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03/01/2015

Dans le livre des rêves de Mikkel Birkegaard

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Dans le livre des rêves de Mikkel Birkegaard, 10/18, 2014, 550p.

 

Dans les années 1840, au Danemark, il ne faisait pas bon être un lecteur ni un artiste. Le narrateur de ce second roman de Birkegaard, anonyme jusqu'à la dernière page, revient pour nous sur les années répressives de sa jeunesse. Tout commence par la mort de son père qui avait sombré dans une étrange folie. Peu avant de mourir, pense-t-on par suicide, il offre à son fils un livre unique et précieux, ajoutant "c'est ici que tout commence". Ce dernier va pourtant oublier cela durant son adolescence, poussé à la misère après ce terrible évènement. Il échappe finalement à la maison de correction grâce à un vieil ami de son père, Mortimer Welles - un précipité de Sherlock Holmes et de rat de bibliothèque. Welles est officiellement restaurateur de livres anciens. Officieusement, il est un fin limier particulièrement occupé à résoudre une série de disparitions d'artistes et à dénicher La Bibliothèque. Celle-ci est censée renfermer tous les livres de la création, même ceux que le ministère du Livre s'ingénie à censurer et à détruire. Tout cela devrait l'aider à retrouver sa femme. Tout cela va également conduire le narrateur à mieux comprendre ce qui plongea son père dans la folie.

Lorsqu'on est un lecteur compulsif, la promesse de tenir entre ses mains un page turner sur la puissance et la passion de la lecture a tout pour séduire. D'autant qu'à force d'en tourner les pages, on s'aperçoit rapidement que le propos se complexifie un brin : si La Bibliothèque tient du Saint-Graal intellectuel de prime abord, c'est pour mieux cacher une noirceur qui n'a rien de reluisant. Tout a un prix, même le savoir. Notre narrateur espérait que la vocation de La Bibliothèque était de sauvegarder la culture de la censure royale. Et si le but était tout autre ?

Alors effectivement, le roman est séduisant et se lit sans déplaisir. Est-il par contre d'une qualité particulière ? Je n'irais pas jusque là. Dans le même genre, il n'égale pas un Somoza qui parvient à monter un univers totalement étonnant et érudit pour mener ses intrigues. Ici, l'univers, les personnages et la trame narrative sont sympathiques sans être particulièrement consistants.
Dans le livre des rêves est, en somme, un bon roman de vacances, de plage, de week-end, de plaid-cheminée. Prenez-le comme tel et vous ne serez pas déçus - et la maigreur de mon commentaire critique en dit bien plus que trente lignes fastidieuses pour démontrer qu'il n'y a pas grand chose d'autre à y chercher.

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Bibliothèque du Trinity College à Dublin

 

 

challenge-un-pave-par-mois.jpgChallenge Un pavé par mois chez Bianca

Participation de janvier

26/12/2014

L'étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde de R. L. Stevenson

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L'étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde de R. L. Stevenson, 1886

Lecture numérique

 

coup de coeur.jpgTout commence par une balade dominicale entre le notaire Utterson et son cousin Enfield. Ce dernier raconte une aventure étonnante et la rencontre qu'il fit un soir d'un bien étrange personnage : Tandis qu'il se promenait, il aperçoit une fillette et un homme qui marchent en direction l'un de l'autre. Au moment où tous deux se croisent, ils se heurtent, la fille trébuche et l'homme la piétine sans ménagement. Enfield se précipite aux côtés de l'homme et l'interpelle ; les parents accourent peu après pour invectiver la brute et réclamer un dédommagement. Il s'avère que l'homme en question a la caractéristique peu commune d'inspirer à la fois terreur et dégoût. Son visage, sans être difforme, apparaît immédiatement diabolique. Il semble également posséder une clé du laboratoire du célèbre docteur Jekyll puisque chacun l'y voit entrer et ressortir pour rapporter quelque argent aux parents de l'enfant piétinée. Utterson est aussi interloqué que curieux. Il se rend dès le lendemain chez son ami Jekyll pour percer à jour le secret de celui qui se fait appeler Edward Hyde. Comment et pourquoi, en effet, un médecin respectable, aimable et raffiné peut-il cohabiter avec un personnage de la pire espèce ?

