Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17/10/2013

Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand

cyrano.jpg
Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand, 1897

 

Cyrano de Bergerac sous la plume d'Edmond Rostand : Par excellence, le héros du panache !
Il est laid, c'est un fait. La nature l'a affublé d'un appendice nasal des plus proéminent qui empêche l'amour de Roxane. A défaut, Cyrano se surpasse en bravoure et en éloquence. A l'épée comme à la plume, toujours il fait mouche ! Ce sont bien ces deux talents qui lui valent une situation pathétique : devenir le protecteur de Christian de Neuvillette dont Roxane est amoureuse en même temps que son nègre. Car l'amour n'a rien d'aveugle et bien qu'un peu d'esprit sied à toute séduction, rien ne vaut surtout un beau visage. Cyrano prête donc sa plume à la belle gueule de Christian, pour l'amour de Roxane, avec abnégation. Lorsque Christian vient à mourir au siège d'Arras, Cyrano tait l'imposture, quitte à ne jamais s'autoriser Roxane et quitte à lui faire bientôt perdre deux fois celui qu'elle a aimé.

Je ne suis absolument pas friande de théâtre - du moins, quand il s'agit d'en lire. Le théâtre est décidément pour moi plus une mise en jeu et en espace qu'un texte à lire. Mais c'est un genre, cette année, qu'il va me falloir creuser un peu tant ma culture classique en la matière est lacunaire. Heureusement pour moi, j'ai eu le nez (aha) de choisir une première pièce qui fonctionne à merveille : j'ai adoré !

Cyrano de Bergerac se présente comme une comédie héroïque. La trame se situe au XVIIe siècle, durant le règne de Louis XIII. On croise d'ailleurs D'Artagnan dans l'Acte I, sans parler du siège d'Arras dans l'acte IV qui reprend cet épisode de la guerre de Trente Ans. La vie de Cyrano est abondamment documentée et toutes les anecdotes qui égaillent la pièce se basent sur des éléments tangibles, du moins découverts dans les archives, de la vie de notre héros.

La pièce est oeuvre protéiforme. Elle tient à la fois du comique - jeux de mots, stichomythies et interjections intempestives -, de l'épique - éloge de la bravoure, disproportion des forces et mort héroïque sous l'arbre - et du pathétique - sentiments duels et amours malheureuses. Il n'y a pourtant rien de mélodramatique : Cyrano, personnage puissant, n'est ni tyrannisé, ni persécuté. Il est son propre bourreau - ou bien est-ce son nez ? - puisqu'il s'impose l'ascétisme de l'ombre avec une rigueur qu'il refuse de briser. Une telle rigueur, toute personnelle, étonne mais renvoie le mélodrame au placard. De la même manière, j'ai lu ici ou là que la pièce avait des accents tragiques. Pour les mêmes raisons, j'ai du mal à souscrire à ce point de vue : Cyrano, encore une fois, est bien son propre maître et il n'est point question de fatalité.

Sous le signe de notre héros, la pièce oscille entre jeu et sacrifice, conte aussi dans ce dernier acte poignant où Cyrano avoue l'impuissance de la féérie : les laids ne deviennent pas beaux par un baiser de leur belle ailleurs que dans la littérature.
Et la littérature d'ailleurs : parlons-en ! Cyrano est la figure du poète sans compromission, qui se met le tout Paris à dos, fini dans la misère, plutôt que courtiser et écrire ce qu'il convient pour se faire une réputation. Cyrano est l'idéaliste par excellence - celui qui, forcément, ne réussit jamais car il faut bien savoir composer un peu dans la réalité. Même Molière a su composer... en lui piquant une scène pour ses Fourberies de Scapin ! Cyrano de Bergerac préfère une condition d'esthète exigeant à l'approbation d'une société qu'il méprise ; à qui il envoie brillamment ses "Non merci!"

Ni une ni deux, je me prépare à présent à visionner le film tourné par Rappeneau. Nul doute que Depardieu campe un Cyrano impeccable : ce personnage semble être taillé pour lui, un parfait mélange de gouaille fanfaronnesque et de talent génial.

coup de coeur.jpg

14/10/2013

Petites scènes capitales de Sylvie Germain

petites-scenes-capitales.jpg
Petites scènes capitales de Sylvie Germain, ed. Albin Michel, Août 2013, 250p.

 

C'est toute une vie que brosse ce roman elliptique, tout en instantanés photographiques. Une vie minuscule et pourtant poignante, jalonnée d'Histoire et de poésie. Au début du livre, Lili est une petite fille unique et orpheline de mère. D'elle, elle ne connait rien - n'a qu'une photo prise après sa naissance. Tout le reste a été effacé par celle-là même qui s'est enfuie. Du cocon restreint formé par sa grand-mère et son père, elle est projetée dans une grande famille recomposée, dans un nouvel appartement sans oiseau, dans une vaste chambre avec trois nouvelles sœurs. Le quotidien s'émaille du sentiment profond de solitude que ressent Lili, d'incompréhension face au manque et de difficulté à trouver sa propre identité. Est-elle Lili comme l'a toujours appelée sa famille ou cette Barbara qu'elle découvre à l'école ? Cette schizophrénie du nom est à l'image des lacunes que ressent la petite fille devenue jeune fille puis femme. Elle se persuade longtemps que le remède serait dans la mise à nu d'un secret. Mais y en a-t-il vraiment? Est-ce jamais le bon moment de le savoir ?

