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10/02/2014

En mémoire de la forêt de Charles T. Powers

En mémoire de la forêt.jpg
En mémoire de la forêt de Charles T. Powers, Pocket, 2012, 533p.

 

coup de coeur.jpgBien loin des espaces policés de notre monde occidental, ce polar nous emmène dans le petit village polonais de Jadowia où règnent en maître la rudesse et la vodka. Le jeune Tomek est retrouvé mort dans la forêt un beau matin, près de la distillerie. Malheureusement, l'inefficacité de l'unique agent de police du coin et la main mise de Jablonski, ancien administrateur du régime communiste qui continue à régir les affaires de Jadowia sous le manteau, permettent à l'affaire d'être étouffée. Néanmoins, Powierza, le père de Tomek, et le jeune Leszek, son voisin cultivé, s'activent à éclairer ce meurtre.
En parallèle, de nombreuses anciennes maisons du villages sont mystérieusement dépouillées de leurs fondations et les portes sont vandalisées. Il semble que quelqu'un opère selon une logique qui échappe à beaucoup d'habitants qui n'y voient qu'un retour des juifs pour chercher leurs trésors enfouis avant la guerre. Sur ce point, c'est peut-être bien le père Tadeusz qui pourra apporter quelques lumières, loin des clichés qui persistent.

Mieux vaut prévenir tout de suite pour ne pas risquer la déception : ce roman n'est pas un thriller mais tient bien plus du roman noir. Le déroulement de l'enquête sur le meurtre de Tomek ne tient pas l'essentiel du livre et n'a rien de spécialement palpitant. Nous ne sommes pas menés de page en page le souffle coupé comme on pourrait l'attendre d'un thriller page turner classique. Et pourtant, ce fut un coup de cœur ! Car En mémoire de la forêt fait partie de ces polars passionnants qui, non contents de filer deux mystères (celui du meurtre et celui des maisons) avec habileté, filent également deux réflexions sur deux points particulièrement sombres de l'histoire polonaise.

Il explore tout d'abord le quotidien d'une Pologne au sortir du régime totalitaire soviétique.
L'auteur, ancien journaliste, a dirigé de nombreuses années à Varsovie le département "Europe de l'est" du Los Angeles Times. Autant dire qu'il maîtrise plus qu'amplement son sujet. Et les faits sont saisissants. Terrifiants, même. La Pologne apparaît profondément abîmée par des dizaines d'années d'une dictature qui s'inscrit dans les mémoires dans la même lignée que le régime nazi. Où l'on se rend compte que tous les régimes totalitaires, finalement, se valent. Les anciens collaborateurs communistes sont vilipendés, acheter des produits russes est répréhensibles ; quant aux anciens dirigeants du système, ils sont détestés au mieux, menacés souvent. En outre, la misère règne. Le travail se fait rare. La plupart des hommes sont imbibés de vodka. Les maisons semblent insalubres et une solitude perpétuelle étreint les gens. Les quelques visions de la ville ne sont pas bien meilleures : la grisaille et la pauvreté apparaissent simplement industrielles au lieu d'être agricoles et à plus grande échelle.

Derrière ce quotidien en noir et blanc point le souvenir de la seconde guerre mondiale. Le village était jadis peuplés essentiellement de juifs qui, tous, ont été déportés. Auparavant, ils ont été parqués au centre de village et les anciens habitants non juifs ont vécus cette période sombre. Certains, comme le grand-père de Leszek, ont tenté de se battre puis se sont cachés dans la forêt. Leurs souvenirs sont leur pire fardeau. Encore aujourd'hui, la question juive apparaît brûlante dans ce roman. Entre une incompréhension nimbée de caricature et une volonté d'oublier une horreur qu'ils ne veulent plus porter comme la leur, les polonais de Jadowia sont d'une humanité un peu lâche mais tellement juste. Charles T. Powers a l'incroyable intelligence de ne pas utiliser son roman pour défendre une thèse elle-même inversement caricaturale. Par la voie du prêtre, il met en lumière et invite à une réflexion paisible, critique.