Le propos mis en lumière dans cette délicieuse nouvelle n'est pas sans rappeler celui de Dracula : D'une part le Bien, de l'autre le Mal ; d'une part le côté lumineux, de l'autre le côté obscur de la force de l'homme. A cette exception près qu'ici, la scission se révèle à travers un dédoublement de personnalité. Le Mal n'est plus l'inconnu, l'étranger, comme dans Dracula - qui pourrait se lire comme ce qui a pu être oublié ou refoulé, ce qui est issu de temps trop anciens ainsi que l'est Dracula lui-même - mais bel et bien un autre moi-même. Dans L'étrange cas du docteur Jekyll et M. Hyde se dessine l'idée que le Mal est en nous, est conscient et vivant et près à l'action. L'homme, par nature, est complexe et bouillonne en lui le bon comme le mauvais.

Par ailleurs, Jekyll explique que la raison pour laquelle il persiste à devenir Hyde, même après avoir constaté les méfaits du personnage, est la bouffée d'air frais que ce dernier lui procure. La si délicate et policée société victorienne se trouve ici mise en mal. S'il est de bon ton d'être parfait aux regards d'autrui en tant que Jekyll ; il est encore meilleur, sous les traits de Hyde, de se laisser aller sans restriction en faisant fi de tous ces codes contraignants. Hyde est celui qui n'a honte de rien, ne respecte rien, ne s'oblige à rien. Il est l'homme détaché de la morale et des règles sociales. Un aperçu effrayant, certes, et qui n'est pas à souhaiter, mais qui a le mérite d'effriter l'hypocrisie sociale.

J'ai évidemment adoré cette nouvelle. On se laisse prendre au jeu de pistes suivi par Utterson pour comprendre qui est Hyde et quelle est sa relation avec Jekyll. En bonne pointilleuse littéraire, néanmoins, je dois avouer ne pas avoir compris pour quelle obscure raison on persiste depuis des années à classer cette nouvelle dans le genre fantastique. Strictement rien n'est fantastique ici, au sens littéraire du terme : nulle terreur ne point à l'horizon, nul évènement extraordinaire non plus, et encore moins d'hésitation entre fiction et réalité de la part des personnages comme du lecteur. Au contraire, le texte tient plutôt du genre policier puisque toute la première partie est consacrée à l'enquête d'Utterson qui cherche des indices et mène des interrogatoires nombreux. La seconde dévoile les raisons scientifiques - et non pas surnaturelles - de l'affaire et explique le mystère. Certes, tout cela repose sur une raison purement imaginaire et l'un des personnages en présence est violent et repoussant. Mais, à la limite, cela s'apparenterait plus aux prémices de la science-fiction qu'au fantastique : de même que dans Frankenstein, il y a une explication - on est dans le fantasme de manipulations médicales mal contrôlées qui dérapent et créent un monstre allégorique, et de même que dans Frankenstein, il y a une issue précise et irrévocable - la mort - à l'affaire. Bref, à partir du moment où se réunissent explication rationnelle et conclusion précise, je ne vois pas comment on peut être dans le fantastique qui est censé être exactement le contraire.

Bref, l'objet de ce blog n'est pas de couper les cheveux en 4 (même si j'avoue une petite accointance occasionnelle avec cette activité). Qu'il tienne ou pas du fantastique, du policier ou de la SF, L'étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde est excellent, passionnant et tout ce qu'il y a de plus prenant. Une courte lecture qui mérite deux heures passées au coin d'une cheminée à grignoter les restes de Noël. Et toc !

 

 

challenge-des-100-livres-chez-bianca.jpgChallenge des 100 livres chez Bianca

18eme participation

 

 

 

 

Challenge XIX.jpgChallenge XIXe chez Fanny

11eme lecture

21/11/2014

Le Mystère Sherlock de J.M. Erre

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Le Mystère Sherlock de J.M. Erre, Pocket, 2013, 261p.

