. Elle apprend grâce à ces rencontres diverses la destinée de son grand-oncle George. Trappeur, il est parti jadis pour chasser et n'est jamais revenu. Le doute subsiste sur les causes et l'emplacement de sa mort. Seuls deux os ont été retrouvés loin de son territoire de chasse. Les rêves intiment à Victoria de le retrouver pour lui permettre de trouver la paix de l'âme.

Ce beau roman sincère se construit en deux parties. La première est centrée sur le voyage physique de Victoria et Daniel dans le Québec cree. Aux chapitres qui suivent leur progression et leurs échanges avec de lointains cousins et un vieux sage au totem du corbeau, s'alternent des séquences souvenirs de l'enfance de Victoria. Le lecteur plonge dans le quotidien difficile marqué par l'alcool et la précarité violente des familles métisses. Plusieurs membres de la famille de Victoria sont soumis aux ravages de la boisson et ce triste atavisme se transmet de générations en générations. La quête identitaire de la protagoniste semble trouver ses sources dans l'histoire personnelle comme dans l'histoire collective tant son passé familial est celui du peuple cree. Il s'agit de se retrouver pour continuer à vivre sans s'autodétruire.

Tandis que Victoria est appelée sur la voie de son grand-oncle George, le vieux sage lui fait comprendre qu'il s'agit avant tout d'une quête intérieure qui lui sera compliquée. Dès lors, la deuxième partie est beaucoup plus intime, poignante, resserrée et chamanique. Il sera révélé que Victoria possède un pouvoir de chamane longtemps brimé par sa mère - celui de l'ourse bleue, parfait syncrétisme des croyances spirituelles crees et blanches. Lorsqu'elle aura cheminé sur les parois escarpées des sentiments douloureux, il sera permis à Victoria de ressentir la compassion et d'ouvrir son esprit à une plus grande vision.

J'ai beaucoup aimé la lecture de ce court roman au style direct, simple et surtout très touchant. Qui va en somme droit au but avec une désarmante sobriété. Virginia Pésémapéo Bordeleau actualise les croyances et les récits de ses ancêtres crees. L'histoire du grand-oncle disparu lors d'une chasse, probablement dévoré par les loups, était déja présente dans Le Chemin des âmes de Boyden. De même le problème des windigos par temps de famine. Ce roman est un cri de survivance amérindienne au coeur de la modernité. Il y ait question de l'apprentissage d'une profonde humanité et d'unifier ses racines enfouies. Je vous le conseille vivement !

 

 "Ma fille, le chemin vers ta réalité, celle que tu as entrevue ce matin, ce chemin sera difficile. Tu as déjà beaucoup souffert, apprends à accueillir cette souffrance. Libère-toi d'elle ; ce faisant, elle te rendra de plus en plus forte. Tu portes en toi ta famille mais aussi deux peuples : le rouge et le blanc. Quoi que tu en penses, ton côté blanc est aussi dévasté que ton côté rouge. Tu dois guérir ces deux parties de toi-même et les réunir. En opposition, elles t'affaiblissent. Unies, tu seras comme le roc face à toutes les tempêtes."

 

Vous trouverez ci-après un lien vers un extrait lu par la poétesse Sylvie-Anne Sioui-Trudel (ahhh l'accent québécois^^) et une vidéo où l'auteur explique en quelques mots le propos de son roman.

 

http://www.nativelynx.qc.ca/fr/litterature/bordeleau.html

 

 

Challenge améridiens.jpgChallenge Amérindiens

7eme lecture

 

 

 

Quebec-en-septembre-2013--3.jpgQuébec en septembre chez Karine :)

2eme lecture

 

 

 

 

02/09/2013

Littérature amérindienne du Québec

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Littérature amérindienne du Québec - écrits de langue française, textes assemblés et commentés par Maurizio Gatti, ed. Hurtubise, 2008 / Biblio. Québécoise, 2009, 307p.

 

Avec septembre et les feuilles rousses arrive le mois québécois qui nous trotte dans la tête depuis le début de l'été ! Comme promis, j'en profiterai pour vous faire découvrir quelques auteurs amérindiens francophones (mais peut-être moins que prévu car ils sont parfois durs à trouver, les coquinous. Je vais quand même faire mon possible). Dans cette optique, quoi de mieux pour débuter le voyage qu'une anthologie de littérature amérindienne du Québec composée par un éminent chercheur dans le domaine ?