J'avoue qu'au moment de l'entamer, je craignais un peu le choix de la Pologne pour situer le livre. J'étais partagée entre l'envie de découvrir quelque chose d'original, justement, et le fait que l'Europe de l'est post-dictature communiste n'est pas le plus engageant a priori. J'en ressors finalement conquise par la plume sagace de l'auteur et la justesse de son propos. Je vous conseille En mémoire de la forêt pour découvrir un territoire, une culture et les affres d'une histoire douloureuse, tout en vous divertissant. Tel est le bon côté d'un bon polar : instruire, porter au jour, tout en faisant passer d'agréables soirées.

 

challenge US.jpgChallenge Américain chez Noctenbule

10eme lecture

04/11/2013

Adieu Gloria de Megan Abbott

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Adieu Gloria de Megan Abbott, ed. Le Livre de Poche, 2012, 230p.

 

La narratrice, dont on ne connaîtra jamais l'identité, est une jeune fille d'une vingtaine d'années. Elle oscille entre des cours de compta le matin et un petit job sans envergure dans une boîte de nuit grâce au piston de son père. Très rapidement, les patrons lui demandent de trafiquer les chiffres, ce qu'elle fait sans rechigner : elle sent l'opportunité d'avoir plus que cette vie rangée et médiocre qui ne lui convient guère. L'arnaque est repérée par Gloria Denton, LA femme fatale. Élégante, riche et surtout vénéneuse, elle contrôle la plupart des entreprises criminelles du secteur pour les parrains du milieu. Mais c'est surtout la jeune comptable qui est repérée par Gloria : il est temps pour elle de former sa future héritière. La jeune comptable devient donc jeune pouliche, apprentie criminelle de haute volée, moulée dans de beaux tailleurs et formée à rester impassible et sans concession. Le plan fonctionne à merveille jusqu'à ce qu'elle tombe entre les pinces d'un joueur certes minable mais au pouvoir de séduction certain. La relation symbiotique entre le maître et l'élève se fissure dès lors dangereusement.

J'ai découvert Megan Abbott avec la lecture d'Absente en janvier dernier. J'en étais restée sur une lecture en demi-teinte, reconnaissant les qualités littéraires de l'auteur et son excellent rendu de la décennie 50-60's mais souffrant d'une comparaison avec le Dahlia Noir pour ce titre là. J'étais donc curieuse de lire un autre de ses romans, qui écarterait toute comparaison. Malheureusement, je me retrouve devant le même constat qu'il y a quelque mois. Je suis toujours admirative de son phrasé, de son style. En outre, le fait de ne pas marquer précisément l'époque, la ville, ni même l'identité de la narratrice tend à mythifier cette Amérique des gangsters classieux, pleins de flegme et de violence malsaine. D'autant que les gangsters ici sont des femmes. Particulièrement belles et vénéneuses, elles mènent la danse et ne s'en laissent pas compter par les hommes. Elles ne sont pas ses petites dindes mielleuses et facilement dévergondées que l'on retrouve souvent dans le polar noir où l'homme tient la tête d'affiche. Megan Abbott joue brillamment avec les codes du polar noir, tantôt pour les rendre vivants à la virgule près, tantôt pour les déjouer avec un panache tout féministe. Néanmoins, soyons clairs, Gloria Denton et sa pouliche ne relèvent pas tellement le niveau de leurs collègues masculins : la manipulation, la cupidité et le sang restent les maîtres mots même dans le corps de beautés hollywoodiennes.

Cela étant dit, encore une fois, je suis passée à côté ! Et puisqu'ici, il n'est pas question de comparaison avec une autre œuvre qui m'avait marquée, qu'au contraire j'adore ce genre policier, je ne comprends absolument pas ce qui m'a fait rester en dehors du roman. Je n'ai pas accroché ni à l'ambiance, ni aux personnages. D'habitude, ce qui m'accroche avec les policiers de cette époque, c'est un mélange de détestation et de fascination. Ici, je n'ai pas connu ce mélange particulier d'émotions. Je n'ai pas vibré, ni fascinée, ni rebutée. L'ensemble m'a fait l'effet d'un très belle exercice de style, poli et précis mais un peu lisse. Je crois que c'est ça : j'ai éprouvé un manque d'aspérité. Ce petit plus qui fait tilt.

