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01/02/2012

Challenge Dragon 2012

Bon, tout cela n'est pas sérieux... A chaque fois que je lis George relayer un challenge sur son blog, il m'inspire et du coup, je m'y inscris. Tss Tss, vraiment hein... Incorrigible, je suis.

Le dernier craquage en date, donc, est le challenge organisé par Catherine à l'occasion du nouvel an lunaire (qui n'est pas que chinois) et de l'année du dragon d'eau pour mettre la littérature asiatique à l'honneur jusqu'au 9 février 2013.

 

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4 catégories sont ouvertes pour ce challenge qui ne sera pas que littéraire.
Pour ma part, je me suis inscrite dans la catégorie Dragon de Feu pour laquelle je chroniquerai 5 livres d'auteurs des pays qui célèbrent le nouvel an lunaire (Chine, Hong Kong, Macao, Singapour, Taïwan, Corée du Sud, Japon, Cambodge, Thaïlande, Vietnam, Bhoutan, Népal, Tibet, Indonésie, Malaisie, Philippines) + 3 articles sur d'autres sujets (cela peut aller de la gastronomie, en passant par le cinéma, les voyages, l'art etc, bref, c'est ouvert à toute forme de culture!)

Et puis du coup, le challenge était pas prévu mais le billet était déjà prêt donc ma première chronique dragonesque sera là demain matin!


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19/01/2012

La terre d'Emile Zola

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La terre de Zola, 1887, 500p.


Quinzième tome des Rougon-Macquart, La Terre s'attaque à l'univers paysan avec une âpreté qui n'a d'égal que ce sol hiératique.
Sur une période de dix ans, il s'articule autour de la famille des Fouan - parents, oncles et tantes, enfants puis petits-enfants - dont il brosse la descente aux enfers avec toute une cohorte de personnages-satellites mesquins, ignards et ivrognes sous le ciel de Rognes. C'est Jean Macquart, fils d'Antoine Macquart, qui représente ici l'illustre famille zolienne. Il apparaissait déjà dans La Fortune des Rougon où il était apprenti menuisier. Tiré au sort par la suite pour participer aux batailles de son siècle dont il sort physiquement indemne, c'est en Beauce, comme ouvrier agricole, qu'il aspire à couler des jours paisibles après les horreurs de la guerre. C'est ainsi qu'on le croise, semant son blé aux premières lignes du roman.

Le coeur de toute cette affaire, le véritable héros muet du roman, c'est la terre. Erigée en dieu inflexible, ce n'est pas tant ce qu'elle produit ou le travail qu'elle réclame qui aiguise les tempéraments mais bien sa possession. Avec une fureur bestiale, il s'agit d'avoir à tous prix car c'est l'avoir qui définira l'être, c'est ainsi qu'il pourra enfoncer ses racines et s'élever aux détriments des autres. Rien n'est épargné de la déchéance physique et morale de cette espèce avide, ni l'alcool, ni l'impudeur des relations, pas même le meurtre.

La terre comme dieu et les hommes comme bêtes, ainsi pourrait se croquer cet ouvrage. L'auteur continue d'explorer sans concession les aspects les plus sombres de l'homme, sans qu'aucune lueur d'espoir n'éclaire l'horizon, avec l'emprunte du siècle toujours en filigrane - notamment la révolution industrielle qui oppose les intérêts des ouvriers à ceux des paysans.
C'est là l'oeuvre riche et noire d'un bas peuple qui se débat et se grignote sans sa propre fange et que le lecteur ne pourra que lire comme on reçoit une claque magistrale.


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Extraits :


"Alors, en quelques mots lents et pénibles, il résuma inconsciemment toute cette histoire : la terre si longtemps cultivée pour le seigneur, sous le bâton et dans la nudité de l'esclave, qui n'a rien à lui, pas même sa peau ; la terre, fécondée de son effort, passionnément aimée et désirée pendant cette intimité chaude de chaque heure, comme la femme d'un autre que l'on soigne, que l'on étreint et que l'on ne peut posséder ; la terre, après des siècles de ce tourment de concupiscence, obtenue enfin, conquise, devenue sa chose, sa jouissance, l'unique source de sa vie. Et ce désir séculaire, cette possession sans cesse reculée, expliquait son amour pour son champ, sa passion de la terre, du plus de terre possible, de la motte grasse, qu'on touche, qu'on pèse au creux de la main. Combien pourtant elle était indifférente et ingrate, la terre ! On avait beau l'adorern elle ne s'échauffait pas, ne produisait pas un grain de plus. De trop fortes pluies pourissaient les semences, des coups de grêle hachaient le blé en herbe, un vent de foudre versait les tiges, deux mois de sécheresse maigrissaient les épides ; et c'était encore les insectes qui rongent, les froids qui tuent, des maladies sur le bétail, des  lèpres de mauvaises plantes mangeaient le sol : tout devenait une cause de ruine, la lutte restait quotidienne, au hasard de l'ignorance, en continuelle alerte. Certes, lui ne s'était pas épargné, tapant des deux poings, furieux de voir que le travail ne suffisait pas. Il y avait desséché les muscles de son corps, il s'était donné tout entier à la terre, qui, après l'avoir à peine nourri, le laissait misérable, inassouvi, honteux d'impuissance sénile, et passait aux bras d'un autre mâle, sans pitié même pour ses pauvres os, q'elle attendait."