Bon alors, dit comme ça, je vois d'ici vos chaussettes trembler à la perspective de découvrir un pavé universitaire pompeux et un poil chiant. Mais rien de tout cela. Vous pensez bien que les trucs ennuyeux, je les garde pour moi. Ici, Maurizio Gatti réunit par genres littéraires plus de 150 textes de langue française écrits par des auteurs amérindiens. On retrouve ainsi contes et légendes, poèmes, extraits de romans ou de pièces de théâtre etc., toujours précédés d'une petite notice biographique de l'auteur et d'un résumé de l'oeuvre. Pour en arriver à cette compilation, première du genre, Gatti a parcouru le Québec en long et en large à la rencontre d'auteurs, parfois édités, parfois inédits.

Dans l'introduction, l'auteur explicite la notion primordiale d'écrivain amérindien. Il apparait pour sa part, et je me rallie plutôt à cette conception, que l'appartenance à une identité amérindienne procède plus d'une subjectivité que d'un lien génétique ou géographique. Du fait d'un long métissage et d'une réduction des territoires colonisés et réservés, il parait aujourd'hui périlleux de définir l'indianité par l'un ou l'autre de ces éléments. Est plutôt amérindien non seulement celui qui se définit comme tel et celui qui s'inscrit également dans un terrain culturel, historique, mémoriel commun à une nation autochtone. C'est cette appartenance ancestrale, quel qu'en soit son degré, qui imprime une continuité et inscrit une cohésion vivante et créative avec un patrimoine spécifique.

On retrouvera des auteurs qui revendiquent ouvertement une histoire réhabilitée ou militent en faveur de réalités et d'enjeux contemporains ; on retrouvera également des auteurs qui, certes enrichient par le patrimoine sus-cité, ne souhaitent pas pour autant limiter leur art à une ethnicité réductrice. Dans un cas comme dans l'autre, l'affirmation d'une identité amérindienne offre aujourd'hui en littérature des voix d'un grand talent qui méritent amplement d'être découvertes. Je vous invite donc à plonger dans ce petit ouvrage dans lequel vous pourrez picorer un ou deux textes au gré de vos envies. C'est grâce à ce livre que j'ai découvert notamment Virginia Pésémapéo Bordeleau dont je vous parlerai prochainement.

 

Je me suis faite belle
pour qu'on remarque
la moelle de mes os,
survivante d'un récit
qu'on ne raconte pas

Joséphine Bacon

*

Oraquan Corbeau bavard

Mon plumage hirsute vous insulte
j'incommode l'avenue de l'hybride
nature exquise de la nature morte
à genou sur le pas de ta porte

Lumière auxiliaire de la vérité
meurtrière indomptable de l'espoir
radieuse amie du bonheur
par où les mille et une couleurs
jaillissent de mes flambeaux
sur les fils bleus de ma robe

Je vous proclame au sommet
de ma divine complaisance
Vertu incandescente de mon âme
je croasse ma raison démagogue
à l'oreille de votre naïve impasse
où mon ramage culbute dans le chaos
Dédale de l'histoire pris dans l'étau
invulnérable de la pensée en porte-à-faux

Sylvie-Anne Sioui-Trudel

 

 

 

Challenge améridiens.jpgChallenge Amérindiens

6eme lecture

 

 

 

 

Quebec-en-septembre-2013--3.jpgQuébec en septembre chez Karine :)

1ere lecture

22/08/2013

Dans le silence du vent de Louise Erdrich

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Dans le silence du vent de Louise Erdrich, ed. Albin Michel, Août 2013, 462p.
National Book Award 2012 et Meilleur livre de l'année par les libraires américains 2012

 

 

Vous commencez à le savoir : je nourris à l'endroit de Louise Erdrich un fort intérêt teinté d'admiration. Tant son sujet que sa plume m'attirent, aussi lorsque j'ai découvert que son dernier roman (The Round House en VO) paraissait à la rentrée littéraire, j'étais au comble de l'impatience. Et grâce aux éditions Albin Michel, je n'ai pas eu à attendre aujourd'hui : j'ai pu le lire en avant-première. Ô joie ! Ni une ni deux, je plongeai dès réception du paquet dans ce roman poignant et virtuose que j'ai dévoré et qui est, du coup, mon premier coup de cœur de cette rentrée !