Mais très honnêtement, je cherche la petite bête pour exprimer mon manque d'adhésion car objectivement, je trouve que c'est un bon polar noir. Allez savoir pourquoi, parfois, on passe complètement à côté de ses lectures !

 

2061720019.jpgChallenge Polar Historique
5eme lecture





challenge US.jpgChallenge US chez Noctenbule
6eme lecture

24/07/2013

Challenge Amérindiens : Bilan du 1er trimestre !

Comme il est de coutume sur la blogo, je vous propose un premier bilan du challenge amérindien lancé fin avril.

 

Challenge améridiens.jpg



Depuis lors, nous sommes 15 lectrices inscrites et je vous remercie de votre participation à cette thématique qui me tient particulièrement à coeur et que la littérature explore avec une grande richesse.

Mais sans plus de blah blah, voici les lectures proposées ces trois derniers mois :

 

Carlisle-t1-01.jpgCoccinelle nous parle d'Une moitié de Wasicun de Jean-François Chabas, un roman jeunesse paru tout récemment (en mai 2013) écrit par un français. Il raconte l'histoire d'un jeune sang-mêlé élevé chez les Blancs qui, à travers une énigme policière, découvrira la culture Sioux dont il est aussi issu.


Choco nous propose le tome 1 d'une série BD intitulé Carlisle de Seigneuret et Chevret Deighton qui emmène en Pennyslavie au tout début du XXeme et traite de cette épineuse question de l'éducation des indiens dont le credo était "tuer le sauvage pour sauver l'homme"... Une BD qui permet de découvrir une réalité historique dérangeante et trop méconnue.

Sharon nous fait découvrir deux polars teintés de culture amérindienne : Seuls les morts ne rêvent pas de Vidar Sundstol et La danse des chiens tonnerre de Kirk Mitchell et j'avoue que le mélange des genres a l'air très alléchant !

Canel nous propose trois découverte très différentes : Du sang dans les plumes de Joel Williams est le témoignage écrit en prison de sa jeunesse douloureuse de métis amérindien battu par son père. Cochon rouge d'Erik L'homme et Laurent Corvaisier développe les témoignages fictifs de colons et amérindiens au XIXe pour faire kuessipan.jpgcomprendre la colonisation aux plus jeunes. Enfin, le classique La perle de Steinbeck tire son récit d'un conte traditionnel mexicain et questionne la cupidité et la corruption.

Lucie, notre représentante de l'autre côté de l'Atlantique (héhé) chronique L'écorce de nos silences sur 3 courtes pièces autochtones et le roman contemporain de la jeune auteur innue Naomi Fontaine intitulé Kuessipan.

Enfin, nous sommes deux à vous avoir chroniqué l'excellent Chemin des âmes de Joseph Boyden
qui tresse habilement récit de combats de la 1ere guerre mondiale du côté canadien et histoire des indiens Crees. Par ici l'article de Lilly et par ici, le mien.

Je vous ai également parlé de l'avènement progressif du fusil dans la vie des Lakotas à la fin du XVIIIe à travers L'hiver du fer sacré de Joseph Marshal III.

 

J'espère que ces quelques liens vous inspireront et, en attendant le prochain bilan dans 3 mois, je vous souhaite d'excellentes lectures amérindiennes !

 

J'en profite pour vous faire passer le lien d'une série documentaire sur l'histoire de la colonisation américaine et le génocide américain. On va pas se le cacher : ça n'est pas ce qu'il y a de plus réjouissant mais c'est extrêment bien fait et surtout nécessaire. Voici la première vidéo ; toutes les autres sont également disponibles sur youtube.