 

"- Ah! Tout fout le camp! cria-t-il avec brutalité. Oui, nos fils verront ça, la faillite de la terre...Savez-vous bien que nos paysans, qui jadis amassaient sou à sou l'achat d'un lopin, convoité des années, achètent aujourd'hi des valeurs financières, de l'espagnil, du portugais, même du mexicain! Et ils ne risqueraient pas cent francs pour amender un hectare! Ils n'ont plus confiance. Les pères tournent dans leur routine comme des bêtes fourbues, les filles et les garçons n'ont que le rêve de lâcher les vaches, de se débarasser du labour pour filer à la ville... Mais le pis est que l'instruction, vous savez! la fameuse instruction qui devait sauver tout, active cette émigration, cette dépopulation des campagnes, en donnant aux enfants une vanité sotte et le goût du faux bien-être..."

 

"Tous deux, le cultivateur et l'usinier, le protectionniste et le libre-échangiste, se dévisagèrent, l'un avec le ricanement de sa bonhommie sournoise, l'autre la hardiesse franche de son hostilité. C'était l'état de guerre moderne, la bataille économique actuelle, sr le terrain de la lutte pour la vie."





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13/20







terre,paysan,alcool,déchéance,meurtre,industrialisation,rougon-macquart,famille,argent,possessionChallenge "un classique par mois"

Janvier 2012

13/01/2012

Monsieur Walser et la forêt de Gonçalo M. Tavares

 

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Monsieur Walser et la forêt de Gonçalo M. Tavares, ed. Viviane Hamy, 2011, 50p.

 

 

Gonçalo M. Tavares explore depuis quelques ouvrages des figures étonnantes, des types au patronyme célèbre qui peuplent le Bairro - le village, le quartier en portugais. Après Monsieur Brecht ou Monsieur Calvino, voici Monsieur Walser, habité d'une envie de retour aux forêts. Pour cela, il se fait construire une cabane au milieu des bois, en marge du village. Pas tant une envie de nature qu'une envie de coloniser cette nature par la construction pointue d'un lieu neuf où se retrancher, avoir la paix. Le jour d'entrée dans la maison, Monsieur Walser se délecte de tout ce mobilier, cet habitat flambant, douillet, rassurant, impeccable. Jusqu'à l'arrivée d'un ouvrier qui dit devoir réparer un élément défectueux, puis un deuxième puis toute une floppée qui envahit les lieux et trouble le personnage. La maison ainsi que sa tranquilité partent en déliquescence.

Ce livre est comme un petit conte drolatique et piquant, un croquis par type de nos travers. J'avoue que je ne m'attendais pas à ça mais à quelque chose de plus fouillé, de plus complexe dans la réflexion - il faut dire que je ne m'attendais pas à un bouquin aussi fin. Ici, l'auteur suggère, invite à la réflexion par la mise en scène de cet épisode presque théâtral - à nous de creuser plus loin. Une lecture intéressante sur divers points mais qui ne m'a pas habitée à cause de cette posture formelle et très détachée qui a tendance à me laisser assez froide.

 

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Extrait :

 

"Comme Walser est content ! A peine ouvre-t-on la porte de sa maison - il le sent bien - que l'on pénètre dans une autre monde. Comme s'il ne s'agissait pas seulement d'un mouvement physique dans l'espace - avancer de deux pas - mais aussi d'un déplacement  - autrement plus puissant - dans le temps. Entre le pied de derrière, dont il se dégage encore une odeur de terre et la sensation, en rien objective, mais qui existe bel et bien, d'être entouré de choses vivantes mais qu'on ne comprend pas complètement et qui ne nous comprennent pas non plus - les éléments de la forêt - , entre ce pied de derrière, donc, et ce pied de devant, qui a déjà franchi le pas de la porte, la distance parcourue ne doit pas se mesurer en centimètres mais en siècles, voire en millénaires."

 

 

walser,forêtet hop, encore une lecture pour le challenge de la rentrée littéraire 2011 tant qu'à faire!