J'ai retrouvé avec plaisir l'écriture gracieuse de Sylvie Germain dans cet opus. Point de grande fresque ici, plutôt de courtes évocations (les chapitres ne font jamais plus de quatre ou cinq pages) qui composent, à la manière de photographies, le cheminement de Lili/Barbarba jusqu'à l'âge mûr et au lâcher-prise. Néanmoins, on retrouve ce souci de mêler une quête intérieure - la recherche de soi et de son identité - et l'Histoire comme le décor nécessaire de cette quête. Tantôt déclencheur, révélateur, exutoire, le grand évènement est toujours le corollaire de l'intime. Ainsi, les rafles et les camps de la seconde guerre mondiale puis mai 68 apparaissent à la lumière des uns et des autres.
La poésie, la musicalité de Sylvie Germain est toujours magnifiquement présente. Ce sont dans les passages sans action, lorsqu'elle saisit un ciel ou une lumière qu'elle s'épanouit le mieux.

Malgré tout ces points très positifs, car j'ai effectivement aimé ce roman, je n'ai pas été autant emballée qu'avec Le Livre des nuits. Je n'ai pas ressenti le même pouvoir de fascination, de saisissement. C'est un très beau roman, touchant et à l'écriture indéniablement maîtrisée mais je n'ai pas été scotchée. Le propos et la manière de le traiter m'ont semblé, je pense, un peu moins originaux. Sans doute que l'écriture en courtes scènes est moins propice aussi à embarquer furieusement.En tout état de cause, j'ai aimé mais je n'ai été électrisée. Je vous conseille tout de même la lecture de cette tranche de vie qui mérite bien quelques soirées d'attention en cette auguste rentrée.

 

rentrée littéraire 2013.jpgChallenge Rentrée Littéraire 2013

3/6

30/09/2013

Bel Ami de Guy de Maupassant

bel ami cover-1.jpg
Bel-Ami de Guy de Maupassant, ed. Folio, 415p., 1885

 

Au début du roman, Georges Duroy sort d'un restaurant et respire Paris. Ancien sous-officier, le voilà modeste employé avec une féroce envie de réussir - c'est-à-dire être riche et en mettre plein la vue. Il n'a aucun talent particulier si ce n'est celui de séduire. Mais dans une société en pleine mutation où les possibilités de réussite poussent comme des bolets en octobre, Georges Duroy n'a pas besoin de plus. Il possède même l'arme fatale.
Lorsqu'il rencontre au hasard des rues son ancien camarade d'armée, Charles Forestier, il saute sur l'occasion. Il découvre que le journalisme est un merveilleux ascenseur social et Forestier lui propose de l'y introduire. Qu'il ne sache pas écrire n'est pas un problème : depuis quand un journaliste a-t-il besoin d'écrire? Il se contente de faire écrire ses premières chroniques par Madame Forestier puis de voguer de femmes en femmes jusqu'au sommet qu'il s'est choisi, dans la plus totale décomplexion et une pointe de machiavélisme de comptoir.

Si Rastignac est l'arriviste dandy et élégant, Georges Duroy en est sa version premier prix. Malgré cette beauté que Maupassant ne cesse de nous vanter - des cheveux blonds cendrés, une moustache parfaite agitée au gré des coquineries, Duroy n'est rien d'autre qu'un jeune mufle peu intelligent avec les dents qui rayent le parquet. Et aucun scrupule ne l'encombre ! Ni celui de pénétrer dans un domaine professionnel pour lequel il n'a aucune aptitude, ni celui de manipuler les femmes de pour arriver à ses fins. Au début, son goût de réussir à quelque chose d'attachant. On sent une grossièreté de paysan rouennais qui attend ardemment de toucher du doigt la plus grosse pâtisserie de la vitrine. Mais progressivement, son envie devient dévorante, insatiable voire cruelle. Le livre se termine et pourtant, le lecteur ne peut s'empêcher de suspecter encore notre héros de quêter de nouvelles avancées. Lors de son mariage avec l'ex-madame Forestier, il offre d'ailleurs à son nom un avatar aristocratique : Du Roy de Cantel. Ce petit tour découvre à lui seul toute la modestie et le snobisme de mauvais-goût de notre héros.

Ces quelques considérations sur Duroy étant faites, il faut bien évidemment ajouter que Bel-Ami est un excellent tableau satirique de l'univers parisien fin de siècle. Tout le monde en prend pour son grade : tant la politique épinglée dans ses malversations et ses calculs mesquins que le journalisme dans son absence de professionnalisme, d'objectivité et de qualité. Maupassant a chroniqué pour des revues et publié nombres écrits (dont Bel-Ami) sous forme de feuilletons. Il est donc bien placé pour plomber son sujet. Ici, qu'il s'agisse des politiques ou des journalistes, c'est l'argent qui tire toutes les ficelles. A la tête de La Vie Française : un riche juif qui n'a cure de l'écriture. Aux affaires étrangères : un provincial également riche qui n'a cure des retombées d'une bataille. C'est donc la politique en Afrique du Nord qui fait les frais des ces considérations mercantiles sous le manteau et, tandis que les deux sus-cités s'enrichissent encore plus, une intervention militaire s'engage avec surprise.

Je ressors de cette lecture plutôt séduite. Pas complètement foudroyée comme j'ai pu l'être chez Zola, avouons-le, mais moi qui y allait à reculons, je n'ai pas vécu l'ennui que je redoutais. L'écriture de Maupassant est simple, claire, sans emphase. Il pique juste sans en faire trop. Le personnage de Bel-Ami est décidément savoureux de muflerie rustre et la satire de l'époque en général/du journalisme en particulier est sans objection.
Il fait bel et bien partie des classiques à avoir lus au moins une fois dans sa vie !

 

 

 

Challenge XIX.jpgChallenge XIXème siècle chez Fanny et Kheira (Netherfield Park)
1ere lecture