21/03/2012
Veuf de Jean-Louis Fournier
Veuf de Jean-Louis Fournier, ed Stock, 2011, 157p.
Sylvie est morte le 12 novembre 2010 ; et l'auteur brode son absence en petits épisodes de la vie, en réflexions piquantes, drôles et douces. Dans ces fragments, on lit la nostalgie de ces quarante années de mariage et l'anecdotique de toute relation mais aussi l'universalité de la peine et du manque de l'autre - le sac à main ou un manteau qui se rappelle au vivant, des objets perdus qui réapparaissent fortuitement, le numéro à effacer du téléphone "Mon écran a affiché une terrible question : "supprimer Sylvie?", l'angoisse de mourir seul.
En somme, un récit émouvant, clairement emprunt d'une grande tendresse et de beaucoup d'amour qui ne laisse pas indifférent mais il plaira surtout à ceux qui y retrouveront leur propre expérience ou qui sont plus friands de récits autobiographiques. Pour ma part, malgré la délicatesse du message et la sincérité enlevée du verbe, je ne suis pas très bonne cliente de ce genre de littérature...
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Extrait :
"Je n'ai jamais pleuré, je crois, quand tu es morte. J'ai envie de dire que j'étais trop malheureux, et les larmes paraissaient dérisoires. Je pleure seulement au cinéma, parce que c'est du cinéma.
Toi, tu ne seras pas triste quand je vais mourir. J'ai envie de dire "au contrair". Ca ne m'amuse pas follement de mourir seul. Qui va me tenir la main? Qui va me rassurer? J'avais promis que, le jour de ma mort, si j'entendais dire "C'est la fin", j'ajouterai "des haricots", pour te faire rire une dernière fois."
15/7
09:00 Publié dans Challenge, Littérature française et francophone | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : deuil, mort, veuf, absence, perte, gaité, paix, manque
26/02/2012
A la rencontre de George Sand
On a beau se prévoir des listes d'auteurs à découvrir et se faire des piles à lire, force est de constater que pour avoir le déclic, c'est souvent l'occasion qui fait le larron. Les plus jolies rencontres sont souvent affaire de hasard, un beau matin.
C'est ce qui s'est passé hier, entre George Sand et moi, auteur dont je n'ai jusqu'alors jamais ouvert un livre. J'avais bien croisé La petite Fadette ou La Mare au diable pendant ma scolarité, mais sans aucune conviction.
Et puis, à l'occasion d'une visite de mes parents dans ma Creuse profonde, je découvre que Nohant n'est qu'à une soixante de kilomètres de chez moi. Ni une, ni deux, nous voilà sur la route à la rencontre du lieu de vie de cette femme de lettres, à mes yeux mystérieuse.
Et quel plaisir que cette maison charmante, aux pièces à taille humaine, où s'ouvrent pour nos yeux son piano, son lit, son théâtre et son cabinet de travail. C'est ici qu'elle a composé ses oeuvres, qu'elle a reçu Flaubert, Balzac, Chopin ou Tourgueniez. C'est ici qu'elle a cuisiné ses fameuses confitures. Et c'est ici qu'elle repose, toujours fidèle à son Berry natal, dans le repos de son âme. Un vrai pélerinage à la rencontre d'une personnalité à travers son lieu de vie.
Autant vous dire qu'en sortant, émue par sa présence encore vivace, j'ai dévalisé la librairie pour emporter quatre de ses oeuvres et une carte postale qui me servira de marque-pages. A n'en pas douter, un écrit de George Sand sera mon classique du mois de Mars !
16:46 Publié dans Littérature française et francophone | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : visite, george sand, nohant
08/02/2012
La demande de Michèle Desbordes
[Les inscriptions pour le swap du printemps, c'est par ici. N'hésitez pas!]
La demande de Michèle Desbordes, Verdier, 1998 / Folio, 2001, 141p.
Lui, l'artiste, quitte un beau jour l'Italie pour ne plus y revenir. Il sait qu'il mourra en France, dans ce château près d'Orléans, entouré de ses travaux pour le Roi et de sa solitude d'exilé. Elle, la servante dévouée et discrète, est auréolée de la lumière des jours banals et des travaux érintants du quotidien. On ne sait rien d'elle ; même sa parole est rare. Ils passent des mois côte à côte, s'effleurant, se parlant à peine, ne se connaissant pas et se comprenant pourtant, au-delà des mots. En filigrane de cette relation étrange, indicible et sensible, la mort tisse son nid et prépare la demande au terme de quelques saisons.
Couronné par le Prix France Télévision, entre autres, cet ouvrage - deuxième de l'auteur - a été encensé sans exception par la critique. Pour ma part, je suis dans l'impossibilité d'émettre un avis aussi enthousiaste pour la raison suivante : J'ai découvert Michèle Desbordes il y a quelques années, peu de temps après la publication de son dernier ouvrage, Les petites terres, et suis littéralement tombée amoureuse de ce style au plus près de l'âme, ruisselant dans la demi-teinte de l'attente et du ressassement. Aussitôt, j'ai décidé qu'elle serait l'une des trois auteurs dont j'étudierai l'oeuvre pour mon mémoire de Littérature comparée. De ce fait, j'ai lu beaucoup de ces travaux et au final, je m'en suis lassée - le présent livre, d'ailleurs, avait été acheté à cette époque et laissé en jachère pour cette raison. Le style et le propos de Michèle Desbordes sont captivants, envoûtants lorsqu'on lit un livre ou deux de la sorte. Trois peut-être. Mais au-delà, c'est perpétuellement la répétition du même livre. Alors bien sûr, tous les auteurs ont leur sujet de prédilection et leur manière de le dire mais à ce point là ?! Chez Desbordes, j'en viens à retrouver les mêmes phrases qui n'en finissent pas d'attendre on ne sait quoi, les mêmes paysages, le même déroulement du propos et c'est bien au-delà du simple tic d'écriture. Je ne sais pas... Trop de ressassement tue le ressassement.
C'est quand même étrange comme on peut être passionnément touchée par un auteur et le trouver profondément ennuyeux par la suite...
Cela étant dit, si vous n'avez jamais lu Michèle Desbordes, découvrez-là ! Son écriture est délicate et perçante et d'une grande beauté au premier abord !
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Extrait :
"Plus que jamais elle se taisait, et le silence et le regard détourné parlaient mieux que n'auraient fait les paroles, ils disaient l'habitde et la résignation, en elle parlaient toutes celles qui s'asseyaient sans rien dire près des fenêtres et croisaient les mains dans leurs jupes, comme en lui qu'elle regardait d'un regard fatigué vivaient tous les idiots, ce qu'ils voyaient n'était qu'un infime, misérable fragment du temps, sans fin ni commencement, depuis longtemps et pendant longtemps encore des gens comme eux s'arrêteraient dans une rue ou un jardin pour regarder un vieil âme ou un idiot, les observeraient en se disant qu'ils regardaient un âne et un idiot de tous les temps, inchangés, éternels comme le ciel et le soleil, les profondeurs effrayantes de la terre, le malheur, le bonheur."
09:00 Publié dans Littérature française et francophone | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : attente, ressassement, saisons, servante, artiste, de vinci, mort, temps, campagne