Le livre s'ouvre sur l'élagage de quelques petits arbres qui encombrent la maison des Coutts. Qui s'insinuent, devrais-je dire, dans les fondations et l'ébranlent. Tout indique qu'il s'agit pourtant d'une maison solide : Le père est juge tribal dans la réserve du Dakota du Nord, la mère travaille au recensement tribal et leur fils unique de treize ans est un insouciant adolescent. Ils sont liés par cet amour sans question des familles unies. Pourtant, ce jour-là, la mère ne rentre pas du travail. Elle ne devait pourtant aller chercher qu'un dossier. Père et fils partent à sa rencontre, la croisent effarée au volant. Au sortir de la voiture, l'étonnement fait place à l'angoisse puis à la rage : Geraldine est victime d'un viol brutal et a échappé de peu à la mort. Tandis qu'elle s'enterre peu à peu dans une survie pitoyable, terrorisée, sa famille tente de rendre justice. Père et fils quête d'abord quelques indices dans les dossiers traités au tribunal, persuadés qu'il s'agit d'une affaire personnelle et non d'un hasard. Puis le fils, seul avec sa bande d'amis truculents, mène sa propre enquête qui, comme le dit si bien la 4eme de couverture, "marquera pour lui la fin de l'innocence".

Tout le roman est écrit du point de vue de Joe, le fils. Habituée aux polyphonies foisonnantes, Louise Erdrich se concentre ici sur cet adolescent blessé. Cet âge limite, si propre à la révolte et au bouillonnement, porte la colère de l'auteur face à une politique américaine à l'égard des amérindiens toujours inique et scandaleuse.
Jamais nous n'entrons dans l'esprit de Geraldine. Ce qui imprègne le roman concernant la question délicate du viol ce n'est pas tant la psychologie de la victime (bien qu'elle soit rendue de manière très juste à travers les yeux de Joe) mais la question de l'auteur et surtout du lieu. Points cruciaux pour les justices américaines et tribales, ces deux éléments déterminent qui peut se charger de l'enquête - la police tribale s'il s'agit d'un amérindien sur le sol de la réserve ; la FBI dans tout autre cas - et qui va rendre la justice. Le tribunal tribal ne pouvait jusqu'à l'an dernier ni juger un prévenu non-autochtone ni condamné à une peine de prison de plus d'un an (il peut aujourd'hui le faire pour une peine maximale de deux ans !!!). Aussi, la justice échoue en principe au tribunal fédéral, rarement très concerné par les sévices subis par les amérindiennes (Du fait du peu de poursuites engagées contre les coupables, on considère donc que 85 % des agresseurs violent en toute impunité (source Amnesty International) et les réserves indiennes deviennent ainsi le paradis des violeurs... Vivent les USA.)
Il s'agit pour Joe et sa famille de déterminer où a été attaquée la mère pour pouvoir faire valoir la justice. Malheureusement, l'agresseur avait mis un sac sur la tête de Geraldine. Si elle est en mesure de situer le périmètre aux abords des frontières de la réserve et de l’État, elle ne peut préciser l'endroit. Ce flou a priori anecdotique rend dès lors la perspective d'un recours légal impossible. Le violeur est parfaitement connu et identifié, il est même mis en détention quelques jours. Mais il est surtout relâché et se balade dans la réserve à loisir, au désarroi de celle et ceux dont il a brisé les vies. Telle est la justice américaine pour les nations premières, aujourd'hui, au XXIe siècle.

Véritable réquisitoire contre un vide juridique scandaleux (et bien qu'amélioré depuis, il est toujours injuste), le dernier roman de Louise Erdrich explore avec pertinence et une langue toujours émouvante, les notions de justice et de vengeance.
Ce questionnement fondamental est bien sûr toujours filé avec le quotidien des amérindiens. On retrouve la dichotomie entre les croyances ancestrales et le christianisme, le problème majeur de l'alcool qui ravage toujours les populations. Et puis il est aussi filé avec le quotidien de cette bande d'adolescents dont fait partie Joe qui font leurs premières expériences d'été. Dans le roman s'entremêlent ainsi plusieurs niveaux d'exploration, plusieurs tonalités, plusieurs questions. Louise Erdrich révèle la vie même par ce bouillonnement d'instants et ce qui fait sa force est cette alternance du prosaïque et du conceptuel.

J'ai été littéralement happée et bouleversée par ce roman. Je n'avais pas eu un tel coup de cœur depuis longtemps et bien que j'aimais d'ores et déjà les autres romans lus de l'auteur, celui-ci est indéniablement le plus saisissant.
Si vous hésitez encore sur les livres à choisir de lire pour cette rentrée, il faut absolument que vous vous jetiez sur celui-ci. Non seulement il est délicieux d'un point de vue purement littéraire, mais il a aussi le mérite de sensibiliser à une problématique malheureusement méconnue. Deux excellentes raisons, donc, de plonger avec délectation.

 

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Un grand merci aux éditions Albin Michel pour ce partenariat !

 

Challenge améridiens.jpgChallenge Amérindiens

5eme lecture

 

 

 

rentrée littéraire 2013.jpgChallenge 1% de la rentrée littéraire chez Hérisson

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