 

Jeremy Reichenbach holmes040.jpgJe commentais dernièrement chez Shelbylee que je souhaitais moi aussi découvrir J.M. Erre un de ces quatre. A force de lire à droite et à gauche des billets drôlement élogieux, j'ai fini par avoir l'eau à la bouche. Du coup, chose promise, chose due. J'ai investi dans Le mystère Sherlock et je rejoins ce qu'en disait ma consœur blogueuse : ce bouquin devrait être remboursé par la sécu !

Plantons le décor : Meirigen, au printemps. Ou, comme le dit joliment l'incipit : "En ce joli mois de mai, la neige était tombée dru, juste pour énerver le réchauffement climatique." Un groupe d'universitaires holmésiens, tous plus caricaturaux et savoureux les uns que les autres, se retrouvent près des chutes de Reichenbah pour un colloque consacré au maître. Le but est de convaincre l’indéboulonnable Bobo et de gagner la première chaire d'holmésologie. Tout le monde y va de ses politesses toutes relatives et de ses effets d'annonce. Bref, le colloque promet d'être de toute beauté. C'est évidemment sans compter une tempête de neige fulgurante qui coupe chauffage et électricité à tout le monde - et coupe en fait tout bonnement l'hôtel du reste du monde. C'est également sans compter une série de morts de plus en plus flippantes. Visiblement, il ne fait pas bon être holmésien ce week-end là à Meirigen. Ça commence sacrément à être synonyme de mort imminente... 
Mais un bon roman policier n'est rien sans le fin limier qui résout le mystère. C'est au commissaire Lestrade que revient ce rôle, affublé de quelques pompiers finis à la bière. Et c'est aussi à nous, lecteurs. Car, au côté de Lestrade, nous découvrons les différents écrits de nos universitaires pour comprendre qui est le coupable et quel est le mobile. Saurons-nous démêler le vrai du faux ?

Cela a déjà été dit un nombre incalculable de fois, mais je vais le souligner à nouveau : ce roman est une tranche de poilade de bout en bout. Si vous avez envie de lire sans savoir quoi - parce que "tu comprends, en ce moment avec le boulot, j'ai une tête comme ça" - prenez celui-ci. Il est forcément la lecture parfaite. Chaque page m'a fait pouffer de rire comme une gaminette. Même si ce n'est pas toujours la finesse incarnée, c'est toujours dans le mille. Cela dit, j'avoue que ce genre de comique de langage et de situation, à mi-chemin entre le trait d'esprit et la lourdeur intersidérale, est tout à fait celui qui m'amuse. J'imagine sans peine qu'il en laissera peut-être d'autres de marbre.

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En outre, sous la couche supérieure de l'humour se tricote une belle petite réflexion sur les enjeux de la fiction policière, le travail de l'écrivain et le rôle du lecteur. J.M. Erre le souligne au fil de la narration : l'auteur de roman policier est bien plus du côté de l'assassin que du côté du lecteur. Plutôt que de nous aider à comprendre, il nous balade allègrement. Il faut donc garder les yeux ouverts et convoquer toute la sagacité de Sherlock Holmes pour parvenir à éclaircir un mystère plus chafouin qu'on ne le pense. On referme le livre en se disant qu'il ne faut indéniablement pas s'arrêter à l'humour du roman, même si celui-ci le rend particulièrement savoureux. Le mystère Sherlock est un vrai policier qui met à l'épreuve nos compétences de lecteurs aguerris.

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PS : Je profite de cette chronique pour vous engluer de quelques photos du plus extraordinaire Sherlock Holmes devant l'éternel selon moi : l'incomparable, le merveilleux, le génialissime Jeremy Brett. Comment ? Tu ne connais pas le Sherlock Holmes interprété par Jeremy Brett ?! Répare ça tout de suite, vile impie ! Raaaah la culture, ma bonne dame ! Tout se perd !

PS² : Oui, ok, il y a aussi Benedict Cumberbatch. Mais ça n'a rien à voir. L'un ne saurait éclipser l'autre, ils se complètent. Le premier qui me parle de Robert Downey Junior par contre hein... 

 

 

 

 

challenge melangedesgenres1.jpgChallenge Mélange des genres chez Miss Léo

Catégorie roman policier (rigolo)